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PAUL (SAINT). L’ÉVANGILE PAULIN1EN


lier au judaïsme, au grand détriment de l’Évangile. A cette nouvelle, l’Apôtre leur écrit une lettre indignée, pour leur montrer que l’observation de la Loi, non seulement n’est pas nécessaire, mais qu’elle est néfaste si on en fait un moyen ou une condition de salut. Dans un plaidoyer vigoureux, il s’applique surtout à prouver la légitimité de son apostolat et de sa doctrine ; son apostolat est légitime puisqu’il le tient directement de Jésus-Christ et de Dieu le Père ; sa doctrine est divine et ne peut, à aucun titre, être modifiée. L’Apôtre le prouve par une série d’arguments dont les uns sont d’ordre historique, les autres d’ordre scripturaire.

r’Les arguments historiques sont de deux sortes, les uns fournis par la vie de l’Apôtre, c. i-ii, — les autres, par l’expérience des Galates.

Saint Paul, en racontant sa vie, montre qu’il tient son évangile non des hommes, mais de Dieu seul. .- Avant sa conversion, il était très attaché au judaïsme, et ardent persécuteur de l’Église. Après, il s’est retiré au désert et il n’a vu aucun apôtre si ce n’est Pierre. Son évangile a d’ailleurs été approuvé par les « notables » de l’Église de Jérusalem, c’est-à-dire de l’Églisemère ; et lui-même, à Antioche, n’a pas hésité à reprendre publiquement Pierre, qui revenait aux pratiques légales, et tenait à l’écart les convertis du paganisme, pour ne pas offusquer les Juifs.

L’argument décisif en faveur de l’évangile paulinicn est sans contredit la vision et la révélation du Fils de Dieu sur le chemin de Damas. C’est l’événement miraculeux qui transforme l’Apôtre et l’éclairé sur le mystère du salut. Saint Paul avait fait là une expérience qui lui donnait une conviction inébranlable sur sa mission et sur la doctrine du salut. Elle était pour lui la première des preuves.

Mais les Galates ne pouvaient connaître cet événement que par le témoignage de saint Paul et par les résultats ou les effets produits en eux par son apostolat.

Les Galates ont fait des expériences qui confirment i la doctrine de l’Apôtre : « Avez-vous reçu l’Esprit I par les œuvres de la Loi ou par l’acceptation de la foi ?… Avez-vous fait une telle expérience en vain ? Car ce serait en effet en vain. Celui qui vous dispense l’Esprit, et qui opère parmi vous des miracles, le fait-il donc en vertu des œuvres de la Loi, ou par suite de votre acceptation de la foi ? » Gal., iii, 2-5.

Le thème principal de l’évangile prêché par saint Paul aux Galates était le « tableau de Jésus-Christ crucifié », Gal., ni, 1, c’est-à-dire la doctrine du salut par la mort et la résurrection de Jésus ; des œuvres de la Loi, il n’avait pas été question. Or, l’adhésion des Galates à cet « évangile du Christ » avait produit en eux des effets spirituels, où se reconnaissait indubitablement l’action de Dieu. Ces effets spirituels comportaient un double aspect : d’abord, les Galates avaient « reçu l’Esprit », ꝟ. 5. Nous savons tout ce que renferme, pour saint Paul, cette expression « recevoir l’Esprit » ; ejest recevoir le principe de vie nouvelle qui dirige l’homme dans l’ordre moral et religieux, qui le délivre du péché et de la chair, qui le transforme intérieurement, et même extérieurement dans sa conduite, qui lui donne enfin la garantie de la vie future. Cf. Rom., c. vin. Les Galates avaient donc fait une expérience intérieure qui se traduisait par une transformation morale visible, et où ils devaient reconnaître l’action surnaturelle de Dieu. Il y a plus. Cette communication de l’Esprit avait été accompagnée de « miracles », 8uvà ; j.siç, c’est-à-dire de manifestations extérieures de la puissance divine ; cf. I Cor., xiv, 1-19 ; II Cor., xii, 12 ; Rom., xv, 19 ; II Thess., ii, 9 ; Heb., ii, 4 ; cf. Act, II, 22 ; xv, 12. Une doctrine et un apostolat en faveur desquels se produisaient de tels signes, pouvaient-ils ne pas être

approuvés par Dieu ? Expériences intérieures, témoignages extérieurs divins, voilà quels étaient pour les Galates, et quels doivent être pour tous les chrétiens les signes du véritable évangile.

Les judaïsants, en présentant la Loi comme nécessaire au salut, avaient dû faire appel à l’Écriture. Ils avaient dû surtout puiser des arguments dans Y histoire d’Abraham, le père des croyants. La foi et la justification du patriarche étaient un thème que l’on devait nécessairement aborder, chez les Juifs, en traitant le problème du salut. Le premier livre des Macchabées, faisant allusion à Gen., xv, 6, dit : « Souvenez-vous des œuvres que nos pères ont accomplies de leur temps, et vous recevrez une gloire et un nom immortel. Abraham n’a-t-il pas été trouvé fidèle dans l’épreuve, et sa foi ne lui a-t-elle pas été imputée à justice ? » I Macch., ii, 51-52. Philon a composé sur Abraham tout un traité, où l’histoire du patriarche est souvent transformée en d’ingénieuses allégories, éd. Cohn-Wendland, t. iv, p. 1-GO. Le Mechilta, commentaire rabbinique sur l’Exode, s’exprime ainsi : « Grande est la foi, par laquelle Israël a cru à Celui qui a parlé, et dont la parole a créé le monde. Comme récompense de la foi d’Israël dans le Seigneur, le Saint-Esprit habite en eux… De la même manière tu trouves qu’Abraham notre père a hérité de ce monde et du monde futur, uniquement par le mérite de la foi par laquelle il a cru au Seigneur ; car il est dit : « Et il crut au Seigneur, et celui-ci le lui compta comme justice. » Mechilta, In Exod., xiv, 31 ; cf. Ugolini, Thésaurus antiquilatum sacrarum, t. xiv, c. 201-202 : J.-M. Lightfoot, The Epistles of S. Paul, Galatians, p. 160. Saint Jacques, dans son épître, invoquera lui aussi l’exemple d’Abraham pour appuyer sa doctrine sur la justification. Jac, ii, 21-22.

D’après les Juifs, Abraham avait observé la Loi par anticipation lorsqu’il avait été circoncis, et c’est ce qui lui avait valu la promesse d’être « le père de peuples nombreux ». Cf. Weber, op. cit., p. 255. Cette thèse devait être réfutée ; c’est à quoi saint Paul s’applique dans Gal., iii, 6-18. Il expose la portée doctrinale de la justification d’Abraham, et fournit des textes de l’Ancien Testament pour appuyer sa doctrine.

Les vrais fils d’Abraham sont ceux qui imitent sa foi. La promesse : « Toutes les nations seront bénies en toi », Gen., xii, 3, s’étend aux gentils, qui sont justifiés par la foi et non par la Loi. En un mot, les vrais fils d’Abraham sont tous les croyants. En effet, ceux qui s’attachent aux œuvres de la Loi comme moyen de salut tombent sous le coup d’une malédiction, d’après Deut., xxvii, 26 ; cf. xxi, 23 ; tandis que « le juste vivra en raison de sa foi ». Habac, ii, 2. La Loi n’est pas « fondée sur la foi », c’est-à-dire s’appuie sur un principe différent, principe stérile qui est celui du pur commandement, au lieu d’être un principe de vie comme la foi, par laquelle on reçoit l’Esprit. Cf. Lev., xviii, 5.

De plus, à considérer l’histoire du plan divin, les « promesses » ont été faites à Abraham et à sa « postérité », c’est-à-dire au Christ, en vertu d’un pacte. La Loi, venue longtemps après, n’a point annulé ce pacte, autrement la promesse serait devenue vaine et illusoire.

La même doctrine se retrouve dans le c. iv de l’épître aux Romains, mais présentée seulement en fonction de l’exposé général du plan divin et non pour les besoins de la controverse judaïsante :

Ce qui est accordé à raison des œuvres n’est pas une faveur gratuite, mais un dû ; tandis que sans les œuvres, la foi est comptée comme justice, c’est-à-dire entraîne la justice à titre de grâce. Ainsi en fut-il d’Abraham ; car sa foi lui fut comptée comme justice