Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.2.djvu/571

Cette page n’a pas encore été corrigée
2275
2276
PATRIARCATS. LA TRIARCHIE


ab hoc proxime Alexandrinus, deinde Antiochenus, juxta quem Hierosolymitanus. Quilibet horum quando in diœcesi sua sacra célébrât, trium reliquorum honorificam plane apud Deum mentionem facit. In unum locum si quando conveniunt, manus sibi invicem osculantur. C. xxiii, De statu Ecclesiæ orientalis, dans Kimmel"Weissenborn, Monumenta fidei Ecclesiæ orientalis, t. ii, Iéna, 1851, p. 210. Telle est l’idée qu’un patriarche du xviie siècle, mort en 1639, se fait de sa dignité et de la dignité du corps patriarcal.

2. Triarchie.

Tandis qu’en Orient on aime à considérer l’Église comme gouvernée par cinq patriarches, en Occident, du moins jusqu’au concile du Latran (1215), on ne reconnaît que trois vrais patriarcats, Rome, Alexandrie et Antiochc, parce que l’on regarde la dignité patriarcale comme propre aux sièges fondés directement ou indirectement par saint Pierre, comme découlant en quelque sorte de l’autorité de Pierre.

Cette théorie, Boniface I er la formule lors de la querelle avec Byzanee au sujet de l’Illyricum, qui met aux prises le pape et l’évêque de Constantinople Atticus. A cette occasion, Boniface I er écrivit à Rufus, son vicaire de Thessalonique, et aux évêques de Thessalie, différentes lettres ; dans l’une, adressée à ces derniers, il fonde, entre autres arguments, les privilèges de Home sur le 6e canon de Nicée : Institutio universalis nascentis Ecclesiæ de beati Pétri sumpsit honore principium in quo regimen ejus et summa consista. Nicœnæ synodi non aliud præcepta testantur. Jaffé, n. 364. Et dans une autre lettre, Jaffé, n. 365, il est plus explicite encore : « Le pape Boniface tire argument, en faveur de la primauté de son siège, de l’ordre de préséance des Églises, qu’il croit découvrir dans les canons de Nicée : il y a, dit-il, une Église qui est la deuxième, une Église qui est la troisième, l’Église romaine étant la première. » Batiffol, Le Siège apostolique, p. 258-265. On le voit, cette doctrine peut ainsi se résumer : Trois sièges sont supérieurs, parce que fondés par Pierre, parce que la dignité leur a été confirmée par le 6e cancn de Nicée et cela sans préjudice de la primauté papale. Duchesne, L’Église au vie siècle, p. 263-264 et notes. Cette idée, le pape Léon le Grand va l’utiliser pour protester contre le 28e canon de Chalcédoine. Duchesne, Églises séparées, Paris, 1905, p. 168. Le pape écrit à l’évêque de Constantinople Anatole : Doleo etiam in hoc dilectionem luam esse prolapsam ut sacratissimas Nicœnorum canonum constitutiones conaretur injringere, Jaffé, n. 483, et le pape répète le même argument à l’empereur et à l’impératrice. Constantinople ne peut prétendre au rang patriarcal, n’étant pas fondée par un apôtre (ici il ne parle pas précisément de Pierre) et n’ayant pas eu ses privilèges reconnus par le 6e canon de Nicée. Jane, n. 485 ; cf. n. 482.

Tel est le concept du patriarcat qui eut les faveurs de l’Occident pendant de longs siècles. Ce concept, on le retrouve fréquemment dans la littérature occidentale. Les patriarches sont des évêques qui participent d’une manière très spéciale à la dignité de Pierre, en ce qu’ils occupent des sièges fondés directement ou indirectement par lui. Le pape Nicolas I er (858-867) l’explique tout au long aux Bulgares : Desideratis nosse quot sint veraciter palriarchæ. — Veraciter itli habendi sunt patriarchæ qui sedes aposlolicas per successiones pontificum obtinent id est qui illis præsunt Eulesiis quos upostoli instituisse probantur : Romanam videlicet et Alexandrinam et Antiochenam : Romanam quam SS. principes apostolorum Petrus et Paulus et prædicatione sua instituerunt et pro Christi amore fuso proprio sanguine sacraverunt ; Alexandrinam quam evangelista Marcus discipulus et de baptismate Pétri filius a Petro missus instituit et Christo cruoredicavit… ; Antiochenam in qua conventu magno sanctorum facto primum fidèles dicti sunt christiani et quam beatus Petrus, priusquam

Romam veniret, per annos aliquos gubernavit. Constantinopolitanus autem et Jerosolymitanus antistites licet dicantur patriarchse non tantæ tamen auctoritatis quantæ superiores existunt. Pourquoi ? parce que ni l’un, ni l’autre n’ont été des sièges occupés par saint Pierre. Resp. ad consulta Bulgarorum, c. xcii, P. L., t. cxix, col. 1011-1012.

Cette idée on la retrouve sous la plume du même pape, dans sa lettre de 865 à l’empereur Michel. P. L., t. cxix, col. 949. Jean VIII, présente à son tour la même doctrine dans sa correspondance avec les Bulgares ; il insiste spécialement sur cette idée que la pentarchie telle que l’admettent les Grecs, qui soutiennent que l’un ou l’autre siège indifféremment peut tomber dans l’hérésie, est une conception fausse. Credimus quod jam vos non lateat nunquam apostolicam B. Pétri Sedem ab illis sedibus reprehensam, cum ipsa alias omnes et prœcipue Constantinopolitanam sœpissime reprehendens aut ab errore liberaveril. P. L., t. cxxvi, col. 759-761. Doctrine identique à celle des papes chez Hincmar de Reims. P. L., t. cxxvi, col. 328-332 ; cf. Thomassin, Velus et nova Ecclesiæ disciplina, part. I, t. I, c. xiv. Mais l’explication a déjà une portée plus générale et plus indépendante de la fondation des trois sièges patriarcaux par saint Pierre. Tout pouvoir supra-épiscopal est une participation, une dérivation de la primauté et, en ce sens, on peut parler d’une origine divine des patriarches, comme des métropolitains, mais d’une origine divine médiate, puisque seuls le pape et les évêques sont d’origine divine immédiate. C’était le concept vraiment juridique du pouvoir patriarcal, qui en définitive n’est et ne peut être qu’une participation de droit strictement ecclésiastique à la primauté de droit divin, conférée au seul pontife romain.

Un concept analogue se retrouve dans l’ouvrage Contra opposita Grœcorum romanam Ecclesiam infamantia, écrit par Ratramne, moine de Corbie, à l’époque de la querelle photienne, vers 868. Une partie du livre est consacrée à défendre la primauté papale contre la fausse conception que les Grecs se faisaient de l’origine des patriarcats. Les idées chères au pape Nicolas s’y retrouvent. P. L., t. cxxi, col. 343-345. Sa doctrine est ainsi résumée par Thomassin : Non itaque trium illarum urbium dignitas dignilati patriarcharum contulit quidquam sed jam institutam a Christo præcellentiam Petroque collatam per très amplissimas orbis civitates circumduxit providum numen ut hinc velute sublimi coruscans omnium in se venerationem converteret. Sur ce concept latin, cf. aussi Hergenrôther, Photius, t. ii, p. 143-146.

Peu à peu l’opposition qui existait entre l’idée latine et l’idée orientale du patriarcat s’atténuera. Adrien lien approuvant le 21e canon du IVe concile de Constantinople, qui plaçait le siège de Byzanee au deuxième rang, abandonnait déjà quelque peu le point de vue de ses prédécesseurs. Mansi, t. xvi, col. 174 ; cf. Hergenrôther, op. cit., p. 146, note 74 et 75, qui diminue la valeur de cette approbation. Léon IX, dans sa correspondance avec Michel Cérulaire, ramène à nouveau l’ancienne conception latine. P. L., t. cxliii, col. 763. Mais, de plus en plus, celle-ci est abandonnée. Le 5e canon du IVconcile du Latran reconnaît les cinq patriarcats, dans l’ordre qu’on leur donnait en Orient ; donc on oubliait le système, autrefois préféré, de la triarchie ; il est vrai qu’en 1215, il n’y avait point à Rome de raison d’animosité contre les patriarcats orientaux, puisque les titulaires étaient à cette époque des prélats latins. Mais plus tard, au concile de Florence, l’on reconnaîtra pleinement le système patriarcal oriental, et cette fois avec des titulaires grecs. Si l’unionde Florence avait persévéré, aurait-on supprimé les titulaires latins des patriarcats orientaux ? Thomassin, part. I, t. I, c. xxvi, n. 9.

Au fond ce qui importait, ce n’était point qu’il y eût