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PATRIARCATS. LA PENTARCHIE


dans Der Katholik, t. ii, 1874, p. 385 sq. ; Spâcil, S. J., Ecclesiologia Orientis separati recentior, dans Oriental, christ., t. ii, fasc. 2, 1924, p. 114, 115 ; P. Salaville, La primauté de saint Pierre et du pape d’après saint Théodore Studite, dans Échos d’Orient, 1914, p. 23 sq., et une étude dans les Acta II’conventus Velehradensis, Prague, 1910, p. 123, 124. Dans ce dernier article en particulier, le P. Salaville démontre que le pouvoir reconnu au pape par Théodore le Studite est un pouvoir de droit divin, une vraie juridiction, non pas quelque chose d’honorifique, mais un pouvoir suprême, au-dessus des conciles et infaillible. Nous n’avons pas à entrer dans le détail de cette démonstration, car cet article n’a pas pour but de démontrer la primauté papale. Mais comment, d’après le Studite, la primauté et la pentarchie peuvent-elles se concilier ? C’est qu’il ne voit dans la pentarchie que quamdam concretam formulant paulinse ideæ de mystico Christi corpore, necnon fraternarum relationum qute inler Ecclesias patriarchales esse debent. Salaville, De quinivertice, p. 179. Et la suprématie qu’il semble accorder au siège de Jérusalem n’est qu’une suprématie d’honneur, à cause des souvenirs attachés à la ville sainte ; mais la vraie juridiction suprême, c’est l’évêque de Rome qui l’a, et lui seul la possède de droit divin.

Chez Balsamon, qui écrit près de trois siècles après le Studite, alors que le schisme est définitivement consommé, la théorie de la pentarchie est tout à fait hétérodoxe. Le célèbre canoniste expose sa conception dans un opuscule adressé à Marc, patriarche d’Alexandrie, Meditatio sive responsa de patriarcharum priuilegiis. Cet opuscule se trouve dans Migne à deux endroits : P. G., t. cxix, col. 1162 sq., et t. cxxxviii, col. 1014 sq. Voici les principaux traits de cette théorie. L’origine des patriarcats est celle-ci : Pierre a fondé les trois patriarcats d’Antioche, Alexandrie, Jérusalem, en plaçant comme évêques, dans ces villes, Évodius, Marc et Jacques. Il a aussi établi saint André comme évêque de Thrace, à Héraclée. Rome doit ses privilèges à la donation de Constantin, et Constantinople a joui des privilèges d’Héraclée, dès i’épiscopat de Métrophane (308). P. G., t. cxix, col. 1162. En somme, le patriarche de Rome est le plus mal partagé ; il ne peut nullement revendiquer une origine apostolique, la primauté est sapée à la base. On lira aussi les curieuses remarques de Balsamon sur l’ordre alphabétique des patriarches. Le Pcdalion, Athènes, 1888, p. 72, les reproduit ; cf. Pitzipios, L’Église orientale, Rome, 1855, p. 109-110, en note.

Ces patriarches, malgré leur origine diverse, ont cepend int reçu une consécration divine spéciale : Eos per unctionem sanctitatis perfici unctos Domini et sanctissimos appellamus. P. G., t. cxix, col. 1165. Ils sont absolument nécessaires au gouvernement de l’Église, à tel point que si, à cause des invasions arabes, des sièges patriarcaux ne peuvent être occupés, comme c’était le cas pour Antioche du temps de Balsamon, il faut néanmoins nommer des titulaires qui résideront hors de leurs patriarcats en attendant des jours meilleurs. Ne pas agir ainsi ce serait priver de l’un de ses sens le capul Ecclesiæ, ce serait le rendre tanquam surdum aut cuecum aut quatuor aut tribus dumlaxat sensibus præditum. Ibid., col. 1174. Quamvis enim gloria thronorum suorum per vim exuerit, tamen spiritualis gratia secundum Daoidem non exsolescit. Imo potius veniet Deus noster nec silebitur ut collegat sibi sanctos suos qui testamentum suum disponent. Et, comme certains objectaient que ceux-là n’étaient point dignes du patriarcat, qui n’avaient point le courage d’occuper leurs sièges au péril de leur vie, il leur répond en invoquant le 37° canon in Trullo (P. G., t. cxxxvii, col. 638-640) et un édil d’Alexis Comnène, qui prescrivent d’ordonner des évêques pour les territoires des infidèles, même si

DICT. DE THÉOL. CATH.

ces évêques ne peuvent occuper leurs sièges. P. G., t. cxix, col. 1178. La « défection » du pape ne change rien à l’organisation de l’Église, il n’y a qu’à prier pour que le pape se convertisse, et pour que le corps mystique ne reste pas privé de l’un de ses sens. Balsamon ne croit pas que l’on puisse remplacer le pape par un autre patriarche ; si un patriarche fait défaut, l’on aura la tétrarchie au lieu de la pentarchie, mais il ne faut pas substituer un nouveau patriarche. P. G., t. cxxxviii, col. 1022. D’autres penseront qu’il faut remplacer le pape par un autre patriarche, ce sera une idée chère aux Moscovites, d’autres admettront qu’il y a place pour plus de cinq patriarches, d’autres transféreront à Constantinople le premier rang perdu par le pape et accorderont au patriarche œcuménique une certaine autorité sur ses collègues. Hergenrôther, op. cit., p. 136, 137. Mais ceci nous sort de la pentarchie ; cf. à ce sujet, Spâcil, op. cit., p. 66-67.

Chaque patriarche est maître pour les affaires particulières de son patriarcat ; pour les choses communes à toute l’Église, ils les décident collégialement, P. G., t. cxix, col. 1170, et dans ce gouvernement de l’Église universelle aucun ne jouit de prérogative spéciale. Ils portent des titulatures différentes, mais leurs pouvoirs sont égaux : Primus adversus secundum sese non efjert, neque secundus adversus terlium, col. 1167. Nous avons vu des auteurs, comme Anastase le Bibliothécaire, se servir de la comparaison des cinq sens pour démontrer la supériorité de l’évêque de Rome, qu’ils assimilent à la vue ; Balsamon se sert de la même comparaison, pour démontrer l’égalité parfaite des patriarches ; car, d’après lui, les cinq sens s’entr’aident mutuellement et aucun ne prévaut sur les autres, loc. cit. Il est vrai que, -dans d’autres écrits, il reconnaît malgré lui la suprématie romaine, à tel point que Thomassin a pu dire : adegit tamen illum veritatis lux invictissima ut sexcentis in locis primatui romanæ Sedis assentiretur. Part. I, t. I, c. xiii, n. 2 ; et il fait une brèche à la parfaite égalité des patriarches en ne reconnaissant comme étant sans appel que les sentences de Rome et Constantinople. Comment, ad 12 can. Antioch., P. G., t. cxxxvii, col. 1307 sq.

Telle est la théorie schismatique de la pentarchie ; on la retrouve chez d’autres auteurs : Aristène, Nil Cabasilas, Pierre d’Antioche, etc. On en trouve des manifestations au concile de Florence. Mansi, t. xxxi, col. 1007. C’est appuyés sur elle que les Grecs font des difficultés pour admettre la primauté ; Marc d’Éphèse en a tiré argument. Les Russes l’ont aimée, mais en admettant qu’à un patriarcat tombé on pouvait en substituer un autre, c’est le concept même de Moscou, troisième Rome. Grivec, op. cit., p. 61. La théorie de la pentarchie, très répandue jusqu’au xviie siècle parmi les orthodoxes, a perdu beaucoup de faveur et, de nos jours, elle n’occupe plus de place dans l’ecclésiologie orientale. Les Grecs attribuent l’autorité suprême soit à I’épiscopat dispersé, soit surtout au concile œcuménique. Spâèil, op. cit., p. 68 sq.

Signalons, pour terminer ce court aperçu, que l’on pourra compléter par Hergenrôther, loc. cit., la conception de la pentarchie contenue dans une confession de foi, celle de Métrophane Critopoulos. (Sur la valeur officielle de cette confession, cf. Jugie, Theologia dogmatica christianorum orientalium, t. i, Paris, 1926, p. 680.) Après avoir expliqué que l’Église a un seul chef, caput, e Christ, le patriarche d’Alexandrie ajoute : Hsec igitur cum sciant quatuor sanctissimi et bealissimi universalis Ecclesiæ patriarchie, successores aposlolorum et veritatis propugnatores nemincm in universum caput appellari volunt contenti capite illo de quo anlea dictum. Ipsi autem per se omnino in pari dignitate vivunt neque ullum prseler sessionem inler illos discrimen intercedit. Primo loco sedet Constantinopolitanus,

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