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PAUL (>SAINT). LA FORMATION CHRÉTIENNE


reçu ni appris d’un homme, mais par révélation de Jésus-Christ. » Gal., i. 11. Il faut entendre surtout par là les éléments essentiels ou le principe de son évangile : on est sauvé par la foi dans le Christ,

] indépendamment de la Loi. lui d’autres termes, le christianisme est une religion autonome et universelle. Pour en devenir membre, il n’est point nécessaire de passer par le judaïsme. Jésus ne s’était pas pro-’nonce explicitement sur cette question, mais il avait énoncé des principes et prédit un avenir du « royaume de Dieu » qui faisait pressentir une rupture définitive avec le judaïsme. Cette rupture, saint Paul devait la consommer. La révélation du « Fils de Dieu » lui avait appris non seulement la dignité du Christ, mais lui avait montré du même coup toute la portée de son eeuvre avec les conséquences qui en elécoulaient. Les autres révélations — nous les avons mentionnées plus haut, col. 2354 — apparaissent surtout comme des inspirations du moment, guidant l’Apôtre dans son apostolat et sa conduite. Il est impossible de eléterminer à quel point elles ont influé sur le développement de sa pensée.

Cependant, dans plusieurs passages, l’Apôtre se réfère au Seigneur comme source, et cela pour appuyer eles doctrines ou des faits appartenant à la tradition première des apôtres ; - cf. I Cor., xi, 23 ; 1 Thess., iv, t5 ; I Cor., vii, 10-11. Parfois, il fait appel à la tradition elle-même ; cf. I Cor., xv, 1-3, 11 ; I Thess., i, 9-10 ; cf. Act., ii, iii, x, 34-43. Ainsi, tout en reconnaissant l’indépendance de la mission de saint Paul, il y a intérêt à rechercher dans quelle mesure ses rapports avec les milieux chrétiens, après sa conversion, ont pu être pour lui une source de renseignements. On répondra ainsi à cette question : A-t-on le droit d’opposer saint Paul à la tradition apostolique primitive ? Ne doit-on pas plutôt le considérer comme représentant, dans une certaine mesure, cette même tradition ?

Saint Paul, après sa conversion, a dû recevoir de la tradition apostolique primitive des renseignements sur la vie, les miracles, les discours de Jésus, la cène, la passion. En effet, il a été en contact avec des disciples et des historiens de Jésus appartenant à la première génération chrétienne, saint Luc et saint Marc. Nous le voyons prêcher à Antioche, dans l’Église naissante, sous la conduite ele Barnabe ; cf. Act., xi, 25-26. Il n’innovait point, car il n’avait point l’autorité pour cela, n’étant, aux yeux des chrétiens d’Antioche, ni le chef, ni même le personnage principal de cette Église. Il ne faisait donc que continuer une œuvre déjà commencée, que marcher dans un sentier déjà tracé. En effet, des hommes venus de Chypre et de Cyrène avaient prêché le Seigneur Jésus aux Grecs, Act.. xi, 20 ; alors Barnabe, venu ele Jérusalem, s’en était réjoui et avait continué cet apostolat en compagnie de Paul. Act., xi, 25-26. Quel était le thème ele la prédication à Antioche ? On prêchait le « Seigneur Jésus », Act., xi, 20, c’est-à-dire sa vie, sa mort, sa résurrection et sa glorification à titre de Seigneur. Ce thème, qui n’est autre que la substance de la tradition évangélique, avait été développé par Pierre aux habitants de Jérusalem, Act., n, 22-3(i, et au centurion Corneille, Act., x, 36-43. Tel devait être aussi l’objet de la préelication ele Barnabe, qui appartenait à l’Église de Jérusalem. Act., xi. 22. On exposait la vie, la mort et la résurrection de Jésus, principe de salut ; Jésus est le Christ glorifié, le Seigneur ; celui quiesU baptisé en son nom « obtient

, le pardon de ses péchés, et reçoit le don du Saint/ Esprit, Act., ii, 38 ; « tout hemme qui croit en lui reçoit

par son nom la rémission des péchés ». Act., x, 43.

Telle est la doctrine que l’on devait prêcher aux Grecs, c’est-à-dire aux païens, à Antioche, en leur annon çant le « Seigneur Jésus », lorsque saint Paul y fut amené par Barnabe. Act., xi, 25. Là, il collabora pendant un an à l’apostolat avec les chefs de l’Église, en plein accord avec eux. Il n’y introduisit donc aucune doctrine fondamentale nouvelle. Il dut, au contraire, y apprendre des éléments de la tradition primitive. Il est donc réellement un représentant de cette tradition, un témoin ele la valeur historique des faits exposés dans la prédication à la première génération chrétienne. Il serait donc puéril d’opposer en principe la doctrine, de saint Paul à celle des premiers apôtres. Nous verrons plus loin qu’il voulait être en communauté de doctrines avec l’Église de Jérusalem, et qu’il était d’accord avec les autres apôtres pour admettre les païens à la foi sans leur imposer la Loi. Cf. Act.. xv, 22-29 ; Gal., ii, 7-10.

Enfin saint Paul n’a probablement ni utilisé, ni même connu nos évangiles actuels ; la date de la plupart des épîtres ne permettant pas de l’établir. Mais il a pu connaître, outre la tradition orale, des rédactions de la préelication chrétienne.

Ainsi, on ne saurait admettre en principe que la doctrine ele saint Paul est totalement indépendante de la tradition première. Ce fait peut, d’ailleurs, se concilier avec certaines déclarations où l’Apôtre dit tenir son enseignement du Seigneur. En rapportant l’institution de l’eucharistie et en exposant la signification ele la cène, I Cor., xi, 23, il dit ; « J’ai reçu du Seigneur, ce que je vous ai transmis. » En exposant la doctrine des fins dernières pour consoler les Thessaloniciens, il se réfère à « une parole du Seigneur ». 1 Thess., iv, 15. En proclamant l’indissolubilité du mariage, il fait appel à un précepte du Seigneur ». I Cor., vii, 10.

Ces trois points de l’enseignement chrétien étaient déjà contenus dans la prédication des premiers apôtres. Saint Paul avait pu en avoir connaissance soit à Jérusalem, soit surtout à Antioche. Or, de ces trois textes, seul le premier, à ce qu’il semble, fait appel à une communication directe du Seigneur. Les deux autres doivent probablement s’entendre d’ « une parole » ou d’ « un précepte » du Seigneur transmis par la tradition. Sans aucun doute, saint Paul a pu recevoir directement et personnellement du Seigneur des enseignements sur des points qui foimaient déjà une partie essentielle de la prédication chrétienne, comme l’institution de l’eucharistie et la célébration de la cène. Mais il a pu également les connaître par la tradition. Dans cette seconde hypothèse, ses révélations lui en auraient seulement donné la pleine intel.igence. Elles lui auraient fait saisir toute la valeur mystique de la « communion avec le Christ ». C’était un point que la première catéchèse avait laissé dans l’ombre, ou sur lequel la révélation n’avait peut-être point encore atteint son plein développement. Ainsi, l’Apôtre a pu présenter « le repas du Seigneur », comme un repas de sacrifice plus parfait que ceux des cultes païens et destiné à les remplacer, puisque l’empire du Seigneur Jésus-Christ prenait la place de celui ele Satan. Saint Paul aurait connu, par révélation, moins les faits ou les institutions que leur valeur religieuse.

Dans I Cor., xv, en rappelant la résurrection de Jésus il déclare : « Je vous ai transmis par enseignement. TOxpéScoxa, en premier lieu, èv npôiioiç. ce que j’airreçu, uapéXaSov : que le Christ est mort pour nos péchés .d’après les « Écritures », qu’il a été enseveli ; qu’il est ressuscité le troisième jour d’après les « Écritures » ; qu’il est apparu à Céphas, puis aux « douze ». c’est-à-dire aux « apôtres ». puis à plus de cinq cents frères réunis dont la plupart sont encore vivants et quelques-uns sont morts. Ensuite, il est apparu à Jacques, puis à tous les apôtres ; enfin, après tous les autres il m’est