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PATRIARCATS. LE DROIT PATRIARCAL


trois ou cinq patriarches ; par ailleurs, que saint Pierre ait fondé l’Église d’Antioche ou celle d’Alexandrie, cela juridiquement ne conférait pas à ces sièges ipso læto un pouvoir spécial. Les patriarcats sont de droit ecclésiastique, il ne faut jamais l’oublier. Si l’on garde présente cette idée, l’on ne trouvera aucune incompatibilité entre la primauté papale et l’organisation patriarcale.

Développement du droit patriarcal.

Le droit

patriarcal s’est naturellement précisé durant l’époque qui nous occupe. Les luttes entre Photius et Rome y ont contribué ; plusieurs des canons du VIIIe concile œcuménique (869-870) statuent sur les droits et privilèges patriarcaux. Sur ce qu’on peut appeler la doctrine ecclésiologique de ces canons, cf. art. Constantinople (IVe concile de), t. iii, col. 1284 sq. Nous nous bornerons ici à quelques remarques d’ordre plutôt juridique. Notons d’abord que les décisions de ce concile n’ont point trouvé place dans les collections canoniques orientales ; les grands commentateurs grecs du Moyen Age n’en font pas mention ; et leur influence sur la discipline a peut-être été assez restreinte. Néanmoins, comme plusieurs de ces dispositions indiquent ce qui se pratiquait au ixe siècle, nous les mentionnerons brièvement.

Le 5e canon qui exige du clerc quatre ans passés dans le sacerdoce pour pouvoir être élevé à l’épiscopat, Hefele-Leclercq, Hist. des conc, t. îv a, p. 523, visait très spécialement les patriarches ; car il avait été motivé par l’élévation ultra-rapide de Photius au siège de Constantinople, et par ailleurs, ordinairement du moins, le patriarche n’était point nommé par transfert d’un siège épiscopal au siège patriarcal, mais il était pris directement parmi les simples prêtres. Dès lors, à lui aussi, s’appliquait la règle des interstices. Quant au mode d’élection et d’ordination des patriarches durant cette période, les canons n’en parlent pas. On trouvera à ce sujet des indications très nombreuses dans Thomassin, op. cit., II part., t. II, c. xvii, xxvi, xli.

Le 5° canon du VIIIe concile œcuménique, condamne l’intervention de l’empereur dans les élections patriarcales ; le 3e canon du VIIe concile avait émis une prescription analogue. Sur son interprétation, cf. Thomassin, II part., t. II, c. xxvi, qui étudie longuement toutes ces questions.

Le 8e canon du VIIIe concile œcuménique interdit aux patriarches « d’exiger pour leur sûreté des déclarations écrites d’attachement qui devaient être fournies par leur clergé ainsi que par les évêques qui étaient sous leur juridiction ». Hefele-Leclercq, ibid., p. 524525. Le 10e canon défend aux laïcs et aux clercs de se séparer de leur patriarche, et d’omettre sa commémoraison dans la liturgie, avant que le patriarche ait été condamné par sentence synodale. Ibid., p. 525. Prescription analogue dans le 15e canon du synode photien de 861. P. G., t. cxxxvii, col. 1067 sq. Le 17e canon (en grec 12) nous renseigne sur les synodes patriarcaux. Le patriarche peut y convoquer tous les métropolitains institués par lui, soit qu’il les ait ordonnés, soit qu’au moins il leur ait envoyé le pallium ; s’ils refusent de se rendre à la convocation ils seront punis. Sur les synodes patriarcaux et leur composition à cette époque, cf. Milasch, Das Kirchenrecht der morgent ândischen Kirche, Mostar, 1905, p. 320-322 ; Thomassin, IIe part., t. III, c. xliii, et aussi P. G., t. cxxxvii, col. 545546 et note (67) ; Zhishman, Die Synoden unddie Episcopaliimter in den morgent ândischen Kirchen, Vienne, 1867. Il faut noter, surtout à Constantinople, le fait que l’on a presque toujours à côté du patriarche un synode permanent. Sur ce synode, cf. Vailhé, art. Constantinople (Église de), col. 1470 sq. De sorte que, peu à peu, ce synode permanent a pris de l’importance et a partagé réellement l’autorité avec le patriarche ;

l’on peut dire qu’il y a eu dans ce synode comme une limitation du pouvoir patriarcal ; plusieurs choses ne pouvaient être faites qu’avec lui. D’après Milasch voici quelques-unes des altribulions de ce dernier.

I. Élection des patriarches ; 2. institution canonique des évêques ; 3. élévation d’un siège épiscopal à un degré hiérarchique supérieur, etc. ; cf. Zhishman, op. cit., p. 7. Beaucoup de décisions concernant les empêchements de mariage sont prises en synode. On en trouvera des exemples dans Rallis et Potlis, HùvTayfi.a twv ôeicôv xai. tepoâv xavovcov. t. v, Athènes, 1855. Donc on a déjà le principe de cette limitation de l’autorité patriarcale par le synode, principe tant appliqué de nos jours dans l’Église orthodoxe.

Les pouvoirs du patriarche en matière de procès n’étaient pas encore parfaitement déterminés à cette époque. L’on discutait surtout sur le caractère définitif et sans appel de sa sentence. Balsamon, de son temps, comptait nombre d’opinions divergentes : les uns admettaient que, de la sentence du patriarche de Jérusalem, on pouvait appeler au patriarche d’Antioche, et ainsi de suite selon la dignité ; d’autres soutenaient qu’on pouvait toujours en appeler à l’empereur ; d’autres, que seules les sentences rendues dans les causes des clercs étaient sans appel, etc. Pour Balsamon, sive clericos, sive laicos judicaverit patriarcha, sive laicum cum clerico, sive jussu imperatoris, sive jure proprio sive cum conjudice, sive solus, erit quacumque examinalione et judicatione superior. P. G., t. cxxxvii, col. 1311 ; cf. Thomassin, part. I, t. I, c. xiii.

Le droit patriarcal de stauropégie s’est créé et développé durant la période qui nous occupe. Des monastères situés dans les diverses éparchies du patriarcat furent exemptés de la juridiction épiscopale et placés directement sous l’autorité patriarcale : la condition était de planter la croix patriarcale à la fondation. Cf. S. Deslandes, Une question de droit canonique : De quelle autorité relèvent les monastères orientaux ? dans Échos d’Orient, t. xxi, 1922, p. 308-323. Sur ce privilège et ses origines, cf. Milasch, op. cit., p. 327 ; Shaguna, Compendium des kanonischen Rechts, Hermannstadt, 1868, p. 199 sq. ; Christodoulos, Aoxt|iiov lxxXr)cn.<x(rn.xoû Sixodou, Constantinople, 1868, p. 327 ; Thomassin, part. I, t. III, c. xxxiv ; Benoît XIV, Opéra inedita, édit. Heiner, Fribourg-en-B., 1904, p. 49-50, et les références. Les origines du privilège sont assez obscures, il a été introduit par une coutume, dont il est impossible de préciser les commencements. P. G., t. cxxxvii, col. 96. Les patriarches de Constantinople, Germain et Xiphilin, dans le courant des xme et xive siècles, ont déterminé la nature et les limites de la stauropégie : « Du jour où la croix patriarcale est plantée dans un monastère, l’évêque ne peut plus exercer aucune juridiction pour la célébration des saints mystères, l’ordination de l’higoumène, la punition des fautes. La croix patriarcale n’exemptait pas seulement les monastères de la juridiction de l’Ordinaire, mais les églises et oratoires pouvaient obtenir la même faveur. Seul le patriarche était nommé au saint sacrifice. » Deslandes, op. cit., p. 315 ; cf. P. G., t. cxix, col. 804, 805, 888. Le privilège ne pouvait s’exercer que dans les limites du patriarcat. Le patriarche de Constantinople avait-il le droit de stauropégie dans le territoire de ses collègues ? Le texte de Balsamon que l’on invoque, P. G., t. cxxxviii, col. 296, n’est pas absolument probant ; cf. Deslandes, p. 314 ; mais la chose est clairement affirmée par Blastarès, Syntagma alphabeticum,

II, c. vin ; De patriarchis, P. G., t. cxlv, col. 110 ; Benoît XIV, De syn. diœces., i. I, c. iv, n.3 ; Thomassin, op. cit., part. 1, t. I, c. xvi.

Sur la réserve au patriarche de la consécration du saint chrême, cf. Petit, Du pouvoir de consacrer le saint chrême, dans Échos d’Orient, 1899, p. 1-8. A quelle