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ORDRE. RITE PRIMITIF, DOCUMENTS ANCIENS


Tertullien. Les documents apostoliques et sub-apostoliques présentent des sens beaucoup plus larges ; cf. I Cor., v, 6, 9-12, 13 ; Il Cor., vi, 14 ; II Joa., 11 ; Eph., v, 7, 11 ; Apoc, xviii, 4 (simple entretien de relations sociales avec le pécheur) ; S. Justin, Apol., ii, 2 ; Hermas, Mandatum, iv, 1-5 (cohabitation conjugale) ; Didachè, xiv, 2, (participation commune aux mêmes actes religieux). Au ꝟ. 22, le manque de liaison grammaticale n’exclut pas la connexion des pensées et il n’est pas inouï que les épîtres pauliniennes, y compris les Pastorales, présentent ainsi des transitions un peu brusquées. Enfin, il faut noter que la pratique de réconcilier les pénitents par l’imposition des mains n’est pas attestée pour l'âge apostolique. Aussi l’interprétation africaine fut-elle bientôt contredite par l’Ambrosiaster en Occident et, en Orient, par Théodore de Mopsueste et saint Jean Chrysostome. Ces auteurs interprètent le ꝟ. 22 du rite d’ordination ; ils estiment donc trouver dans le texte apostolique un renseignement précis sur ce rite. Voir aussi Tixeront, L’ordre et les ordinations, p. 108.

c. / Tim., iv, 11 ; Il Tim., i, 6'. — Une confirmation de ce sens se trouve, sans contestation possible, dans l’indication, par saint Paul lui-même, du rite d’ordination de son disciple Timothée. Deux textes : « Ne néglige point la grâce qui est en toi, qui t’a été donnée en vertu d’une prophétie avec l’imposition des mains du presbytérium : Mrj è.xzkzi tou èv ool 5(ap£<T[i.aTOÇ, ô £§607] aoi Sià rcpocp^Teïaç [i.sxà ÈTuOéascoç twv ysipcov tou 7tpea6uTep'.ou. » « Je t’engage à ranimer la grâce de Dieu, qui est en toi par l’imposition de mes mains : 'Avafx', ji.vy)ox(o es tyvaÇoTC’jpeTv tô)(âpt.o|J.ot tou GeoG, ô ècttiv èv aoi Bià ttjç ènidéasutç tùv yeipcov p.ou. » I Tim., iv, 14 ; II Tim., i, 6.

Ces textes se complètent et, dans leur brièveté, énumèrent les ministres, les circonstances, les grâces de l’ordination de Timothée. Le ministre principal fut Pau], comme l’indique la seconde épître, ce qui n’exclut pas la participation du presbytérium, c’est-àdire de l’assemblée des prêtres (de Lystres, probablement, dont Timothée était originaire, Act., xvi, 1-3). Le texte ne parle pas de prière accompagnant le geste de l’imposition des mains ; mais il est peu probable que cette imposition des mains ait été muette et n’ait pas été accompagnée de quelque prière : c’eût été tout le contraire de ce que nous savons par ailleurs, Act., vi, 6. En tout cas, il ne faudrait pas entendre l’ordination 81à 7tpoç7)Te[aç comme s’il s’agissait ici de l'équivalent de la « forme » du sacrement. L’expression Sià 7rpoç7)TeÊaç est obscure pour nous, et montre sans doute que Timothée, avant son ordination, avait été l’objet d’une désignation surnaturelle touchant son ministère. Saint Paul ne suppose-t-il pas lui-même que son disciple a été l’objet de prophéties qui doivent l’inciter à combattre le bon combat : xtxià ràç npoa.yQÙcxi ; èm oe repoç^Tetaç, ïva CTpaTS-ûaf) Èv aùraïç ttjv y.aXvjv aTpaTEÎav. Quant à la grâce reçue par l’imposition des mains, c’est à coup sûr un « charisme » d’ordre surnaturel se rapportant aux fonctions sacrées que Timothée doit remplir. Saint Paul s’applique à décrire ce charisme, II Tim., i, 7-12. C’est un don de l’Esprit, un don de force, de charité, de sens pratique et de sobriété. « Ici, ce qui est conféré par l’imposition des mains n’est pas une simple mission, une simple fonction — ce que les Anglais appellent appointment — c’est une grâce, un pouvoir surnaturel, yâptajza. » Tixeront, op. cit. p. 107.

Tout semble indiquer d’ailleurs que ce pouvoir chez Timothée est le pouvoir épiscopal proprement dit. Ont admis cette conclusion, chez les anciens : S. Épiphane, Hier., lxxv, 4, P. G., t. xiii, col. 508 ; Théodore de Mopsueste, In 1 Tim., iii, 1, P. G.,

t. ixvi, col. 956 sq. ; Théodoret de Cyr, In I Tim, m, 1, P. G., t. lxxxii, col. 803. Chez les modernes, c’est le sentiment du grand nombre, du moins chez les catholiques. Voir H. Bruders, Die Verjassung der Kirche… bis zum Jahre 175 nach Christus dans Forsch. z. christl. Litteralur-und Dogmengeschichte, t. iv, fasc. 1-2, Mayence, 1904 ; Michiels, op. cit. Parmi les protestants et critiques indépendants, citons Gore-Turner, op. cit. ; Harnack, Mission und Ausbreitung des Christentums, 2e édit., Leipzig, 1915, et Knopf, Das nachapostolische Zeitalter, Tubingue, 1905.

3. Conclusion.

Les Actes et les Pastorales nous montrent le rite de l’ordination déjà universellement admis dans l'Église naissante. Tout d’abord employé dans l'Église-mère de Jérusalem, ce rite se retrouve à Antioche, puis est repris par saint Paul dans la fondation de toutes les Églises. Ainsi apparaît nettement son caractère apostolique. Cette conclusion est singulièrement renforcée du fait que l’imposition des mains était un rite déjà employé dans la synagogue (voir Imposition des mains, col. 1302-1304) et que, s’il est passé dans l'Église catholique, c’est que les apôtres, prédicateurs de la nouvelle religion, ont fait, sous l’inspiration du Saint-Esprit, à l’occasion de ce rite, un emprunt chrétien aux traditions synagogales. Rien ne pouvait mieux marquer l’institution divine, le rite n'étant choisi que pour répondre à une indication de NotreSeigneur et sous l’influence du Saint-Esprit.

3° Dans l'Église primitive. — Les documents de l'époque apostolique et immédiatement subapostolique n’apportent aucune précision aux données du Nouveau Testament.

Ces documents, en effet, sont des éciits de circonstance ; leurs auteurs n’avaient ni occasion, ni intérêt à parler des rites de l’ordination. Nous retrouvons l’expression yeipoxoveïv, mais avec le sens d'élire, de choisir (qu’elle possède II Cor., viii, 19, et Act., xiv, 22) dans la Didachè, xv, 1 : XeipOTOvrjactTS… ÈTuavcÔTrouç xal Siaxôvooç. Il s’agit ici, à coup sûr, de ministres sacrés, puisque leur office est d’offrir le sacrifice eucharistique, xiv, 3. Mais il est également certain que yetpoTOvsîv signifie simplement élire, choisir, puisqu’il s’agit d’une invitation faite à tout le peuple chrétien de se choisir des ministres idoines. De même, chez Ignace, Philad., x, 1 ; Smyrn., xi, 2 ; .Polyc, vii, 2, car il s’agit du simple choix d’un diacre déjà en fonction, pour une mission déterminée. Cette indétermination permet au cardinal van Rossum d'écrire : explicatae primo sseculo testimonia post Apostolorum tempora non inveni. De essentia sacramenti ordinis, Fribourg-en-B., 1914, p. 61 ; cf. F Prat, La théologie de saint Paul, t. ii, 10e édit., p. 366, note 1.

Néanmoins il serait contraire aux règles d’une saine critique de conclure que l’imposition des mains, rite sacramentel, n’existait pas au iie siècle en vue de la transmission des pouvoirs de l’ordre. Nous avons, en effet, trouvé plusieurs textes du Nouveau Testament (notamment Act., vi, 1-6 ; probablement Act., xiv, 23 ; xx, 28 ; plus vraisemblablement I Tim., v, 23 et certainement I Tim., iv, 44 et II Tim., i, 6) où l’imposition des mains, dès la fin du I er siècle, apparaît comme le rite universellement reçu de l’ordination. Nous savons par ailleurs qu’en fait les trois degrés de la hiérarchie ont été transmis par les apôtres, leurs remplaçants ou leurs successeurs immédiats, voir notamment Clément, / Cor., c. xlii, xliv. Et, par l’exemple de Timothée, nous savons que ces successeurs n’avaient le pouvoir de transmettre le sacerdoce qu’en suite de l’imposi.ion des mains reçues par eux-mêmes.

Ces simples constatations nous permettent d'éli-