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PASCAL. SES DERNIERS SENTIMENTS


jure ? Et, s’il ne concluait pas en disant : Sortons ! il avait pour mot d’ordre : Tenons-nous ferme et crions ». J. Laporte ne croit pas « qu’il faille prendre à la lettre des excès de langage qui ont pu échapper à un homme ordinairement si maître de sa parole, mais alors malade et, dans sa Lettre d’un théologien, Nicole fait remarquer que son écrit n’étant pas fait pour être publié, mais pour bien marquer l’attitude qui lui semblait préférable, « il ne s’était pas mis en peine d’y garder une fort grande exactitude » et d’étudier de près les documents ; cf. t. x, p. 344. Mais Pascal ne pouvait rien voir de contraire aux principes qu’il estimait catholiques dans la supposition que le pape pût se tromper sur une question de fait et fondre un fait dans une question de droit, et que les évêques l’approuvassent. Il eut volontiers dit, comme sa sœur Jacqueline : « Peut-être nous retranchera-t-on de l’Église, mais personne n’en peut être retranché malgré soi et, l’esprit de Jésus-Christ étant le lien qui unit ses membres à lui et entre eux, nous pouvons bien être privés des marques mais non jamais de l’effet de cette union, tant que nous conserverons la charité. Et la charité nous attachera inviolablement à l’Église. » Lettre à la sœur Angélique de Saint-Jean, ibid., p. 105. Lui-même, il avait écrit : « Des excommuniés ont sauvé l’Église », fr. 868, et, « l’Église étant l’organe de la Tradition, un jour viendrait inévitablement où son chef proclamerait la vérité. » Quoi qu’en dise Sainte-Beuve, loc. cit., p. 95 et 81, il n’abandonnait nullement la tactique « de ses 17e et 18e Provinciales » ; il était fidèle à lui-même.

Son autorité théologique ne pouvant rivaliser avec celle du « grand Arnauld », son avis ne prévalut pas. Dès lors il se désintéressa de l’affaire de la signature, mais il n’était point séparé de Port-Royal, de ses doctrines et de son personnel. Si l’on en croit Nicole, t. x, p. 347, « cette diversité de sentiments » n’interrompit jamais « le commerce d’amitié qu’il avait avec ces messieurs », mais « leur union parut d’une, manière particulière durant sa dernière maladie. M. Arnauld lui rendit visite et M. Pascal le reçut avec toute sorte de témoignages de tendresse. Il se confessa plusieurs fois à M. de Sainte-Marthe et la veille même de sa mort. » 11 était alors arrivé à leur rendre justice. Ibid., p. 346.

2° Le problème des derniers sentiments. La déclaration de Beurrier. — 1. Les derniers jours et la mort. — Pascal, malade depuis mars 1659, mourut le 19 août 1662 chez sa sœur, Mme Périer, où il était venu habiter le 29 juin. Il reçut les derniers sacrements des mains de Beurrier, curé de Saint-Étienne-du-Mont, sa nouvelle paroisse, à qui il s’était confessé plusieurs fois. Il fut inhumé le 21 août à Saint-Étienne-du-Mont ; cf. n. clxxix, Lettres écrites à l’occasion de la mort de Pascal, t. x, introd., p. 305-319 ; texte, p. 320335 ; append., p. 336-403.

2. Le problème : la déclaration de Beurrier. — En décembre 1664, à propos de l’épitaphe posée dans cette église, là où reposait Pascal, cf. loc. cit., p. 310, l’archevêque Péréfixe demandait à Beurrier dans quels sentiments était mort Pascal : janséniste, il ne pouvait reposer en terre bénie. D’après une Déclaration à M. l’archevêque touchant M. Pascal, du 7 janvier 1665, rédigée par Péréfixe et signée par Beurrier, celui-ci aurait trouvé Pascal dans des sentiments « toujours fort orthodoxes et soumis particulièrement à l’Église et à notre Saint Père le pape ». Pascal lui aurait dit « qu’on l’avait embarrassé dans le parti de ces messieurs », mais que, depuis deux ans, il s’en était retiré, parce qu’ils allaient trop avant dans les matières de la grâce et qu’ils paraissaient avoir moins de soumission qu’ils ne devaient pour notre Saint Père le pape, que néanmoins il gémissait aussi de ce que l’on relâchait

si fort la morale chrétienne, t. x, p. 338. Cette déclaration que Beurrier avait demandé de tenir secrète fut rendue publique : le P. Annat, Lettre de M. Jansénius au pape Urbain VIII, Paris, 1666, p. 96, Chamillard, Déclaration de la conduite que Mgr l’archevêque de Paris a tenue contre Port-Royal, Paris, 1667, p. 120 sq. (Bouhours), Lettre à un seigneur de la cour, 1668, parlèrent de la rétractation de Pascal. Textes dans t. x, p. 339 sq.

Mais, dès 1665, la famille de Pascal et les amis de Port-Royal s’élevaient contre cette affirmation. Cette année ou la suivante, Mme Périer écrivait à Beurrier qu’il avait dû mal interpréter les paroles de son frère à l’adresse des messieurs de Port-Royal, ibid., p. 348-351 ; une Lettre d’un théologien à un de ses amis sur le sujet de la déclaration rapportée par le P. Annal, du 15 juillet 1666 (très probablement de Nicole), pré-’cisait, elle aussi, le sens des difficultés que Pascal avait eues avec « les messieurs » : craignant, parce que mal renseigné, que dans les documents pontificaux les mots sens de Jansénius et grâce efficace n’eussent la même signification et que condamner le premier ne fût condamner le second, il les accusait « de trop accorder aux ennemis de la grâce, non dans le fond des opinions, mais dans les expressions dont ils se servaient dans leurs signatures » ; en d’autres termes, il les accusait « de relâchement et de condescendances qu’il ne pouvait approuver ». Eux, au contraire, lui reprochaient « d’aller trop avant » et de faire injure au pape et aux évêques « en donnant lieu de les accuser d’avoir condamné la grâce efficace ». Ibid., p. 340 sq. (Sainte-Marthe), dans une Défense des religieuses de Port-Royal, 1667, rappelait que « loin de les (ces messieurs) regarder comme un parti, Pascal, l’envoya quérir (lui-même) plusieurs fois dans sa dernière maladie et se confessa à lui ». Ibid., p. 356. De Lalanne, dans une autre Défense de la foi des religieuses de Porl-Royal, 1667, s’en référant à la Lettre d’un théologien, réfutait Chamillard et relevait dans ses paroles de singulières contradictions avec les faits. Ibid., p. 356 sq. Plus tard, quand l’archevêque Péréfixe émit le désir de voir imprimer, en tête de l’Apologie, la Déclaration du 7 janvier 1655, l’éditeur se déroba ; Etienne Périer, neveu de Pascal, écrivit au prélat « une lettre fort humble et fort cérémonieuse pour lui opposer une fin de non-recevoir absolue », Gazier, Les derniers jours, p. 41, et Arnauld approuva l’un et l’autre au nom de « la vérité et de la mémoire de M. Pascal », t.xii, p. clxxii. Enfin Beurrier, sans doute sollicité de trancher le débat, écrivit à Mme Périer en 1671 : « J’ai bien reconnu que ses paroles (de Pascal) pouvaient avoir un autre sens que celui que je leur ai donné, comme aussi je crois qu’elles l’avaient », et il souhaitait n’avoir jamais donné une déclaration qui ne paraît pas conforme à la vérité de ses sentiments, t. x, p. 360. En 1673, Etienne Périer, ayant demandé des éclaircissements à Beurrier au sujet de propos tenus à Clermont par un ecclésiastique de passage, ibid., p. 361, Beurrier répondit le 27 novembre : « Jamais je n’ai dit que feu M. Pascal se soit rétracté. Tout ce que j’ai dit, c’est qu’il est mort très bon catholique, qu’il avait une patience consommée, et une très grande soumission à l’Église et à notre Saint Père le pape ; et que, depuis deux ans devant sa mort, il avait voulu se retirer pour songer à son salut et travailler contre les athées. » Ibid., p. 365.

La querelle cependant n’était pas terminée. La Vie de Pascal par Mme Périer ayant circulé manuscrite avant d’être publiée, en 1682, un chanoine de Clermont, Audigier, voulut publier cette Vie en la faisant précéder d’une préface où il parlerait de la rétractation de Pascal. Mme Périer lui écrivit alors pour maintenir ses déclarations antérieures et le renvoya à Beurrier. Domat, l’auxiliaire de Pascal dans le conflit de la signature, lui écrivit aussi que « la rétractation