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    1. PASCAL##


PASCAL. LES PENSEES. IIe PARTIE

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Au dernier empire païen allait succéder l’empire du Christ. Et cela était prédit, et cela s’est réalisé. » E. Tauzin, Les notes de Pascal sur les prophéties messianiques, dans Revue apologétique, 1 er octobre 1924, p. 35 ; cf. Jolivet, ibid., 15 juillet et 1 er août 1923, Pascal et l’argument prophétique.

Cette concordance entre les prophéties et la vie de Jésus-Christ n’est pas l’effet du hasard. Un plan divin s’aflirme par là. Certaines supposent de telles coïncidences qu’il faut nécessairement une intervention et une volonté supérieure aux choses : « Il faut être hardi pour prédire une même chose en tant de manières : il fallait que les quatre monarchies, idolâtres ou païennes, la fin du règne de Juda, et les soixante-dix semaines arrivassent en même temps, et le tout avant que le deuxième temple fût détruit. » Fr. 709. Visiblement aussi elles sont faites et conservées dans une intention précise : donner foi au Messie. « Il fallait que, pour donner foi au Messie, il y eût des prophéties précédentes et qu’elles fussent portées par des gens non suspects. Dieu a donc choisi ce peuple charnel auquel il a mis en dépôt les prophéties qui prédisent le Messie » comme libérateur. Mais ce peuple l’a compris « comme libérateur et dispensateur des biens charnels ». Aussi « il a eu une ardeur extraordinaire pour ses prophètes et a porté à la vue de tout le monde ses livres qui prédisent le Messie ». Il n’a pas reconnu ce Messie en Jésus-Christ. Mais, depuis que les Juifs ont mis Jésus-Christ à mort, ils n’ont pas cessé de « porter incorrompus leurs lois et leurs prophètes » et d’être ainsi pour le Messie « les témoins les moins suspects ». Fr. 571. Enfin « les prophéties furent mêlées de choses particulières et de celles du Messie, afin que les prophéties du Messie ne fussent pas sans preuves et que les prophéties particulières ne fussent pas sans fruit ». Fr. 712.

Que « ceux qui ont peine à croire n’en cherchent pas un sujet en ce que ies Juifs ne croient pas ». Fr. 745. Ils disent en effet : « Si cela est si clairement prédit aux Juifs, comment ne l’ont-ils pas cru ? ou comment n’ont-ils pas été exterminés de résister à une chose si claire ? » Fr. 749. Mais, « cela a été prédit qu’ils ne croiraient pas à une chose si claire et qu’ils ne seraient point exterminés ». Ibid., cf. fr. 735. Puis, « si les Juifs eussent été tous convertis par Jésus-Christ, nous n’aurions plus que des témoins suspects. Et s’ils avaient été exterminés, nous n’en n’aurions point du tout. » Fr. 750. « C’est leur refus même qui est le fondement de notre croyance. Cela est admirable d’aVoir rendu les Juifs grands amateurs des choses prédites et grands ennemis de l’accomplissement. » Fr. 745. Enfin, puisque les prophéties sont à la fois claires et obscures, comme toute l’Écriture, en elles se manifeste le même dessein divin : « Dieu, pour rendre le Messie connaissable aux bons et méconnaissable aux méchants, l’a fait prédire en cette sorte. » Fr. 758. Et en face d’elles, comme en face de tout l’enseignement divin, se retrouvent les deux éternelles catégories d’Ames, les charnelles et les spirituelles. Les Juifs furent des charnels, « non pas tous », cependant. Il se passa pour eux ce qui se voit aujourd’hui : « Les saints reçoivent Jésus-Christ, non les charnels. » Fr. 760. Et tant s’en faut que cette attitude des Juifs « soit contre sa gloire : en le tuant…, ils lui ont donné la dernière marque du Messie. » Fr. 760 et 761.

Ces faits, d’autre part, disent pourquoi le Messie a été prédit obscurément quant à la manière, clairement quant au temps : « Si la manière eût été prédite clairement, il n’y eût point eu d’obscurité, même pour les méchants. Si le temps eût été prédit obscurément, il y eût eu obscurité même pour les bons. Mais le temps a été prédit clairement et la manière en figure. Par ce moyen, les méchants, prenant les biens promis pour

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

matériels, s’égarent malgré le temps prédit clairement et les bons ne s’égarent pas. » C’est que « l’intelligence des biens promis dépend du cœur qui appelle bien ce qu’il aime » et non « l’intelligence du temps ». Fr. 758. cꝟ. 675. Sur toutes ces questions : Lhermet, op. cit.. livre III.

d) Les miracles prouvent la divinité de Jésus-Christ.

— Si Malebranche dit à Dieu : « Vous êtes bien plus admirable par les lois générales que par les volontés particulières » d’où naît le miracle, Méditations, Cologne, 1683, t. vii, § 22, p. 137. Pascal attachait au miracle non seulement l’importance qu’y attache l’apologétique traditionnelle, mais, à la suite du miracle de la Sainte Épine, la valeur d’une glorification de Port-Royal et de la famille Pascal. « Comme Dieu n’a pas rendu de famille plus heureuse, qu’il fasse aussi qu’il n’en trouve pas de plus reconnaissante. » Fr. 856. « Si le Pascal des Provinciales passa, sans plus tarder, au Pascal des Pensées, ce fut à l’occasion de cette affaire… Le livre des Pensées, dans son inspiration première, se greffa en plein sur le miracle de la Sainte Épine. » Sainte-Beuve, loc. cit., p. 184185. « D’autre part, M. de Saci, dit Fontaine, cité par Sainte-Beuve, loc. cit., disait que, si l’on pouvait douter de la justification de Port-Royal par ce miracle et par les autres (qui en étaient la répétition), il n’aurait point de vérité dans l’Église que l’on ne pût obscurcir… ; que si ces miracles ne concluaient point, il n’y en aurait point dont on se pût servir contre l’esprit. .. opiniâtre. » Ainsi, conclut Sainte-Beuve, « pleine et entière assimilation du présent miracle avec ceux de l’Évangile » et Pascal partage « la pensée janséniste ».

Il ne traite pas, évidemment, la question du miracle à la façon d’un moderne qui discute les objections faites au miracle au nom de la raison, de la philosophie ou des sciences, par Spinoza, Bayle, Voltaire, Rousseau, Renan. Ainsi, il n’examine pas la question de la possibilité du miracle. Cette question, il ne se la pose pas : il a vu un miracle de ses yeux. Ici, comme ailleurs, il essaie de convaincre les libertins ; mais ici, en plus, les jésuites qui refusent de croire au miracle de Port-Royal et d’y voir l’approbation divine des doctrines port-royalistes.

a. Comment Pascal définit le miracle. — Inspiré par Arnauld, cf. Havet, Pensées, t. ii, p. 86, note sur le fragment 41, et guidé par Barcos, cf. Œuvres, t. xiv, p. 293-299, Appendice à la section XII l, Questions sur les miracles, proposées par Pascal ù l’abbé de Saint-Cijran, Pascal définit le miracle « un effet qui excède la force des moyens qu’on y emploie », parce qu’alors l’effet ne peut se rapporter qu’à la cause première. Ainsi on n’appelle pas « miracles » les effets que produit le diable, « car cela n’excède pas la force naturelle du diable ». Fr. 804.

b. De la valeur probante du miracle. — « Toute la créance sur les miracles. » Fr. 805. Ils sont une des « trois marques de la religion » avec « la perpétuité et la bonne vie » et l’un des « deux fondements de la foi », l’autre étant « la grâce », « l’un intérieur, l’autre extérieur : tous deux surnaturels » ; les miracles sont la figure de la grâce : « Ils prouvent le pouvoir que Dieu a sur les cœurs par celui qu’il exerce sur les corps. » Fr. 851. Marques de la religion, « les miracles ont une telle force qu’il a fallu que Dieu ait averti qu’on n’y pense point contre lui, tout clair qu’il soit qu’il y a un Dieu, sans quoi ils eussent été capables de trou bler. » Fr. 850. « Si vous ne croyez en moi, disait Jésus-Christ aux Juifs, croyez au moins aux miracles. » Fr. 839, cꝟ. 809 et 811. « Je ne serais pas chrétien, sans les miracles, dit saint Augustin. » Fr. 812.

Du miracle et de la prophétie, Pascal semble faire en même temps la raison de croire décisive ; il ne se con tredit pas cependant. En elïet, non seulement il

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