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PATRIARCATS. ORGANISATION DÉFINITIVE


Deutschland, t. i, 2e partie, Berlin, 1840, p. 549-551. Les canons 6 de Nicée, 2, 3, 6 de Constantinople (381) et 9, 17, 28 de Chalcédoine, quelques notices que l’on peut glaner chez les historiens et surtout dans les actes du concile de Chalcédoine, et enfin la législation justinienne, tels sont les documents qui nous renseignent sur le droit patriarcal de l’époque qui nous occupe. Voici les principaux points de ce droit :

Le patriarche a un certain pouvoir d’inspection sur tout le patriarcat ; cf. Novelles, 30. Il ordonne les métropolitains, c’est le droit qui vaut pour Constantinople, Antioche et Jérusalem. Mais le patriarche d’Alexandrie, immédiatement ou par délégué, ordonne même les simples évoques. C’est qu’il fut un temps où Alexandrie était seule métropole de toute PÉgypte. Quand les métropolitains apparurent, l’évêque d’Alexandrie garda son pouvoir et les métropolitains n’eurent que le droit de présenter les candidats ; cf. le cas de Synésius, Epist., lxvii, P. G., t. lxvi, col. 1412. Certains auteurs admettent qu’en principe le patriarche d’Antioche pouvait aussi ordonner les simples évêques, Thomas’sin, op. cit., part. I, t. I, c. ix, n. 12 ; mais la chose est des plus discutables, vu que le pouvoir d’Antioche au ive siècle n’était nullement comparable à celui d’Alexandrie et que, très tôt, il y eut des métropolitains dans les différentes provinces du diocèse d’Orient.

Les patriarcats définitivement constitués, l’évêque d’Antioche ordonnait les métropolitains. Batifïol, La paix eonstantinienne, p. 131. Rome, au temps de Nicée, ordonnait tous les évêques de son ressort métropolitain, c’est-à-dire à cette époque, de toute l’Italie et, plus tard, dans les dix provinces suburbicaires seulement. Le vicaire du Siège romain à Thessalonique ordonnait les métropolitains de l’IUyricum au nom du pape ; mais ailleurs, en Occident, le pape n’intervenait pas directement dans les ordinations épiscopales, ni même métropolitaines. Justinien signale cette différence entre patriarches qui ordonnent les simples évêques et ceux qui n’ordonnent que les métropolitains : Quoniam vero quidam religiosissimorvw palriarcharum in provinciis in quibus agunt cliam locum metropolitæ oblinenl…. de his ea sancimus quæ jam de religiosissimis melropolitis consliluimus, is enim et melropolita merilo nominetur cujus dispositioni episcopi qui sub melropolitis sunt subjiciuntur. Code, 1, iv, 29.

La législation justinienne nous offre beaucoup de précisions sur le pouvoir judiciaire des patriarches. Ceux-ci jugent en première instance les métropolitains, en deuxième instance les évêques, dans tous genres de procès. Novelles 123, can. 22.11s jugent les clercs en troisième instance dans les procès ecclésiastiques. Code, I, iv, 29. Pour les procès des laïques et pour les procès civils des clercs, le patriarc he n’a pas p us de pouvoir que les évêques. Nov., 123, can. 21. Évidemment, quand il s’agit de clercs de son propre évêché, ou d’évêques de sa propre province, le patriarche les juge en première instance. Hors de là, il ne doit pas juger en première instance ; on peut toutefois lui soumettre une cavse, dès le principe, mais pour qu’il la transmette lui-même à un évêque qui la jugera en première instance et dans ce cas, si on appelle de la sentence de cet évêque, on appellera directement au patriarche sans passer par le métropolitain, en vertu du principe du droit romain, qui dal judicem, ipse erit provocandus qui dederit judicem ; cf. Code, I, iv, 29 ; Digeste, c. xlix, 3, 1. Ces dispositions civiles constituent les premiers éléments précis que nous ayons du droit judiciaire patriarcal. Les canons des conciles de Nicée, Sardique et Antioche supposent que les procès se terminent en synode provincial ; lee canon, attribué au premierconcile de Constantinople et qui appartient en fait au concile de 382, mentionne le tribunal du synode diocésain ; les 9e et

17e canons de Chalcédoine ne parlent que du pouvoir judiciaire de l’exarque sur les métropolitains. Le droit judiciaire a évidemment suivi les étapes de l’institution du patriarcat.

Des sentences patriarcales on ne peut appeler, d’après le droit justinien. Code, I, iv, 29 ; et Novelles 123, can. 22. Dira-t-on que cette disposition est contraire aux canons de Sardique ? Oui et non. Le concile de Sardique n’envisage pas les sentences des patriarches qui n’existaient pas encore, il ne parle que de la sentence des conciles provinciaux. Par ailleurs, le pape ayant le pouvoir suprême dans l’Église, à lui revient de juger en dernier appel et, dans la pratique, il l’a fait parfois pour l’Orient ; cf. Bernardakis.Les appels au pape dans l’Église grecque jusqu’à Photius, dans Échos d’Orient, t. vi, 1903. D’après la législation justinienne, le patriarche de Constantinople ne semble nullement avoir le droit de revoir en appel les sentences des autres patriarches, ni même de juger concurremment avec eux ; et l’on comprendra facilement la chose. En effet, le can. 9e de Chalcédoine n’admettait un droit de juridiction concurrente qu’avec les exarchats d’Éphèse, de Césarée et d’Héraclée, nullement avec Antioche et Alexandrie. Même de cette juridiction concurrente, il n’est plus fait mention ; c’est que les exarques ont perdu leur autorité effective au temps de Justinien. Le patriarche présidait le synode patriarcal ; il est déjà fait mention, dans le 6e canon, d’un synode diocésain, du synode patriarcal ; i) n’en est pas fait formellement mention dans la législation justinienne. Il faudra attendre le IVe concile de Constantinople pour avoir des précisions à ce sujet. Il semble qu’il régnait une assez grande diversité sur le mode d’élection du patriarche. En Egypte, vers le temps de Nicée, on requérait la présence de la totalité morale des évêques pour l’élection et l’ordination du patriarche. Sur l’élection de l’évêque d’Alexandrie dans les premiers temps de l’Église, voir l’art. Alexandrie : Élection du patriarche, dans Dict. d’archéologie chrétienne, t. i, col. 1204-1210. Sur l’élection des patrisrches au temps de Justinien, cf. Duchesne, L’Église au VIe siècle, p. 265-266. Si l’on s’en tenait à la législation justinienne, le patriarche, comme tout évêque, serait ainsi élu : les optimales et les clercs de la cité choisiraient trois noms et le prélat consécrateur un des trois. Novelles, 6. Cette discipline ne semble pas avoir été beaucoup en vigueur. En définitive, la pratique n’était pas encore nettement fixée à cette époque.

Tel est, dans ses grandes lignes, le droit patriarcal au vie siècle. Quant aux relations des patriarches entre eux, elles comporteront bientôt certaines formalités indispensables : « Le pape, dès qu’il avait pris possession du Siège de Rome, adressait une épître synodique à l’évêque de Constantinople et aux trois autres patriarches : Alexandrie, Antioche, Jérusalem. Cette lettre variait de forme et de contenu, mais on y trouvait toujours une profession de foi et c’était l’essentiel de toute synodique…. A charge de revanche, quand un nouveau patriarche est élu à Constantinople, on attend à Rome son épître synodique, et tant qu’elle n’a pas été apportée, on n’a à Rome aucun rapport avec lui. Il en va de même pour les autres patriarches orientaux. » Batifïol, Le Siège de Borne et l’Orient dans l’hiftoire ancienne de l’Église, dans Revue apologétique, mars 1928, p. 298. Un autre élément de cohésion entre les patriarches était l’empereur ; l’on sait combien les quatre patriarches d’Orient lui étaient déférents, et à quel point il intervenait dans leurs Églises. Chaque patriarche — le pape également, depuis saint Léon — entretenait à la cour de Constantinople une sorte de chargé d’affaires, un apocrisiaire. Batifïol, op. cit., p. 297 ; L. Bréhier, Normal relations belween Rome and the Churches of the East be/ore the Schism o/ the eleventh