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PASCAL. SES DERNIERS SENTIMENTS


d’évêques, supprimé par un arrêt du Conseil, fut finalement, le 14 août, condamné par le pape. Les vicaires généraux durent lui en substituer un autre qu’avait rédigé « Marca d’accord avec le P. Annat », Gazier, ibid., p. 129, et qui imposait la signature du Foramlaire sans distinction du droit et du fait. Daté du 21 octobre, il ne fut publié que le 20 novembre. Sur les conseils d’Arnauld et de Nicole, les religieuses des deux Port-Royal signèrent encore, mais en faisant précéder leur signature d’une déclaration où, invoquant leur ignorance des questions débattues, elles disaient que i soumises avec un très profond respect » au pape, et n’ayant rien de si précieux que la foi », elles rejetaient « toutes les erreurs que Sa Sainteté et le pape Innocent X ont jugé y être contraires » ; cf. n. clxxv, t. x, Écrit de Pascal sur la signature, introd., p. 161170. En janvier 1662 la cour imposa aux religieuses d’ajouter à leur déclaration une phrase « qui équivalait à une signature pure et simple ». Gazier, loc. cit., p. 131. Mais les religieuses, encouragées par la guérison miraculeuse, survenue le 7 janvier, de sœur Sainte-Suzanne, la fille de Philippe de Champaigne, refusèrent ; cf. Sainte-Beuve, loc. cit., t. iv, p. 145 sq. Prenant également pour un signe du ciel la mort de Marca, trois jours après qu’il eut reçu ses bulles d’archevêque de Paris, cf. id., ibid., t. iii, p. 151, elles refusèrent de même, en juillet, la signature pure et simple qu’exigeait un troisième mandement.

Pascal « avait, dans sa participation au premier mandement, épuisé toute sa condescendance », ibid., p. 354. La mort de sa sœur lui pesait également, ainsi que son opposition à toute concession. En face du second mandement il demandera donc, appuyé par Domat, que, dans la déclaration, fût insérée une réserve formelle concernant le fait. Arnauld et Nicole s’y opposèrent. La controverse se développa en de’nombreux écrits. Pascal justifia sa manière de voir dans un Écrit sur la signature de ceux qui souscrivent aux constitutions en cette manière : Je ne souscris à ces constitutions qu’en ce qui regarde la foi, ou simplement : Je souscris aux constitutions touchant la foi, quo ad dogmata, n. clxxv, introd., p. 161-170 ; texte, p. 171177 ; app., p. 177-267 ; Nicole répondit par un Examen d’un écrit sur la signature, ibid., p. 197 ; Arnauld par une brochure intitulée : Si on a droit de supposer que les mots « sens de Jansénius, » dans la bulle d’Alexandre VII signifient plus naturellement la grâce efficace que toute autre chose ; de sorte que ce soit donner un juste soupçon qu’on la condamne que de souscrire à cette tiulle sans l’excepter, quand même on dirait qu’on ne la souscrit que quant à la foi ; cf. Œuvres d’Arnauld, t. xxii, p. 727-758, et Œuvres de Pascal, t. x, p. 221228. Il y eut une réponse de Domat : Raisons qui empêchent que je me rende à l’écrit intitulé : Si on a le droit ; cf. loc. cit., p. 228-233, et Jovi, loc. cit., t. i, p. 234 sq. ; des répliques d’Arnauld à cette réponse et à d’autres perdues de Domat ou de Pascal : Réplique ou réfutation de la réponse touchant la véritable intelligence des mots de « sens de Jansénius » (extrait), Œuvres, t. x, p. 253-261, texte complet, Œuvres d’Arnauld, t. xxii, p. 759-819 ; Petit écrit contenant quelques considérations générales ; Œuvres, p. 262-266 ; Œuvres d’Arnauld, ibid., p. 820-830, auquel est joint un Petit écrit de M. Constant (Nicole), Œuvres d’Arnauld, ibid., p. 831-833. Pascal avait composé au cours de ce conflit un Grand écrit sur les variations des défenseurs de Jansénius, mais cet écrit, resté manuscrit et confié par lui à Domat, a sans doute été brûlé avec d’autres sur le même sujet ; cf. Lettre de Pavillon à Domat, dans Jovy, Pascal inédit, t. I, p. 378, et Monbrun : Pascal et les écrits laissés à Domat, dans Bulletin de littérature ecclésiastique de Toulouse, mars 1920.

Si tous ces faits ne sont pas d’une certitude absolue

comme la collaboration de Pascal au premier mandement ou l’attribution de l’écrit, De la signature du Formulaire à Arnauld, du moins leur sens général est clair : Pascal s’y montre en désaccord avec Arnauld. Mais ce n’est ni sur la question de la grâce efficace : sa raison d’agir est au contraire que « condamner la doctrine de Jansénius sur les Cinq propositions, c’est condamner la grâce efficace, saint Augustin, saint Paul », Écrit sur la signature, t. x, p. 171 ; ni sur le fait, qu’il veut faire réserver formellement ; ni par conséquent sur la distinction du fait et du droit. Mais, partant de cette idée que le « pape et les évêques » réduisent à néant cette distinction, en faisant du fait une question de foi, cf. ibid., p. 172, il conclut qu’ac cepter tout ce qui est de foi, sans réserver d’une façon précise la question de fait, laisserait un doute dans les esprits. « S’il était dit dans le mandement, ou dans la constitution, ou dans le Formulaire, qu’il faut non seulement croire la foi mais aussi le fait, on pourrait peut-être dire qu’en mettant simplement que l’on se soumet au droit, on marque assez que l’on ne se soumet point à l’autre. Mais, comme ces deux mots ne se regardent que dans nos entretiens et dans quelques écrits tout à fait séparés des constitutions.il est impossible de prétendre que l’expression de la foi emporte nécessairement l’exclusion du fait. » Ibid., p. 173-174. Et il concluait : « Ceux qui signent purement le Formulaire sans restriction signent la condamnation de Jansénius, de saint Augustin, de la grâce efficace ; — qui excepte la doctrine de Jansénius en termes formels, sauve de condamnation et Jansénius et la grâce efficace ; — ceux qui signent en ne parlant que de la foi, n’excluant pas formellement la doctrine de Jansénius, prennent une voix moyenne, qui est abominable devant Dieu, méprisable devant les hommes et entièrement inutile à ceux qu’on veut perdre personnelle ment. » Ibid., p. 175.

Ce disant, Pascal cédait à sa passion de la vérité « qu’il aimait par-dessus tout », dira Marguerite Périer, « à l’idée qu’il avait de la sincérité chrétienne », dira Nicole, Lettre d’un théologien, 15 juillet 1666, t. x, p. 341, au souvenir de sa sœur, morte de ses scrupules, cf. Lettres de Jacqueline Pascal à la sœur Angélique de Saint-Jean et à Antoine Arnauld, 22-23 juin 1661 (loc. cit., n. clxix, introd., p. 97-102 ; texte, p. 103-116), et à la crainte que l’habileté n’ait parlé, là où ne devait compter que la vérité.

Il y avait autre chose dans l’attitude de Nicole et d’Arnauld. Logiquement, disaient-ils, qui ne souscrit qu’à la foi exclut ce qui n’est pas du domaine de la foi, donc le fait. Puis, d’après le pape et les évêques, « le sens de Jansénius » condamné ne vise pas la grâce efficace et, souscrire à la condamnation du premier, ce n’est nullement souscrire à celle de la seconde ; cf. Nicole, Examen, t. x, p. 206 sq. et 216. Puis on ne défend pas la vérité « contre les ministres de l’Église », comme on le fait contre ses ennemis ; « en suivant impétueusement les mouvements de son esprit, on s’engagerait en des maux préjudiciables à la vérité pour laquelle on s’imagine de les souffrir ». Id., ibid., p. 220221. Enfin, disait encore Nicole, l’attitude conseillée par Pascal et ses amis « est scandaleuse à l’égard des hérétiques à qui elle donne lieu d’accuser l’Église d’errer dans la foi », ibid., p. 216 ; ou bien, comme le dit Arnauld, Petit écrit, on fait croire « qu’il y a dans l’Église une profession de foi vraiment hérétique, approuvée par le pape et tous les évêques sans contradiction et c’est ce que tous les théologiens déclareront contraire à l’infaillibilité de l’Église ». Ibid., p. 266. « Ainsi, conclut Sainte-Beuve, loc. cit., p. 91-95, Arnauld plaidait l’orthodoxie du pape que niait Pascal. » N’avait-il pas dit « qu’il suffisait d’un pape sur pris par les jésuites pour rendre toute la chrétienté par-