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PATRIARCATS. ORGANISATION DÉFINITIVE


Palestines, détachées de l’Orient, sont soumises à Jérusalem ; les trois diocèses d’Asie, de Thrace et du Pont ont chacun leur exarque, mais se trouvent sous une certaine dépendance de Constantinople.

Le mot d’exarque est employé pour désigner les évêques d’Alexandrie, Antioche, Césarée, Éphèse, Héraclée : le concile, par exemple, appelle ainsi l’évêque d’Antioche. Mais, à côté de l’exarchat, apparaît déjà le concept de patriarche : en effet trois de ces exarques ne sont pas indépendants, mais soumis à un prélat supérieur ; par ailleurs Constantinople et Jérusalem, sans être exarchats, jouissent d’une complète autonomie. D’où la distinction : on appellera bientôt patriarches ceux des prélats qui n’ont au-dessus d’eux que l’autorité du Siège apostolique, à savoir deux des exarques, Alexandrie et Antioche et deux autres évêques qui ne sont pas strictement chefs d’un diocèse : Constantinople et Jérusalem. A ces sièges, qui sont au-dessus des métropolitains, mais qui, cependant, ont au-dessus d’eux une autorité autre que celle du pape, c’est-à-dire aux exarques d’Éphèse, de Césarée et d’Héraclée, on réservera le nom spécial d’exarques. Sur le nom de patriarches, cf. Hefele-Leclercq, t. i, p. 556, note 2, et la bibliographie.

Cette conception n’était qu’implicite, mais elle était réellement contenue dans la législation de Chalcédoine. Nous allons la voir se développer après Chalcédoine d’une manière explicite.

4° L’organisation définitive des grands sièges patriarcaux. — Pour que le patriarcat, tel que nous l’avons défini, pût se constituer distinct de l’exarchat, il fallait que les décisions de Chalcédoine sur l’élévation de Constantinople et de Jérusalem reçussent force de loi et donc fussent confirmées par le pape.

Les Pères du concile, l’empereur Marcien, l’évêque. de Constantinople, Anatole, sollicitèrent du pape saint Léon l’approbation du 28e canon de Chalcédoine. lnter epist. Leonis, P. L., t. liv, col. 970-983. Rome, qui n’avait jamais voulu approuver le 3e canon du I er concile de Constantinople (Jugie, Theologia dogmatica christianorum orientalium, t. i, Paris, 1926, p. 86 sq.), n’approuva pas davantage le 28e canon. Dans des lettres adressées à Marcien, à l’impératrice Pulchérie et à Anatole, saint Léon combattit les prétentions de l’évêque de Constantinople et déclara ne pas avoir le droit de modifier les règlements de Nicée. Jaffé, Regesta rom. pont., n. 481-484. A Constantinople, on sembla se rendre d’abord aux raisons du pape ; le can. 28 ne fut pas inséré dans les différentes collections canoniques de l’époque, l’empereur Marcien refusa lui-même son approbation et Anatole fit ses excuses au pape, rejetant la faute sur les clercs de Cons’tantinople. Epistola Anatolii ad Leonem papam, lnter cpist. Leonis, cxxxii, P. L., t. liv, col. 1084 ; Jugie, op. cit., p. 57-58. Dans tout cela il faut noter qu’il est surtout question de l’accession de Constantinople à la dignité patriarcale, le cas de Jérusalem semble être relégué au second plan et ne pas avoir soulevé après le concile de pareilles discussions ; cf. Vailhé, dans Échos d’Orient, t. xiii, p. 327 sq. ; on pourrait trouver que les raisons données par Léon le Grand s’appliquent aussi bien à Jérusalem : Ni Constantinople, ni Jérusalem ne peuvent prétendre à la dignité patriarcale, n’ayant point été fondées par saint Pierre.

Malgré la résistance de Rome et la soumission apparente de Constantinople, l’organisation chalcédonienne resta en vigueur. On eut désormais en Orient, en fait sinon en droit, quatre grands patriarcats : Alexandrie, Antioche, Constantinople, Jérusalem ; et l’exarchat fut considéré comme une dignité inférieure qui ira peu à peu perdant son autorité, pour disparaître, semble-t-il, au temps de Justinien, car celui-ci ne paraît pas en faire mention. Hergenrôther, Photius,

Palriarch von Constantinople, Ratisbonne, 1867, t. i, p. 157 sq. ; Thomassin, toc. cit.

Toute l’Église d’Orient était ainsi répartie en quatre grandes circonscriptions. Seule l’île de Chypre était en dehors et indépendante ; elle avait, à force de luttes, réussi à se soustraire à la juridiction d’Antioche ; cf. art. Chypre. En Occident, le pape est considéré, surtout par les Orientaux, comme étant le seul patriarche ; encore sa juridiction s’étend-elle à une partie même de l’empire d’Orient, à l’Illyricum ecclésiastique, qui depuis 379 fait partie de l’empire de Byzance, mais sur lequel le pape revendique juridiction. A cette organisation, Justinien donne la sanction civile. Il reconnaît les cinq patriarches dont il fait souvent mention dans ses constitutions ; c’est à eux qu’il adresse ses ordonnances en matière religieuse. Jubemus igitur beatissimos quidem archiepiscopos et palriarchas, hoc est senioris Romæ et Constantinopoleos et Alexandriæ et Theopoleos (Antioche) et Hierosolymorum… Nov., 126, De sanctissimis et Deo amabilibus episcopis, c. m. Il sanctionne même l’ordre de préséance tel qu’il a été défini par le 3e canon de Constantinople et le 28e de Chalcédoine : ldeoque sancimus secundum earum definitiones sanctissimum senioris Romæ papam primum omnium esse sacerdotum, beatissimum autem archiepiscopum Constantinopolitanum Novæ Romæ secundum locum habere… Nov., 131, De ecclesiasticis titulis.

Il précise les droits et devoirs des patriarches, selon son habitude de s’ingérer dans les choses ecclésiastiques. Il détermine leurs attributions judiciaires. Code, I, iv, 29 ; Novelles, 123. Il prescrit aux patriarches de faire observer la résidence aux métropolitains, Nov., 6 ; de veiller à la tenue des conciles, Nov., 137 ; il accorde quelques privilèges en matière judiciaire au patriarche de Constantinople, Nov., 123. Quant au pouvoir des exarques, il ne semble pas en faire mention ; et, quand il s’agit du pouvoir judiciaire, on ne dit plus qu’ils aient une juridiction concurrente avec le patriarche de Constantinople, mais on affirme seulement de ce dernier qu’il juge en suprême instance. Bref, au temps de Justinien, l’organisation du patriarcat est chose accomplie, et le nom de patriarche est maintenant réservé à ces hiérarques qui n’ont au-dessus d’eux que le pape.

Tandis que ces cinq patriarcats sont ainsi admis à Byzance (cf. encore le 36e can. du concile in Trullo, Mansi, t. xi, col. 959), en Occident on continue à discuter le titre de patriarche de l’évêque de Constantinople. Ainsi, dans l’affaire d’Acace, P. L., t. lix, col. 102103 ; et à l’époque de Nicolas I er, Epist., lxxxviii, P. L., t. exix, col. 948. Rome n’admet encore que trois patriarches au sens strict, suivant un concept occidental du patriarcat sur lequel nous reviendrons plus loin. Adrien II, en approuvant le 21e canon du IVe concile de Constantinople (869-870), reconnaîtra au moins indirectement les cinq patriarcats. Mansi, t. xvi, col. 174. Enfin le IVe concile du Latran (1215), dans son 5e canon, sanctionne de son autorité cette organisation ecclésiastique ; mais il faut remarquer qu’à l’époque du concile, les sièges d’Orient sont occupés par des Latins.

En fait, l’organisation fonctionne depuis Chalcédoine et, depuis lors, l’autorité dans l’Église semble partagée entre ces cinq grands hiérarques que l’on compare volontiers aux cinq sens ou, en omettant Jérusalem, aux quatre fleuves du paradis terrestre.

Droits patriarcaux.

A l’époque de Justinien, le

droit patriarcal est fixé dans ses grandes lignes ; mais il ne faudrait pas croire qu’il soit identique dans chacun des patriarcats ; les circonstances particulières qui ont présidé à l’organisation de chacun d’eux, ont influé sur la constitution de ce droit. Hinschius, Das Kirchenrcchl der Katholiken und Protestanten in