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PATRIE (PIÉTÉ ENVERS LA). OBÉISSANCE


Il décembre 1925, t. xvii, p. (505. Tout en reconnaissant que la préoccupation de maintenir la paix à l’intérieur et aux frontières est nécessaire pour assurer le bien commun ; tout en déclarant « très noble » le sentiment de la vertu militaire déployée pour la défense de la patrie et de l’ordre public, Pie XI condamne l’esprit de violence, le nationalisme, d’une part excessif et trompeur, d’autre part nuisible à la véritable paix comme ù la prospérité. Encycl. Divini illius, du 31 décembre 1929, t. xxii, p. 64. Le pape déplore « la rivalité des peuples et les accroissements de dépenses d’ordre militaire ; il invite les chrétiens à se porter secours mutuellement et à soulager la misère de leurs frères, en particulier celle des petits enfants. Encycl. Nova impendel, t. xxiii, p. 393-397.

4° La piété envers la patrie impose à ses /ils l’obéissance à ses ordres légitimes. — 1. Les derniers papes, Léon XIII surtout, ont affirmé, rappelé, démontré, par l’Écriture, la tradition chrétienne et la raison, l’origine divine de l’autorité civile. Ils ont conclu qu’obéissance était due en conscience aux ordres et lois légitimes émanant des organes authentiques de ce pouvoir, que la refuser, c’était pécher et ne pas se soumettre au Très-Haut, que la lui accorder c’était la donner au Tout-Puissant lui-même et faire acte de vertu. Léon XIII, encycl. Diuturnum du 29 juin 1881 ; Humanum yenus du 20 avril 1884 ; Immorlale Dei ; Jampridem du 6 janvier 1886 ; Libertas : Sapientise christianæ ; Pnetiara gratulationis du 20 juin 1894 ; Sur les devoirs des catholiques du 19 mars 1902. — Benoît XV, encycl. Ad beatissimi apostolorum, Acla ap. Sed., t. vi, p. 570-571. Pie XI, encycl. Ubi arcano, ibid., t. xiv, p. 687-688.

S’il est un pouvoir civil auquel s’appliquent ces affirmations, c’est celui de la patrie. Donc, il faut admettre que Dieu l’investit de sa propre autorité pour qu’elle puisse atteindre sa fin propre : que les chefs régulièrement désignés par elle pour travailler à ce bien commun sont des représentants de Dieu ; que mépriser leurs ordres légitimes, c’est olïenser Dieu ; qu’on doit les exécuter, non seulement par crainte de la force et du châtiment humains, mais par motif de conscience pour faire la volonté de Dieu, une œuvre bonne, agréable au Juge suprême et qu’il récompensera.

De ce principe premier Léon XIII tire cette conséquence toute naturelle et souvent exprimée par lui : l’émeute, la révolte, la sédition, les complots contre l’ordre public et la tranquillité de l’État ne sont pas permis. L’Église, fait observer le pape, les a toujours réprouvés, même quand les détenteurs du pouvoir abusaient contre elle de leur force. Léon XIII, encycl. Diuturnum ; Quod multum du 22 août 1886 ; Libertas ; Jampridem ; Au clergé de. France du 16 février 1892 ; Aux évêques, au clergé et au peuple d’Italie du 5 août 1898 ; Benoît XV, Lettre Litteris apostolicis du 7 juin 1918, Acta ap. Sed., t. x, p. 441. Si les supérieurs commettent des abus de pouvoir, la doctrine catholique ne permet pas l’insurrection de peur que la tranquillité de l’ordre ne soit troublée de plus en plus et que la société ne subisse un plus grand dommage. Léon XIII, encycl. Quod apostolici muneris, 28 décembre 1878. Pour défendre leurs droits, les catholiques doivent « éviter les apparences de la rébellion, ne pas se servir de procédés violents ou illégitimes, mais agir avec calme et modération ». Benoît XV, lettre Litteris apostolicis, Acta ap. Sed., t. x, p. 441. Mais ils peuvent user « de tous les moyens légaux et honnêtes » pour obtenir que soit amendée la législation, ils le doivent même si elle est contraire aux droits et à la liberté de l’Église ; déployer ainsi son activité pour obtenir du gouvernement la suppression ou la modification heureuse de lois injustes ou peu sages, c’est

même « rendre service à la patrie ». Léon XIII, lettre aux cardinaux français du 3 mai 1892 ; encyclique au clergé de France du 16 février 1892. Les catholiques ne sont nullement des ennemis de leur pays, lorsque, sans conspiration ni révolte, ils défendent et revendiquent leurs droits, Léon XIII, encycl. aux évêques, au clergé et au peuple d’Italie du 5 août 1898.

2. Il peut même arriver un cas où le citoyen se voit obligé de refuser obéissance aux ordres de sa patrie, c’est lorsqu’elle lui impose des ordres « manifestement contraires au droit naturel ou divin ». Léon XIII, encycl. Diuturnum ; Libertas. Les deux pouvoirs « donnent alors des commandements contraires. Or, nul ne peut servir deux maîtres. Plaire à l’un, c’est mécontenter l’autre. A qui doit être accordée la préférence ? L’hésitation n’est pas permise. Ce serait un crime de vouloir se soustraire à l’obéissance due à Dieu, pour accorder satisfaction aux hommes ; d’enfreindre les lois de Jésus-Christ, pour se soumettre aux magistrats ; de méconnaître les droits de l’Église, sous prétexte de respecter ceux de la hiérarchie civile. » Comme l’ont dit les apôtres, « il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes ». Il n’est pas de meilleur citoyen soit en paix, soit en guerre que le chrétien fidèle à son devoir ; mais ce chrétien doit être prêt à tout souffrir, même la mort, plutôt que de déserter la cause de Dieu et de l’Église. Encycl. Sapientise.

Ce refus d’obéissance n’est pas séditieux. La loi est un commandement de la droite raison porté par le pouvoir légitime en vue du bien général. Or, aller contre la sagesse divine, ce n’est pas agir selon la droite raison. Les supérieurs humains perdent leur pouvoir légitime, ne représentent plus Dieu, quand ils le contredisent. Et une mesure ne poursuit pas le bien général quand elle est en opposition avec le bien suprême et immuable. D’ailleurs, désobéir à Dieu est un mal doubles conséquences seraient désavantageuses pour l’État lui-même, puisqu’il subit le contre-coup des offenses faites à la religion. Il n’y a pas alors refus d’obéissance à des lois, mais à des consignes dénuées d’autorité, parce que contraires à la volonté de Dieu, donc à la justice. Là, en elîet, où il n’y a pas justice, il n’y a pas d’autorité, pas de loi. Léon XIII, encycl. Sapientise christiamc. Voir aussi du même pape les encycliques : Quod apostolici muneris ; Diuturnum ; Immortale Dei ; Libertas : de Pie XI, l’encycl. Iniquis afflictisque du 18 novembre 1926, Acta ap. Sed.. t. xviii, p. 471-473.

3. Si un usurpateur étranger s’empare du sol de la patrie, puisque, par hypothèse, il n’est pas désigné régulièrement par elle pour la gouverner, il n’est donc pas ministre de Dieu ; il n’a pas reçu de lui son autorité. A cet intrus ne s’applique rien de ce qui a été dit plus haut de l’origine du pouvoir civil et de son pouvoir sacré ; à ce détenteur de la force manque, comme le dit Léon XIII, le « pouvoir de gouverner ». Aussi, le pape conclut qu’ « il est permis de lui désobéir ». Le citoyen peut même vouloir affranchir son pays du joug de cet étranger : « L’Église ne condamne pas cet acte, pourvu qu’il se fasse sans que la justice soit violée. » Encycl. Libertas. Toutefois, la prudence peut commander que, pendant l’occupation de l’ennemi, afin d’éviter un plus grand mal, les citoyens exécutent ce qu’il ordonne pour le maintien de l’ordre public. Ils le font pour ne pas rendre leur sort plus intolérable. Benoît XV, alloc. consist. du 22 janvier 1915, Acta ap. Sed., t. vii, p. 35.

Les mêmes règles s’appliquent au cas du despote originaire du pays, mais qui n’a pas l’autorité requise ou qui exerce une violence injuste, impose des lois contraires à la raison, dépourvues des qualités requises, pour être appelées des lois. Il est permis et il est parfois nécessaire, lorsque de tels ordres ne sont