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PATARINS


    1. PATARINS##


PATARINS, hérétiques du Moyen Age. — Le nom de patarin, diversement éerit (patarinus, paterinus, palrinus, patharislu. palurellus, en français, palatin, patelin) est employé d’abord, au xiie siècle, comme synonyme de cathare (ah/igeois), en attendant qu il s’applique aux xme et xive siècles à toutes sortes d hérétiques, comme cela était arrivé antérieurement pour le mot « bougre ».

Sa synonymie avec « cathare » est clairement indiquée dans le can. 27 du llie concile géncial du l.atran(1179) : « Quoique l’Église… se contente d’un jugement sacerdotal et qu’elle n’emploie pas les exécutions sanglantes, elle est cependant aidée par les lois des primes, afin que la crainte d’un supplice temporel oblige les hommes à recourir au remède spirituel. Comme, donc, les hérétiques que les uns nomment cathares, les autres palarins et les autres publicains, ont fait de grands progrès dans la Gascogne, l’Albigeois, le pays de Toulouse et ailleurs, qu’ils y enseignent publiquement leurs erreurs et tâchent de pervertir les faiules, nous les anathématisons avec leurs protecteurs, etc. » Mansi, Concil., t. xxii, col. 231-232. La présence à ce concile d’évêques des régions ci-dessus visées exclut toute chance d’erreur. Cf. Devic et Vaissete, Histoire générale de Languedoc, 2’édit., t. vi, Toulouse, 1879, p. 86. Ce texte paraît être le premier où l’assimilation soit faite de manière aussi précise.

Il faut, en tout état de cause, distinguer cespatarinscathares du xiie siècle, des patarins qui apparaissent, au milieu du xie siècle, à IViilan et dans ITIalie du Nord. Les membres de la Pataria milanaise sont des catholiques zélés, très animés contre les abus ecclésiastiques de leur époque et soutenus dans leur action par plusieurs papes successifs. Il est assez dillicile d’expliquer comment leur nom est passé aux sectaires néo-manichéens du siècle suivant. Faut-il penser à une simple allitération qui a fait passer de cathares à patares ? Il y a des transformations onomastiques plus surprenantes, comme celle de paulicien, devenant en définitive publicain. On a cherché d’un autre côté. Le nom de patarin avait été donné aux zélotes milanais par leurs adversaires, comme une appellation injurieuse : eis pauperlalem improperantes, patf.rinos, id est pannosos vocabanl, dit Bonizo de Sulri, Liber ad amicum, l. VI, début, P. L., t. cl, col. 825 C. Quoi qu’il en soit de l’étymologie du mot. que les tout premiers historiens du mouvement eux-mêmes n’arrivent pas à expliquer, il désignait, dans la pensée de leurs adversaires, pour la plupart nobles ou bourgeois, la populace, les déguenillés, les gueux. De même que ce dernier mot a désigné, au xvie siècle, un parti religieux dans les régions flamandes et wallones, de même le mot de patarins, mot de dénigrement, aura désigné à la fin du XIIe siècle les hérétiques cathares. D’ailleurs, n’y avait-il pas quelques rapprochements à faire entre les cathares du xiie siècle et les patarins du xie : anticléricalisme violent, inspiré, il est vrai, par des motifs tout divers, caractère occulte des réunions, déclamations plus ou moins énergiques contre le mariage, ete ? Ceci expliquerait jusqu’à un certain point la transmission, d’un groupement à l’autre, d’un nom dont la signification exacte s’était perdue.

Pour ce qui est de la Pataria milanaise, elle ressortit davantage à l’histoire qu à la théologie. On a désigné, dès le principe, sous ce nom. un mouvement inspiré par les mêmes idées que la réforme grégorienne et qui prétendait combattre les deux grands vices du clergé de l’époque : nicolaïsme et simonie. Le mouvement, qui s’étendit à toute la province, eut comme premier meneur un diacre nommé Ariald, bientôt secondé par un clerc, nommé Landulfe, et auxquels le prêtre Anselme, qui deviendra évêque de Lucques en 1057 et pape en 1061 sous le nom d’Alexandre II, montrait

beaucoup de faveur. Cela débuta vers 1056. Ayant groupé autour de lui un certain nombre de clercs décidés à mener la vie commune, Ariald commence à prêcher la réforme du clergé. Landulfe, véritable tribun, se joint à lui et ses déclamations, où très souvent il dépassait les bornes, créent dans les milieux populaires une telle excitation contre les clercs mariés ou concubinaires que çà et là des violences éclatent. L’archevêque Guy, qui pouvait prendre sa part de beaucoup de reproches faits par les agitateurs, n’ose défendre son clergé. C’est seulement à la demande du pape Etienne IX (Jafîé, Regesta, n. 4378), qu’il réunit un synode, où Ariald et Landulfe refusent de se présenter. Excommuniés, ils en appellent à Rome, qui finalement leur donne raison et envoie d’ailleurs sur place, au déout de l’hiver 1057, deux légats : Hildebrand et Anselme, désormais évêque de Lucques.

L’arrivée à Milan des envoyés pontificaux consolide le groupement, que l’on appelle désormais la Pataria et qui prend l’allure d’une société organisée, où l’on s’engage par un véritable serment. On s’y proposait avant tout d’agir, soit par la persuasion, soit par la force, sur les ecclésiastiques indignes ; on voulait les contraindre soit à abandonner les femmes avec qui ils vivaient, soit à réparer les actions simoniaques par lesquelles ils étaient entrés en fonction. Contre eux, suivant une consigne qui allait recevoir l’approbation de Rome, on organise la désertion des ollices qu’ils célèorent. C’est une manière de les amener à prêter le serment d’abandonner leurs anciennes mœurs. Des résultats appréciables furent ainsi obtenus. Ils furent encore étendus, quand Nicolas II, élu à la fin de 1058, envoya à Milan une seconde légation, composée de Pierre Damien et d’Anselme de Lucques. Énergiquement soutenus par la Pataria, les légats obtinrent la soumission, au moins apparente, du clergé. Tous les ecclésiastiques, archevêque en tête, durent prêter serment d’éviter désormais la simonie et le nicolaïsme, se soumirent aux pénitences imposées et furent réconciliés par le légat. Voir le rapport de Pierre Damien adressé à Hildebrand, alors archidiacre de l’Église romaine, P. L., t. cxlv, col. 89-98. On remarquera le titre de ce rapport : Actus Mediolani de privilegio Ecclesiæ romanse ; l’action de Pierre Damien eut bien, en effet, pour résultat de renforcer l’autorité de Rome sur « l’Église amDrosienne », qui, de tout temps, avait revendiqué une sorte d’autonomie.

Sous Alexandre II (1061-1073), il était naturel que la situation de la Pataria se renforçât encore. Sans doute Landulfe était mort (à une date que l’on ne saurait préciser) : mais son frère, un laïque nommé Erleinbald, continuait, avec plus de fuugue encore, à seconder l’action d’Ariald. Il faisait vraiment figure à Milan de délégué pontifical, ayant reçu du pape la bannière môme sous laquelle il rassemblait ses partisans, militairement organisés. Les attaques reprirent de plus belle contre l’archevêque Guy. en 1066. Menacé d’excommunication par le pape (cf. Jaffé, Regesla, n. 4591), l’archevêque tenta de se débarrasser des meneurs ; des scènes violentes se déroulèrent à la Pentecôte dans les églises et dans la rue. Guy ayant menacé de jeter l’interdit sur la ville si Ariald y demeurait, le diacre fut contraint de partir ; il erra pendant quelque temps dans la banlieue, avec quelques partisans ; finalement, il fut massacré, le 28 ou le 29 juin, avec d’elïroyables ralfinements de cruauté. Erlembald vengea sa mort, réussit à rentrer dans Milan que l’archevêque quitta précipitamment. Rome, semblet-il, dut intervenir pour modérer la violence des représailles exercées par les patarins. Cf. P. L., t. cxlvii, col. 317 C. Mais, dégoûté de tant d’avanies, l’archevêque se résolut à démissionner.