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2105 PASCAL. QUESTIONS POSEES PAR LES PROVINCIALES

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Lettres provinciales publiées par le secrétaire de PortRoyal contre les RR. PP. de la Compagnie de Jésus sur le sujet de la morale desdits Pères, in-12, Liège, 1658, recueil de toutes leurs réponses avant 1658. Dans son arrêt contre les Provinciales, le parlement de Provence parle de « calomnies contre les jésuites ». Dans les Entretiens de Clitandre et d’Eudoxe sur les lettres du provincial, le jésuite Daniel soutient la même thèse. J. de Maistre, Œuvres complètes, 14 in-8°, Lyon, 18841886, t. iii, p. 61 sq., juge avec la plus extrême sévérité « les belles menteuses ». Chateaubriand dira : « Pascal n’est qu’un calomniateur de génie ; il nous a laissé un mensonge immortel », Études ou discours historiques, t. iv, 'ter des Œuvres complètes, édit. de 1831, p. 448 : il est vrai qu’en 1829, Lettre du 23 mars, il écrira : « Je suis obligé de reconnaître qu’il n’a rien exagéré », Revue des revues, t. xvi, p. 118. Dans son livre, Les Provinciales publiées sur la dernière édition revue par Pascal avec les variantes des éditions précédentes et leur réfutation consistant en introduction et nombreuses notes historiques, littéraires, philosophiques et théologiques, 2 in-8°, Paris, 1851, Maynard, textes en main, soutient que Pascal a calomnié les jésuites qu’il a cités. Rendant compte du livre Le chemin de velours, où Remy de Gourmont prend le parti des jésuites, P. Lasserre conclut, Pascal et les jésuites, dans Mercure de France, 1903, t. xlvi, p. 651 : « Comment ne pas présumer que toutes les maximes ineptes ou cyniques mises sur le compte des casuistes sont, pour plus que moitié, l’invention de Port-Royal ? Nicole et Arnauld font plaider un grand avocat sur des pièces truquées. Le grand avocat n’y regarde pas de trop près. Il renchérit de toute son insolence. » Cf. A.Feugère, Bourdaloue, in-12, 1874, p. 322.

Mais Pascal affirme solennellement : « Je puis dire devant Dieu qu’il n’y a rien que je déteste davantage que de blesser tant soit peu la vérité, que j’ai toujours pris un soin très particulier, non seulement de ne pas falsifier, ce qui serait horrible, mais de ne pas altérer ou détourner le moins du monde le sens d’un passage. » IIe Provinciale, t. v, p. 322. Cette attitude était prudente ; d’ailleurs, au début de la 72e Provinciale, après avoir relevé les accusations dont le chargent ses adversaires, il dit : o II n’est pas vraisemblable que, n'étant soutenu que par la vérité et la sincérité, je me sois exposé à tout perdre, en m’exposant à être convaincu d’imposture. »

Tous acceptent « la bonne foi de Pascal… en ce qui concerne l’exactitude et la fidélité de ses citations ». Chevalier, Pascal, p. 125. « On lui fournit des passages faux et tronqués qu’il employa sans vérification et sans contrôle, dit Maynard, loc. cit., t. i, p. 42. Il eût été ainsi calomniateur sans le savoir. — Mais il n’y a pas à tenir compte d’une historiette, bien connue : Mme de Sablé ayant demandé à Pascal s’il était bien sûr de tout ce qu’il disait dans ses Lettres, ce dernier aurait répondu : » C’est à ceux qui me fournissent des mémoires de prendre garde. » Sainte-Beuve, loc. cit., t. iii, p. 142, et t. v, p. 78. Elle est racontée par le jésuite Daniel dans ses Entretiens, ce qui permet à Voltaire d'écrire : « Pascal n’avait lu aucun des livres dont il se moque. » Éd. cit., t. xxvi, p. 302. Pascal, au fait, s’est privé de cette excuse quand il affirme : « On me demande si j’ai lu au moins tous les livres que je cite, je réponds que non…, mais j’ai lu deux fois Escobar tout entier… ; pour les autres, je les ai fait lire par de mes amis, mais je n’ai pas employé un seul passage sans l’avoir lu moi-même dans le livre cité, et sans avoir examiné la matière sur laquelle il est avancé, et sans avoir lu ce qui précède et ce qui suit, pour ne pas m’exposer à des erreurs reprochables et injustes. » Sainte-Beuve, loc. cit., p. 144.

C’est une question de textes. Des « falsifications » que

cite Maynard, voici les principales. Cf. Chevalier, loc. cit., p. 125, n. 1 :

4° Provinciale, p. 253 ; Maynard, t. i, p. 163, n. 1 ; citation de Bauny sur ce que l’ignorance du droit excuse du péché, arrêtée à une virgule, alors que la suite précisait « d’une manière fort raisonnable », dit Maynard, en quels cas cette ignorance peut exister. Mais les jan sénistes n’acceptent pas qu’en aucun cas l’ignorance du droit soit une excuse et Pascal veut simplemenl montrer qu’en cela ils sont d’accord avec Aristote. — 5e Provinciale, p. 307 ; Maynard, ibid., p. 233, n. 1 : la fatigue née du crime dispense-t-elle du jeûne ? Oui, fait dire simplement Pascal à Filiutius, alors que Filiutius dit qu’un tel homme aurait péché, « par la mauvaise fin qu’il s’est proposé ». « Pour le coup, s'écrie Maynard, voilà Pascal pris en flagrant délit de falsification. » Est-ce bien exact ? La réserve de Filiutius importe peu dans la question posée : facilité avec laquelle les casuistes dispensent du jeûne. — - Ibid., p. 313 ; Maynard, ibid., p. 243, n. 1 : d’après Pascal, Laymann autorise un docteur à donner à un cas de conscience une solution qu’il juge fausse, mais plus agréable à celui qui le consulte. Or, Laymann dit spéculativement fausse. Mais Pascal n’admet en aucun cas cette distinction de la spéculation à la pratique. Cf. 13e Provinciale, p. 32, où il s’appuie pour nier la distinction sur ce passage d’Escobar : « On peut en sûreté de conscience suivre dans la pratique les opinions probables dans la spéculation. » — 6e Provinciale, t. v, p. 34 ; Maynard, loc. cit.. p. 268, n. 1 : Pascal fait dire à Diana qu’il lui est loisible de soutenir comme probable telle opinion contraire aux décisions de trois papes, parce que la négative d’une opinion probable est probable elle-même. Or, Pascal commence la phrase à une virgule, omettant cette proposition : » ou ces réponses des papes ne sont pas authentiques », « omission coupable », dit Maynard. Mais cette omission ne change rien au sens général. — 7e Provinciale, ibid., p. 90 ; Maynard, ibid., p. 322, n. 1 : Pascal affirme que Iiurtado autorise, en telles circonstances, le duel. Or, si Hurtado dit cette opinion probable, c’est spéculative. On a vu plus haut pourquoi Pascal juge nul ce correctif. — 9 « Provinciale, ibid., p. 197 ; Maynard, ibid., p. 416, n. 1 : Pascal groupe des membres de phrases exacts, tirés de la Dévotion aisée et des Peintures momies du P. Le Moyne, de façon à rendre grotesque le dévot qui s’en tient à ces livres. — Ibid., p. 207-208 ; Maynard, ibid., p. 428, n. 1 et 430, n. 1 : Pascal insinue, d’une part, que le P. Bauny excuse de toute faute « certaines petites privautés », pourvu qu’il y ait honnête direction d’intention, alors que Bauny est beaucoup moins large ; d’autre part, l’accuse de soutenir que lis filles ont le droit de disposer de leur virginité sans l’aveu de leurs parents, alors que Bauny discute cette question : Les parents ont-ils le droit d’exiger une compensation en argent, quand leur fille s’est livrée ? 10e Provinciale, ibid., p. 256-257 ; Maynard, t. ii, p. 48 sq., n. 1 : d’une parole de Filiutius, Pascal conclut à propos des dispositions requises pour l’absolution : « ainsi les confesseurs n’auront plus le pouvoir de se rendre juges de la disposition de leurs pénitents, puisqu’ils sont obligés de les croire sur leur parole, lors même qu’ils ne donnent aucun signe suffisant de douleur ». Il ne tient pas compte de deux propositions qui précèdent, d’après lesquelles l’attitude passive du confesseur ne saurait être qu’exceptionnelle. Mais, avec les principes de Port-Royal sur le sacrement de pénitence, Pascal devait trouver criminel que, même une seule fois, fût autorisée une telle attitude du confesseur. — 10e Provinciale, ibid., p. 270 ; Maynard, ibid., p. 36, n. 1 : « La doctrine du P. A. Sirmond — sur l’obligation qu’il y a d’aimer Dieu — dit Maynard, bien que certainement fausse, a été dénaturée par Pascal. » Suivant un