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    1. PASCAL##


PASCAL. LES PENSEES, IIe PARTIE

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déclare « l’événement qui a rempli les prophéties » un miracle « subsistant depuis la naissance de l’Église jusqu’à la fin », fr. 706, connu par tout l’univers et par conséquent le plus grand de tous les miracles, mais, pour lui, miracles et prophéties sont destinés à convaincre des générations différentes. « Jésus-Christ a vérifié qu’il était le Messie, jamais en vérifiant sa doctrine sur l’Écriture et les prophéties, mais toujours par les miracles. » Fr. 808. « On n’aurait point péché en ne croyant pas Jésus-Christ sans les miracles. » Fr. 811. C’est que « on n’entend les prophéties que quand on voit les choses arrivées ». Fr. 698. Avant, elles sont « équivoques ». Fr. 830. Il y eut donc un temps où les prophéties ne pouvaient produire leur effet de preuves. « Les prophéties ne pouvaient pas prouver Jésus-Christ pendant sa vie. » Fr. 829. Les miracles proprement dits, guérisons, résurrections, au contraire, qui, une fois accomplis, n’ont plus que la force de témoignage de faits historiques, frappent vivement ceux qui les voient. Tandis que les prophètes sont obscurs, ils sont ainsi les vrais fondements de la croyance. « Jésus-Christ a fait des miracles et les apôtres ensuite et les premiers saints en grand nombre : parce que les prophéties n’étant pas encore accomplies et s’accomplissant par eux, rien ne témoignait que les miracles. » Fr. 838.

Il ne faut pas conclure de là, comme les jésuites en face du miracle de la Sainte Épine, que « les miracles ne sont plus nécessaires, à cause qu’on en a déjà ». Fr. 832. Si « maintenant il n’en faut plus contre les Juifs, car les prophéties accomplies sont un miracle subsistant », fr. 838, comme « l’Église a trois sortes d’ennemis », c’est-à-dire, « avec les Juifs qui n’ont jamais été de son corps, les hérétiques qui s’en sont retirés et les mauvais chrétiens qui la déchirent audedans », fr. 840 ; il continue à être utile qu’il y ait des miracles. « Les miracles discernent aux choses douteuses », autrefois c’était « entre les peuples juif et païen, juif et chrétien » ; aujourd’hui c’est « entre catholique, hérétique, calomniés et calomniateurs ». Fr. 841. Pensant donc au miracle de la Sainte Épine, il dit : « Quand on n’écoute plus la tradition, quand on ne propose plus que le pape, quand on l’a surpris et qu’ainsi ayant exclu la vraie source de la vérité qui est la tradition et ayant prévenu le pape qui en est le dépositaire, la vérité n’a plus la liberté de paraître, alors, les hommes ne parlant plus de la vérité, la vérité doit parler elle-même aux hommes. » Elle le fait par le miracle, comme cela arriva « sous Dioclétien et sous Arius », quand le pape Libère condamna saint Athanase. Fr. 832. Or, aujourd’hui, « ces filles (les religieuses de Port-Royal) étonnées de ce qu’on dit qu’elles sont dans la voie de perdition, que leurs confesseurs les mènent à Genève, elles savent que cela est faux ; elles s’offrent à Dieu en cet état. Qu’arrive-t-il ? » Le miracle de la Sainte Épine a discerné la doctrine : « Ce lieu qu’on dit être le temple du diable, Dieu en fait son temple. On dit qu’il faut en ôter les enfants, Dieu les y guérit… Il faudrait avoir perdu le sens pour en conclure qu’elles sont dans la voie de perdition. » Fr. 841, cf. fr. 844.

c. Comment discerner le miracle ? — Non pas reconnaître dans la trame des phénomènes ceux quoad substantiam, ou quoad modum, comme s’exprime Barcos, Appendice à la section xiii, question i, loc. cit., p. 294, qui sont l’œuvre immédiate de la Cause première, — Pascal ne se pose pas cette question, — mais discerner les vrais des faux, car il y a de « faux miracles », fr. 803 : les fausses religions, les siècles païens offrent en grand nombre « de faux miracles, de fausses révélations, des sortilèges, etc. » fr. 818 ; « incrédules les plus crédules : ils croient les miracles de Vespasien ». Fr. 816. Raisonner comme eux serait une erreur : il

y a de faux miracles, donc il n’y en a pas de vrais. Si l’on a foi aux charlatans qui vantent de faux remèdes, c’est que « quantités de remèdes se sont trouvés véritables. Ce qui fait que l’on croit tant de faux effets de la lune, c’est qu’il y en a de vrais. » Les faux miracles sont de même la preuve qu’il y en a de vrais. Fr. 817, cf. fr. 818.

A quelle « marque » dès lors reconnaître les vrais ? Ils ont des marques visibles, « autrement ils seraient inutiles ». Fr. 803. Or, ils sont « au contraire fondement ». Ibid., cf. fr. 826. Cette marque c’est la doctrine : « La doctrine discerne le miracle. » Fr. 803-En d’autres termes, il ne peut y avoir de miracles en faveur d’une doctrine erronée : « Les hommes doivent à Dieu de recevoir la religion qu’il leur envoie. Dieu doit aux hommes de ne pas les induire en erreur. » Fr. 843, cf. fr. 820. Or « il n’est pas possible de croire raisonnablement contre les miracles. Fr. 815. Jamais Dieu donc ne fera un miracle « pour confirmer une erreur ». Moïse donnait aux Juifs une règle du même ordre : « Si une prophétie se réalise, mais qu’elle conduise à l’idolâtrie, c’est qu’elle n’est pas de Dieu », Deut., xiii, 3. Jésus-Christ également : « Il n’y a personne qui, ayant fait un miracle en mon nom, puisse parler mal de moi. » Marc, ix, 38. Fr. 839. a Dans le Vieux Testament donc, quand on vous détournera de Dieu. Dans le Nouveau, quand on vous détournera de Jésus-Christ. Voilà les exclusions des miracles marquées. » Fr. 835. Aujourd’hui à Dieu et à Jésus-Christ s’ajoute l’Église. En face d’un phénomène qui a l’apparence du miracle, « il faut ou se soumettre, ou avoir d’étranges marques du contraire. II faut voir s’il nie Dieu, ou Jésus-Christ, ou l’Église. » Fr. 835.

En conséquence, « quand on voit les miracles et la doctrine non suspecte tout ensemble d’un même côté », en d’autres termes, quand un miracle se produit en faveur d’une doctrine qu’accepte comme divine l’Église entière, « il n’y a pas de difficultés ». Ce signe est bien de Dieu qui confirme ainsi sa parole. Fr. 843. Quand, « dans l’Église », l’erreur est en « dispute » et que le miracle a lieu, « il discerne ». Fr. 851. Produit dans l’Église et pour l’Église, il vient de Dieu : Ubi est Deus tuus ? Les miracles le montrent. » Fr. 846. Produit « dans une dispute publique où les deux partis se disent à Dieu, à Jésus-Christ, à l’Église », il tranche le débat, on l’a vu plus haut. Et, en semblable cas, « jamais les miracles ne sont du côté des faux chrétiens ». Fr. 843. L’hérésie et le schisme ne peuvent se réclamer de signes divers où Dieu autoriserait par le miracle une doctrine qui détourne de Jésus-Christ et de l’Église. « Si, dans la même Église, il arrivait miracle du côté des errants, on serait induit à erreur. » Fr. 846. Les hérétiques le savent si bien, qu’ils ont « toujours combattu par tous les moyens nos trois marques qu’ils n’ont point », fr. 845, et dont est le miracle. Fr. 844. « Inutiles », d’ailleurs, seraient des miracles en leur faveur. Il y aurait « miracles contre miracles », mais il y a des choses acquises, ainsi l’autorité de l’Église. Que compteraient des miracles en faveur de l’hérésie, en face des condamnations de l’Église, « autorisée », elle, partant de signes divins, qui lui ont valu « la créance » avant toute autre doctrine, et qui sont « premiers et plus grands » que tous autres. Fr. 841. « Un miracle parmi les schismatiques n’est pas tant à craindre, car le schisme, qui est plus visible que le miracle, marque visiblement leur erreur. » Fr. 851, cf. fr. 846. L’Antéchrist <> fera des miracles » contre Jésus-Christ et Jésus-Christ les a prédits. Fr. 846. Oui, mais ces signes, justement parce qu’ils seront contre Jésus-Christ, et qu’ils ont été prédits par lui, « ces miracles », selon le mot de saint Paul, ne seront que o des signes de mensonge » et « ne peuvent induire à erreur ». Fr. 845, 826 et 842 — Enfin, « quand on