Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.2.djvu/54

Cette page n’a pas encore été corrigée
1241
1242
ORDRE. RITE DANS LE N. T.


jat-SsvI £7^t(0îi ? On a voulu voir dans cette < « imposition des mains » toutes les destinations du rite qu’a connues l'Église primitive : guérison, confirmation, pénitence, ordination ; cf. Behm, Die Handauflegung im Urchristentum, Leipzig, 1918, p. 54, n. 5. Mais deux interprétations seulement sont susceptibles de retenir l’attention des exégètes catholiques. — Tout d’abord celle qu’a développée ici-même, t. vii, col. 1306-1314, le P. Galtier. Il s’agirait d’une imposition des mains relative à la réconciliation des pécheurs. Nous ne ferons que résumer les raisons invoquées en faveur de cette interprétation : on fait remarquer que l’exégèse favorable au rite d’ordination ne date que de l’Ambrosiaster et de Théodore de Mopsueste ; qu’elle n’a jamais été universellement reçue dans l’exégèse protestante et anglicane ; qu’elle a même été abandonnée par quelques auteurs catholiques ; qu’elle n’a d’autre base que l’expression technique, )(£ipo0scria. dont l’apôtre s’est servi ; qu’elle est sans fondement dans la plus ancienne tradition et qu’en particulier elle a contre elle la tradition de l'Église africaine ; qu’elle donne au ꝟ. 22 un sens contraire à la grammaire, à la vraisemblance, et à la logique (pour expliquer : ne participe en rien aux péchés des autres, en fonction des mots précédents : n’impose légèrement les mains à personne) ; qu’elle attribue enfin à saint Paul, dans les versets précédents, une procédure de réconciliation pour les presbytres, qui est radicalement en opposition avec la pratique de l'Église ancienne. On observe, par contre, que l’interprétation relative à la réconciliation des pécheurs conserve le sens habituel des expressions courantes et déterminées, àjxapTdcvovTOtç… sXsyxe et xoivcivs', àji.xp-ûa tç, qu’elle s’accommode des habi tudes lexicographiques de saint Paul et qu’elle semble imposée par le contexte immédiat de l'épître.

Mais cette argumentation est loin d'être convaincante et la plupart des exégètes et théologiens catholiques estiment au contraire que I Tim., v, 22 mentionne bien l’imposition des mains qui est le rite de l’ordination. Au c. iii, Paul avait décrit les qualités requises chez les candidats aux ordinations ; au c. iv, il recommande à Timothée sa sanctification personnelle et le conjure de ne pas négliger la grâce qui est en lui en vertu d’une révélation prophétique avec l’imposition des mains du presbytérium. Puis, au c. v, il exhorte son disciple au zèle pour le maintien de la discipline. C’est là qu’après avoir rappelé quelle attitude il convient d’observer à l'égard des veuves, il aborde la question des prêtres, ꝟ. 17. Tout le problème consiste à grouper les versets 17-25 d’après leur sens :

17. Que les prêtres qui gouvernent bien soient regardés comme dignes d’un double honneur, surtout ceux qui s’appliquent à la parole et à l’enseignement. 18. Car l'Écriture dit : « Vous ne lierez point la bouche du bœuf qui foule le grain », et : « l’ouvrier est digne de son salaire ». 19. Ne reçois point d’accusation contre un prêtre, si ce n’est devant deux ou trois témoins. 20. Reprends ceux qui pèchent, devant tout le monde, afin que les autres en conçoivent de la crainte. 21. Je te conjure devant Dieu, devant le Christ-Jésus, et les anges élus, d’observer ce ; chues sais p-é ; u ; é, ne faisait rien en incinant d’un autre côté. 22. N’impose légèrement tes mains à personne, et ne participe en rien aux péchés des autres. Sois toujours chaste toi-même. 23. Ne continue pas à ne boire que de l’eau ; mais use d’un peu de viii, à cause de ton estomac et de tes fréquentes infirmités. 24. Les péchés de quelques hommes sont manifestes, et les devancent au jugement ; mais ceux de certains autres les suivent. 25. Et pareillement les œuvres bonnes r.ont manifestes, et celles qui ne le sont pas ne peuvent rester cachées.

On est généralement d’accord pour considérer les conseils adressés à Timothée, ꝟ. 23, comme un verset

déplacé de son contexte. Le problème consiste donc à grouper les* t. 17-22, 24-25 d’après leur sens. Origène et saint Jean Chrysostome ont proposé de rapporter les ꝟ. 19-21 au traitement des pécheurs ; les ꝟ. 17-18, 22, 24-25 à la constitution des presbytres. Origène, In Jesu Nave, homil., vii, 6, P. G., t.xii, col. 801 ; S. Jean Chrysostome, In I Tim., homil. xv, 2, P. G., t. lxii, col. 582. Mais plusieurs auteurs modernes terminent au ꝟ. 19 la section des presbytres, pour" aborder dès le ꝟ. 20 une section nouvelle et homogène sur le traitement des pécheurs, en rapportant l’imposition des mains et le discernement à la réconciliation des pénitents. C’est la lecture adoptée par ceux à l’opinion desquels se rallie le P. Galtier.

En faveur de l’opinion d’Origène et de Jean Chrysostome, on peut dire que « l’ancienne exégèse africaine n’a pas encore recueilli beaucoup d’adhésions ; cf. M. Meinertz, Die Pastoralbriefe des heiligen Paulus (Die h’ilige Schrift des Neuen Testaments, 2e éd.), Bonn, 1921, p. 54. Nous estimons que ses partisans ont surévalué l’autorité des anciens écrivains ecclésiastiques qui ont rapporté à la réconciliation des pénitents ce ꝟ. 22 de l'épître à Timothée. Sans doute, à première vue, leur nombre est imposant, mais en groupant les divers témoignages, on constate qu’ils n’appartiennent qu'à deux milieux très circonscrits et étroitement apparentés, d’une part à l’ancienne Église d’Afrique et d’autre part aux milieux ecclésiastiques représentés par saint Firmilien de Césarée. En réalité, cette ancienne tradition exégétique semble remonter à Tertullien. Le fougueux apologiste africain s’est servi du texte paulinien pour reprendre les évêques trop enclins, à ses yeux, à réintégrer dans la communion ecclésiastique les pécheurs et les apostats pénitents. De pudicitia, xviii, 9, P. L., t. ii, col. 1016. L’interprétation de Tertullien se répandit dans l'Église d’Afrique ; elle fut acceptée par saint Cyprien, par les évêques du concile de 256 et par saint Firmilien de Césarée, l’ardent allié de l'évêque de Carthage dans ses démêlés avec le Siège romain. Dans ces conditions, l’autorité de cette tradition est diminuée de beaucoup ; elle n’exprime pas une opinion reçue dans l'Église universelle, mais tout au plus une tradition locale, remontant à un auteur privé… « Dès lors, il ne reste plus à considérer que les arguments empruntés à l’analyse littéraire du passage en question. Sans doute, les versets 17-22 ne sont pas d’une cohésion parfaite. Déjà Origène et saint Jean Chrysostome l’avaient entrevu et, pour cette raison, tout en entendant l’imposition des mains des rites de l’ordination, ils avaient rapporté le ꝟ. 20 à la réconciliation des pénitents, admettant par conséquent une digression importante dans la succession logique des ꝟ. 10, 20 et 22. Mais il nous semble que même cette digression partielle n’est pas prouvée. L’Apôtre, après avoir déterminé la conduite à observer envers les presbytres fidèles, puis envers les presbytres accusés par un membre de l'Église, traite finalement et logiquement des ministres que la vigilance de Timothée a reconnus coupables d’un délit. Envers ces derniers, la charge de Timothée était particulièrement délicate, et saint Paul, sachant bien qu’il vaut mieux prévenir le mal que le combattre, donne pour l’avenir à ce disciple ce conseil éminemment prudent et salutaire : « N’impose précipitamment les mains « à personne et ne communique pas aux péchés d’au « trui. Tout s’enchaîne et s’explique. » J. Coppens, op. cit., p. 129-130. L’auteur dont nous rapportons l’exégèse fait observer que l’expression « communiquer aux péchés d’autrui » n’a pas toujours, dans les très anciens documents, le sens restreint que lui reconnaît le P. Galtier avec les traditions s’originant a