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pas contraires à ceux de Dieu, de s’y soumettre, dans la mesure où il le faut, pour assurer le bien public ou pour éviter un plus grand mal, un scandale. Mais « la désobéissance n’est pas illégitime », « on peut chercher une organisation politique sous laquelle il soit possible d’avoir plus de liberté » : l’Église ne le défend pas, à condition que les moyens employés soient justes. Encycl. Libertas.

Que si, par contre, dans la patrie, une forme de gouvernement existe en fait, qui est constituée, qui maintient l’ordre public, le catholique est tenu de l’accepter, de la respecter et de lui obéir, comme au pouvoir qui représente et détient l’autorité de Dieu ; il en est ainsi, même pour le citoyen persuadé qu’une autre forme serait meilleure ou qui regrette celle du passé, lui reste fidèle de cœur. Cette acceptation s’impose en raison du bien commun qui « l’emporte sur tout intérêt, car il est le principe créateur, l’élément conservateur de la société humaine… Or, de cette nécessité d’assurer ce bien commun dérive… la nécessité d’un pouvoir civil qui. s’orientant vers le but suprême, y dirige sagement et constamment les volontés des sujets »… Lors donc que, dans une société « il existe un pouvoir constitué et mis à l’œuvre, l’intérêt commun se trouve lié à ce pouvoir, et on doit, pour cette raison, l’accepter tel qu’il est. » C’est lui qui assure et maintient l’ordre public. L’insurrection contre lui attiserait la haine entre citoyens, pourrait provoquer la guerre civile et rejeter la nation dans le chaos de l’anarchie. « Le critérium suprême du bien commun et de la tranquillité publique impose donc l’acceptation du gouvernement établi, en fait, à la place des gouvernements antérieurs qui, en fait, ne sont plus. » « L’honneur et la conscience réclament » cette soumission. Ils veulent que le citoyen sacrifie a ses visées personnelles et ses attachements de parti » aux bienfaits de la tranquillité publique, à l’intérêt commun, et au bien général. Léon XIII, encycl. au clergé de France, Au milieu des sollicitudes ; encycl. aux cardinaux français, Xutre consolation.

4. Cette conception religieuse de l’obéissance à la patrie rend la soumission « facile, ferme et très noble ». Léon XIII, encycl. Quod apostolici muneris. Le sujet o ne s’incline que devant l’autorité la plus juste et la plus haute ». Encycl. Libertas. Il n’y a pas « assujettissement de l’homme à l’homme, mais soumission à la volonté de Dieu qui commande par des hommes ». # Encycl. Immortale Dei. Ainsi, l’obéissance est « raisonnable, pleine d’honneur ». La dignité du citoyen y trouve la plus sûre garantie, car à l’élévation de cette doctrine il doit de conserver, jusque dans la subordination, cette juste fierté qui convient à la grandeur de la nature humaine. Si les sujets sont tenus de se soumettre à leurs supérieurs, c’est que ceux-ci représentent en quelque manière le Dieu dont il est dit que « le servir, c’est régner ». Encycl. Diulurnum.

L’autorité n’a pas moins d’avantages à retirer. Si on oublie les principes chrétiens sur l’origine du pouvoir, on fait de lui une « souveraineté artificielle qui a pour assiette des bases instables et changeantes » ; les lois « n’expriment plus que la puissance du nombre et la volonté prédominante des partis politiques ». Léon XIII, lettre sur les devoirs des catholiques. C’est alors par la force et en inspirant la crainte que le pouvoir s’impose. Or, « rien n’est faible comme la force quand elle ne s’appuie pas sur la religion. Plus propre à obtenir la servitude que l’obéissance, elle renferme en elle-même des germes de grandes perturbations. » Léon XIII, encycl. Sapienliie. C’est qu’en effet la crainte est servile et disparait quand le sujet peut, à tort ou à raison, espérer l’impunité. Si ce sentiment le courbe, c’est en le révoltant, pendant le temps où il se sent le plus faible. Même alors l’homme exaspéré

peut se laisser aller aux desseins qu’inspire le désespoir. Qu’au contraire, fait observer Léon XIII, il soit admis que l’autorité vient de Dieu, elle revêt aussitôt un éclat, une dignité, une grandeur incomparable et dont pourtant le dépositaire du pouvoir n’a aucun motif de s’enorgueillir, puisque toute sa puissance vient d’en haut. D’autre part, il a la certitude que les sujets chrétiens se savent tenus de lui obéir, de se soumettre en conscience, pour éviter une faute morale et plaire à Dieu. Le supérieur est donc protégé contre toute menace de révolte, puisque la sédition çst présentée comme un crime de lèse-majesté non seulement humaine, mais divine. Cette assurance ne donne pas au détenteur du pouvoir la tentation d’abuser de s ; i puissance ; car, convaincu qu’elle vient de Dieu, qu’il agit au nom et comme représentant de Dieu, qu’il est contrôlé, qu’il sera jugé par Dieu, il est plus puissamment engagé qu’il pourrait l’être par toute autre considération à commander comme Dieu lui-même le ferait. Telles sont les pensées que, maintes fois, Léon XIII a rappelées. Encycl. Diuturnum : Immortale Dei : Sapientise ; Prssclara gratulatiotiis.

Ont été signalés au cours de cet article les textes de saint Thomas où il est parlé de la piété envers la patrie : La question est traitée ex professo : Summa theologica, II a -II a’, q. ci.

Les allirmations de Léon XIII, de Pie X, de Benoit XV et de Pie XI ont été ou reproduites, ou analysées, ou du moins citées dans ce travail. Les documents principaux sont les encycliques de Léon XIII, Diuturnum, 29 juin 1881 ; Immortale Dei, 1 er novembre 1885 ; Libertas, 20 juin 1888 ; Sapienliic christianæ, 10 janvier 1890 ; le discours de Pie X à l’évêque d’Orléans et aux » êlerins français, 19 avril 1909, Acta ap. Sed., t. i, p. 107 ; les encycliques de Benoit XV, Ad bealissimi apostolorum, 1 er novembre 1914, t. vi, p. 565 sq. ; Pacem Dei munus, 23 mai 1920, t.xii, p.209sq. ; Exhortation aux chefs des peuples belligérants, 1 er août 1917, t. ix, p. 417 sq. ; enfin, l’encyclique de Pie XI, Ubi arcano, 23 décembre 1922, t. xiv, p. 673 sq.

Dans beaucoup d’ouvrages de théologie morale, la question des devoirs envers la patrie est examinée, soit dans l’explication du quatrième précepte du décalogue, soit dans l’étude des vertus de justice et de charité, soit dans le traité des Lois. — Les encyclopédies religieuses consacrent aussi des articles à ce problème. Voir Dictionnaire apologétique de la foi catholique, t. iii, art. Patrie, par Du Plessis de Grénédan, col. 1588-1621 ; Bricout, Dictionnaire pratique des sciences religieuses, t. iii, art. International (Problème) par Yves de la Biiére, col. 1062-1070. Voir encore les traités catholiques de droit naturel : Cepeda, Taparelli, etc.

On peut aussi consulter : Goyau, L’idée de patrie et l’humanitarisme, Paris, 1903 ; Sertillanges, Le patriotisme et la vie sociale, Paris, 1903 ; Card. Mercier, Lettre pastorale sur le patriotisme et l’endurance Matines, 1914 ; Mgr Sagot du Vauroux, Guerre et patriotisme, ’Paris, 1918 ; Mgr Gibier, Le patriotisme, la patrie, Paris, 1920. Yves de la Brière, Catholicisme, patriotisme, nationalisme, dans Nouvelles religieuses du 15 mars 1923 ; Mgr Ruch, Lettre pastorale sur la charité fraternelle, Strasbourg, 1928 ; Mgr Besson, Lettre pastorale sur le patriotisme chrétien, Fribourg, 1930 ; Lettre pastorale de S. E. le cardinal-archevêque de Malines et de N. N. S. S. les évêques de Belgique, sur la célébration du centenaire de l’indépendance, 27 juin 1930, Malines, 1930.

f C. Ruch.

    1. PATRINGTON Etienne##


PATRINGTON Etienne, dit aussi ETIENNE L’ANGLAIS(Alègrede Casanate en fait à tort deux personnages distincts), théologien et évêque carme anglais des xive et xv° siècles, naquit dans le comté d’York et embrassa l’état religieux chez les carmes probablement à Oxford, où il fit ses études. Il y devint bachelier avant 1382 et docteur en théologie avant 1389. En cette même année 1389, il obtint la licence de prêcher en la cathédrale de Lincoln et d’y faire des discussions théologiques, même en l’absence du chancelier. Peu après, il fut de résidence à Londres, où il eut une grande vogue comme prédicateur. Patrington fut