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PATRIE (PIÉTÉ ENVERS LA). AMOUR


citoyen n’hésite pas à affronter la mort pour lui… // faut dimer la pairie terrestre qui nous a donné de jouir de cette vie mortelle… Oui, en vérité, nous pouvons et nous devons nous aimer nous-mêmes, être bons pour le prochain, aimer la chose publique et le pouvoir qui la gouverne. » Encycl. Sapicntiæ christianæ. Dans cette déclaration, le précepte n’est pas seulement énoncé, il est motivé : l’argument que propose Léon XIII est celui qu’avait mis en avant saint Thomas : avec les parents, la patrie est le principe d’être dont Dieu se sert pour communiquer aux hommes la vie, la leur garder, les aider à la développer.

Plus d’une fois, le même pape fait allusion à cet amour comme à une vertu, par exemple : Lettre Insignes, 1 er mai 1896 ; Lettre Permoti nos, 10 juillet 1895 ; Encycl. Aux évêques, au clergé et au peuple d’Italie, 5 août 1898. — Dans trois documents adressés à la France, il loue l’énergie avec laquelle le clergé du pays poursuit le bonheur de la patrie ; « les actes de sacrifice et de vrai patriotisme » par lesquels il tient sans cesse à honneur « d’augmenter le nom et la gloire de la nation, tant sur le territoire… que dans les contrées lointaines » ; « l’attachement inviolable des missionnaires à leur pays et les services éminents qu’ils lui rendent » ; le noble dévouement des congrégations pour se montrer utiles à leur peuple qu’elles aiment avec un patriotisme capable, on l’a vu mille fois, d’affronter joyeusement la mort : Lettre au président de la République française, 12 mai 1883 ; encyclique aux archevêques, aux évêques et au clergé de France, 8 septembre 1899 ; lettre au cardinal Richard sur les congrégations, 23 décembre 1900.

Pie X parle, lui aussi, de l’amour de la patrie en plusieurs de ses lettres. Encyclique Communium rerum, 21 avril 1909, Acta ap. Sed., t. i, p. 347 ; Lettre Per solemnia sœcularia, 23 février 1910, ibid., t. ii, p. 98. Il observe que la communauté de religion et de pays d’origine crée entre les hommes une fraternité. Lettre Cum annos catholicorum, 12 juillet 1912, ibid. t. iv, p. 665. Aussi souhaite-t-il que, pour la religion et la patrie, on acquière des trésors de science et de vertu. Lettre Una cum officiosis, 23 janvier 1913, ibid., t. v, p. 31. Le souverain pontife déclare même nécessaire que, pour sauver l’une et l’autre, les catholiques « travaillent avec ardeur ». Lettre Inter catholicos, 20 février 1906.

Mais c’est surtout dans un discours prononcé devant l’évêque d’Orléans et des pèlerins français qu’il a exalté ce devoir, cette vertu. Avec indignation, il proteste contre les hommes qui accusent les catholiques de ne pas aimer leur patrie. Vouloir les marquer ainsi d’une note infamante, c’est une « calomnie ». « Il n’y a pas, en effet, de plus indigne outrage pour votre honneur et votre foi », dit le pape à ses auditeurs ; « car, si le catholicisme était ennemi de la patrie, il ne serait plus une religion divine. Oui, elle est digne non seulement d’amour, mais de prédilection, la patrie dont le nom sacré éveille les plus chers souvenirs et fait tressaillir toutes les fibres de votre âme, cette terre commune, où vous avez votre berceau, à laquelle vous rattachent les liens du sang et cette autre communauté plus noble des affections et des traditions. » Discours à l’évêque d’Orléans et à des pèlerins français, 19 avril 1909, Acta ap. Sed., t. i, p. 408-409.

Ces enseignements, le souci constant qu’a eu Benoît XV de recommander aux peuples la charité fraternelle ne les lui a pas fail oublier. Il ne blâme nullement, il approuve « le zèle sincère pour la patrie ». Lettre Celeberrima cvenisse. 18 décembre 1919, ibid., t.xii, p. 32. Ce sentiment est une des formes de la vertu de charité, palriæ caritatem. Lettre Quæ verba sunt, 1 er novembre 1916, ibid., t. viii, p. 435. Le pape

le déclare formellement, et il conclut que cette prédilection est obligatoire : < Si la loi de charité s’étend à tous les hommes, même à nos ennemis, elle veut que soient aimés par nous, d’une manière particulière, les personnes auxquelles nous unit le lien d’une patrie commune. » Lettre apost. Diuturni, 15 juillet 1919, ibid., t. xi, p. 306.

Dès son avènement, Pie XI, lui aussi, parle de la charité envers la patrie. Lettre apost. / discordini, 6 août 1922, ibid., t. xiv, p. 481. Dans sa première encyclique, Ubi arcano, 23 décembre 1922, il reconnaît à cet amour le mérite d’exciter l’homme à plusieurs vertus et à des actes courageux, lorsqu’il est régi par la loi chrétienne, ibid., t. xiv, p. 682. Au cours de cette même lettre, lui-même, le souverain pontife veut joindre à cet éloge son exemple personnel : ayant occasion de nommer l’Italie qui ne s’était pas alors réconciliée avec le Saint-Siège, il l’appelle pourtant patriam Sobis carrissimam, ibid, t. xiv, p. 698. Voir aussi Alloc. consist. du 2 décembre 1926, ibid., t. xviii, p. 520. Pareillement, Pie XI croit opportun de rappeler le dévouement à la patrie dont le clergé de France a fait preuve pendant la guerre. Encyclique Maximam gravissimamque, 18 janvier 1925, ibid., t. xvi, p. 14. Peu après, dans une allocution consistoriale, il loue une élite catholique du même pays, de ce qu’elle se met en avant pour défendre les autels et les foyers, en définitive, la patrie, 14 décembre 1925. Ibid., t. xvii, p. 643. De même aussi, Pie XI s’indigne-t-il, avec une extrême énergie, de ce qu’on l’accuse d’ordonner ce qui est contraire à l’amour de la patrie ; parlant de ce grief et d’autres semblables, il déclare que les lui imputer, c’est lui faire injure, c’est moins encore contredire, de la manière la plus évidente, ses affirmations expresses, répétées, et la vérité elle-même, que donner des signes de démence. Alloc. consist. du 20 juin 1927, ibid., t. xix, p. 238. Il est donc « louable » l’amour de la patrie, Lettre Nous avons lu du 5 septembre 1926, ibid., t. xviii, p. 386 ; cette charité véritable qui. repoussant toute discorde et associant les cœurs harmonieusement, porte les citoyens à la poursuite du bien commun. Lettre apost. Caritatem decet, du 4 mars 1929, ibid., t. xxi, p. 137 ; L’honneur et la prospérité de la patrie, voilà des buts que Pie XI n’hésite pas à proposer aux meilleurs citoyens. Lettre Peculiuri quadam, du 21 juin 1928, ibid., t. xx, p. 255.

2. Cet amour de la patrie doit s’harmoniser avec l’amour de Dieu, ne pas dominer ce dernier. Léon XIII a fortement insisté sur cette pensée. Si les citoyens sont tenus d’avoir une prédilection pour la patrie de la terre, à plus forte raison, les chrétiens doivent-ils être animés de pareils sentiments à l’égard de l’Église, « cité sainte, fille de Dieu, institutrice et guide des hommes ». Encycl. Sapientix christianse. S’il faut témoigner de l’affection au pays qui nous a donné le jour, « il est nécessaire d’aimer d’une dilection plus ardente l’Église à qui nous sommes redevables de la vie immortelle » de l’âme, parce qu’il est raisonnable de préférer les biens spirituels à ceux du corps et que les devoirs envers Dieu ont un caractère plus sacré que les obligations envers les hommes ». Loc. cit.

Les deux amours procédant du même principe éternel, Dieu, ne s’opposent nullement par eux-mêmes, les deux devoirs ne se contredisent donc pas ; nous pouvons, en même temps, avoir pour nous mêmes et nos semblables la charité prescrite et d’autre part, professer « pour l’Église un culte de piété filiale et pour Dieu une charité qui soit la plus grande dilection dont nous sommes capables ». Loc. cit. La volonté de certains hommes peut essayer de troubler l’ordre. Mais ce qui sera dit de l’obéissance à la patrie s’applique aussi à l’amour : la raison et la foi enseignent que le