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    1. PASCAL##


PASCAL. LES PENSÉES, INSPIRATION GÉNÉRALE

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sous les complications de Filleau, il est possible de retrouver les lignes générales d’un plan ; « la parole de Pascal — tous les témoignages contemporains sont d’accord là-dessus — avait pour caractère de s’imprimer fortement et impérieusement dans la mémoire ; c’est ainsi qu’on a pu nous conserver les Trois discours sur la condition des grands », rédigés par Nicole, neuf ou dix ans après qu’ils furent prononcés, « et le célèbre Entretien avec M. de Saci ». Giraud, Filleau de la Chaise, Discours sur les Pensées, p. 202. Notes, p. 15 (3). Enfin, si un travail intérieur s’est produit en Pascal, les lignes générales indiquées par Filleau paraissent avoir été bien arrêtées en son esprit, d’autant plus que « les Pensées indiquent la marche de la méditation dans le sens même » de ces lignes générales. Cf. Janssens, La philosophie et l’apologétique de Pascal, tn-16, Paris, 1908, p. 94. « Le Discours…, écrit J. Chevalier, loc. cit., p. 165, n. 1, est un document de premier ordre », et V. Giraud. Revue bleue, 12 janvier 1922, p. 44, le dit, au témoignage de tous les pascalisants, « un document capital et celui peut-être qui nous offre la restitution la plus précise, la plus intelligente et la plus complète du dessein qu’avait conçu l’auteur des Pensées ».

Quant aux Pensées, elles offrent quelques indications, les unes générales : fr. 187, Ordre ; fr. 60, Première partie. Misère de l’homme sans Dieu ; Seconde partie, Félicité de l’homme avec Dieu… ; fr. 62, Préface de la première partie ; f r. 242, Préface de la seconde partie ; fr. 425, Seconde partie, Que l’homme sans la foi ne peut connaître le vrai bien, ni la justice ; les autres particulières : fr. 74, 291, 423, 433. Cf. Chevalier, loc. cit., p. 169, n. 2. Mais ce ne sont pas là des précisions suffisantes.

De l’ensemble des fragments, pour qu’une conclusion certaine pût être tirée, il faudrait être bien certain que tel fragment est de telle date, était destiné à V Apologie et non aux Provinciales, ou n’est pas une simple note de lecture, tâche évidemment impossible, ne serait-ce que par ce fait, que certains fragments ne sont qu’ébauchés.

2. Les solutions au problème du plan.

Sur les traces de Roannez, néanmoins, et d’après ces données, à la suite de Frantin et surtout de Faugère, plusieurs ont prétendu, avec plus ou moins de certitude et dans un détail plus ou moins grand, retrouver le plan même de Pascal : critiques, comme Sainte-Beuve, loc. cit., p. 418 sq. ; Vinet, Études sur Biaise Pascal, 4e édit., in-12, Paris, 1912, i, Du plan attribué à Pascal ; Maynard, Pascal, sa vie, son œuvre, son caractère, ses écrits, 2 in-8°, Paris, 1850 ; Nourrisson, Pascal physicien et philosophe, 2e édit., in-12, Paris, 1888 ; Hatzfeld, Pascal, collection des Grands philosophes, in-8°, Paris, 1901 ; Laporte, loc. cit., p. 267 ; éditeurs comme Astié, dans l’édition dite « protestante » des Pensées, 2 in-16, Paris et Lausanne, 1857 ; Rocher (chanoine), Pensées publiées d’après le seul vrai plan de l’auteur, in-8°. Tours, 1873 ; Molinier, loc. cit. ; Jeannin, Pensées…, in-12, Paris, 1883 ; Vialard (abbé), Pensées, in-16, Paris, 1886 ; Guthlin (abbé), Les Pensées disposées selon le plan primitif, in-8°, Paris, s. d. (1896). Cf. Maire, loc. cit., n. 144, 155, 158, 163, 164.

D’autres estiment vaine la tentative. « On ne restitue pas, disent-ils, ce qui n’a jamais existé, qu’à l’état de ruines », comme dit Chateaubriand ; les divergences entre les éditeurs « selon le plan de Pascal » le prouvent bien. Dès lors, les uns jugent possible de grouper les Pensées d’après le plan logique d’une Apologie religieuse au xvii c siècle, ainsi : Brunetière, Études critiques, Paris, 1885, Pascal, du problème des Pensées ; Boutroux, Pascal, 1900 ; Lanson, loc. cit. ; Droz, Éludes sur le scepticisme de Pascal, Paris, 1886 ; Giraud, Pascal, l’homme, et La vie héroïque de Biaise Pascal ; Janssens, loc. cit. ; Rauh, La philosophie de Pascal, dans

Annales de la Faculté de Bordeaux, 1892, n. 2, et Revue de métaphysique et de morale, avril-juin 1923.

D’autres ne tentent même pas cela. Plusieurs, comme Havet, jugeant « arbitraire » toute classification suivie des Pensées, s’en sont tenus au groupement artificiel de Port-Royal et de Bossut : ainsi, Gazier, Pensées, édition de Port-Royal, corrigée et complétée, Paris, 1907 ; Margival (abbé), Pensées, Paris, 1897. Cf. Maire, loc. cit., n. 173 et 167. G. Michaut, on l’a vii, qui donne, p. 88, un tableau comparatif des principaux plans proposés, a repris purement et simplement l’idée des Périer.

Le problème de l’inspiration générale.

Sur ce

point aussi, bien des divergences. Les Pensées sont « cette ébauche énigmatique sur laquelle les penseurs de tous les temps se sont penchés pour lui arracher un secret qu’elle a bien gardé ». Latreille, Joseph de Maistre et le jansénisme, dans Revue d’histoire littéraire, 1908, p. 421.

1. Les Pensées sont-elles l’expression d’un doute angoissé qui se fuit ? Un Pascal romantique. — Les Pensées montrent une volonté passionnée, angoissée même, de convaincre. Ce caractère, sensible surtout après la publication intégrale du texte, joint à la légende du pont de Neuilly, a fait imaginer un Pascal tragique, incrédule, torturé par le besoin de croire, mais incapable de se convaincre, croyant ensuite par l’imposition formelle de sa volonté, mais hanté par un doute épuisant. Les Pensées seraient son effort suprême pour sortir du doute.

C’est Chateaubriand qui a créé la légende d’un Pascal « qui douta sans cesse et qui ne se tira de son malheur qu’en se précipitant dans la foi ». Vie de Rancé, 1856, p. 400. Cf. Sainte-Beuve, Portraits contemporains, t. v, p. 214, qui rappelle ces mots de Chateaubriand sur Pascal : « Il s’est fait chrétien en enrageant ; il est mort à lapeine. Lutte du cœur et de l’intelligence. Son cœur parlait plus haut et faisait taire l’autre. C’est là sa vraie grandeur. » Mais c’est vraiment Cousin qui l’a répandue. « Sa raison, dit-il de Pascal, Des Pensées de Pascal, Paris, 1843, p. 158-161, ne peut pas croire, mais son cœur a besoin de croire. Le fond même de son âme est un scepticisme universel, contre lequel il ne trouve d’asile que dans une foi volontairement aveugle. Mais sa religion n’est pas le christianisme des Fénelon et des Bossuet, fruit solide et doux de l’alliance de la raison et du cœur…. C’est un fruit amer éclos dans la région désolée du doute, dans le souffle aride du désespoir. » Comme dit G. Brunet, Mercure de France, 15 juin 1923, Pascal poète, p. 591, tout le romantisme « se complut dans la propre image d’un Pascal assiégé par le doute, meurtrissant sa chair et son esprit rebelles pour les asservir à la foi » et ne trouvant pas le repos dans la foi.

Vainement, Vinet, loc. cit., c. vii, Du pyrrhonisme de Pascal, et appendice, Du livre de M. Cousin sur les Pensées de Pascal, Flottes, Études sur Pascal, Étude sur l’esprit de la foi de Pascal, in-8°, Montpellier, 1844, et surtout Droz, loc. cit., ont démontré que « le romantisme s’est trompé », comme dit G. Brunet, ibid. — Franck, Dictionnaire des sciences philosophiques, art. Pascal, Bouillier, Histoire de la philosophie cartésienne, 1868, c. xiv. Sur le pyrrhonisme de Pascal, Saisset, Le scepticisme : Œnésidème, Pascal, Kant, 1865, ont repris avec plus ou moins d’atténuation la thèse de Cousin. Et en 1880, Lemaître, dans le sonnet connu de ses Médaillons, fait encore de Pascal un sceptique assoiffé de croyance et qui s’affaisse épuisé au pied de la croix ; en 1890, dans la Revue des Deux Mondes, t. v, ]). 761-795, Sully-Prudhomme, Le pyrrhonisme, le dogmatisme et la foi dans Pascal, dit la même chose ; en 1908, J. Latreille. loc. cit.. p. 421, se demande : « A quel prix cette âme a-t-elle conquis la foi ? Dans