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PAUL fSAINT). NATURE DE LA LOI

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Dans la deuxième partie de cette section, ꝟ. 15-21, l’Apôtre expose la doctrine de la justification par la foi, indépendamment des œuvres de la Loi ou observances légales. — On considère généralement ces six versets, non comme la suite des paroles adressées à saint Pierre, mais comme le résumé du discours prononcé à Antioche, à la suite de la scène racontée dans les ꝟ. 11-14. D’autres regardent ce passage comme un exposé doctrinal adressé uniquement aux Galates. Cette dernière solution est moins probable, car nous avons là une suite naturelle, ou une conclusion de la scène d’Antioche. Ces versets sont très bien en situation, adressés à toute l’assemblée après l’invective contre saint Pierre.

L’Apôtre esquisse un exposé de la doctrine qui fera l’objet de l’épître aux Romains. Les idées essentielles sont les suivantes :

L’homme est justifié par la foi au Christ Jésus, non par les œuvres de la Loi ; c’est pourquoi saint Paul, tout juif qu’il est, a cru à Jésus-Christ.

Si, en acceptant la foi sans les pratiques légales, on devenait pécheur, — c’était la thèse des judaïsants, — le Christ serait « ministre de péché ». Si, après avoir rejeté la Loi, on la reprend, on avoue, par le fait môme, qu’on l’a violée d’une façon coupable en la rejetant, puisqu’on maintient son caractère obligatoire.

Mais le rôle de la Loi est terminé : « Par la Loi, je suis mort à la Loi. » Parole assez énigmatique. Selon une opinion probable, en conduisant au Christ, en montrant qu’il faut l’écouter, Deut., xviii, 15, la Loi s’est détruite elle-même, puisque son rôle est terminé ; ce n’est plus à elle qu’il faut obéir, mais au Christ. Cf. saint Jean Chrysostome, In Gal., h. t., P. G., t. lxi, col. 644-645. — On peut l’entendre également : Par la loi de la foi (cf. Rom., ni, 27 ; la loi de l’Esprit, cf. Rom., viii, 2 ; la loi du Christ, cf. Gal., vi, 2), je suis mort à la loi de Moïse. Saint Jean Chrysostome suggère cette interprétation en se référant à Rom., viii, 2, P. G., ibid. Cette opinion se rencontre également dans l’Ambrosiaster, P. L., t. xvii, (1845) col. 351. Elle est suivie par le P. Lagrange, Galates, p. 51. Elle s’accorde avec le contexte et se rattache à la doctrine mystique de l’Apôtre. Le baptême est une mort et une résurrection mystique. Rom., vi, 3 sq. pVlourir à la Loi c’est être crucifié avec le Christ, c’est ( mourir avec lui, afin de vivre de sa vie même, tout en demeurant « dans la chair », c’est-à-dire en ce inonde. Tout cela, par la grâce du Christ, la foi « au Fils de Dieu, qui m’a aimé et s’est livré pour moi ». ii, 20. En conséquence, si la justice était le fruit de la Loi, le [Christ serait mort inutilement ; cf. Gal., v, 23.

Ainsi l’Apôtre, sans quitter le terrain de la controverse, expose le thème essentiel de sa doctrine, thème qu’il reprendra et développera longuement dans l’épître aux Romains.

Qu els étaient au juste les adversaire s de saint Paul ? S’agit-il d’un groupe de chrétiens dissidents et fanatiques, issus du judaïsme, ou bien faut-il y voirl’Églisemère judéo-chrétienne de Jérusalem, établie par les disciples immédiats du Christ, et ayant à sa tête saint Jacques, « le frère du Seigneur » ? En d’autres termes, saint Paul lutte-t-il seulement contre un groupe de perturbateurs sans scrupules, demeurés pharisiens, ou contre l’Église primitive de Jérusalem ? C’est bien kproblèmejeplus important posé par l’épître aux 1 ; rEêsTîTEglïse^ "sous l’action de saint Paul, va-t-elle se diviser en deux tronçons, ou seulement éliminer de son sein des agitateurs qui n’avaient point le sens chrétien ?

La solution la plus conforme aux données de l’épître aux Galates est que les adversaires de saint Paul étaient des judaïsants intransigeants et fanatiques, se réclamant sans doute des apôtres et spécialement de

saint Jacques, mais outrepassant leurs instructions ou leur enseignement en présentant la Loi comme indispensable au salut.

En effet, l’Église judéo-chrétienne de Jérusalem admettait que les païens pouvaient être sauvés sans l’observation de la Loi et que la foi au Christ n’exigeait pas la circoncision. Saint Paul, saint Jacques et les autres autorités de l’Église judéo-chrétienne avaient été d’accord sur ce point au concile de Jérusalem ; cf. Act., xv ; Gal., n. Il y avait donc entre eux communauté de vues, et la thèse du salut par la foi seule — c’est-à-dire sans la Loi — n’était pas particulière à l’Apôtre.

Or, l’épître combat des judaïsants intransigeants et fanatiques, aux yeux desquels la circoncision et les observances légales étaient une condition indispensable au salut. Le ton et le contenu de l’épître ne laissent aucun doute sur ce point. Lire Gal., i, 6-9 ; m, 1 sq. ; v, 3-4, 6, 12 ; vi, 15 ; ces textes, rapprochés de Act., xv, 1, 5, montrent que saint Paul avait pour adversaires d’anciens pharisiens devenus chrétiens, mais restés zélateurs de la Loi et voulant allier le judaïsme à la foi nouvelle. L’Apôtre leur oppose que, sans la Loi, par l’union au Christ, on est enfant d’Abraham, héritier de la promesse du salut, la Loi n’étant pas un complément, ni une modification de cette promesse, mais une disposition transitoire.

Dans ces conditions, il est impossible d’identifier les judaïsants combattus par l’Apôtre, avec l’Église judéo-chrétienne de Jérusalem. Au c. v, 10, lorsque l’Apôtre s’écrie : « Celui qui jette le trouble parmi vous en portera la peine, quel qu’il soit », il ne fait point allusion à saint Jacques, chef de l’Église de Jérusalem. Il s’agit d’un autre personnage, chef des judaïsants fanatiques. En effet, d’après l’épître, ce n’est point en saint Jacques qu’il faut chercher l’inspirateur des judaïsants de Galatie. Car les deux apôtres, nous l’avons vii, Act., xv, et Gal., ii, étaient d’accord sur les questions de principe. Saint Paul, qui s’efforçait de rester uni à l’Église de Jérusalem et se sentait en communion de doctrine avec ses dirigeants, n’aurait jamais lancé l’anathème contre saint Jacques et ses disciples. L’évêque de Jérusalem n’avait point envoyé des judaïsants à Antioche pour combattre la doctrine de saint Paul ; le passage Gal., ii, 12, n’exige nullement cette interprétation. Son épître et les traits sous lesquels la tradition nous le dépeint s’accordent avec cette thèse. Il n’avait aucune tendance pharisienne ; il était attaché à la « loi parfaite », Jac, i, 25, c’est-à-dire à la loi chrétienne ; il recommandait les œuvres de charité, non les observances légales ; cf. Jac, ii, 14-26. Voiries commentaires sur l’épître aux Galates, spécialement Lagrange, introd., p. xxxviii sq. ; J. Chaine, L’épître de saint Jacques, Paris, 1927, p. lxix sq.

4° Nature de la Loi ; son rôle dans l’histoire du salut, d’après saint Paul. — Le régime de la foi remplace donc celui de la Loi, c’est là un point essentiel dans la doctrine paulinienne : l’Apôtre rejette la Loi comme moyen de salut. Mais on se demande quels sont exactement les motifs pour lesquels il la rejette et, de plus, s’il a regardé comme abolie toute la Loi dans son ensemble, ou seulement les observances rituelles ou cérémonielles, tout en maintenant l’élément moral. Pour répondre à cette double question, il suffit de préciser comment l’Apôtre envisage le caractère ou la nature de la Loi et son rôle dans l’histoire du salut.

1. Caractère ou nature de la Loi.

« La Loi est intervenue pour que la faute, Ttapà71Tco(i.a, abonde », Rom., v, 20 ; c’est-à-dire par la Loi les fautes ont été multipliées, puisque, d’une part, il y a eu violation de commandements nouveaux et, d’autre part, les péchés déjà défendus par une loi antérieure ont revêtu une