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2101 PASCAL. QUESTIONS POSÉES PAR LES PROVINCIALES 2102

Meurs propositions et, le 16 juillet, l’ensemble de l’Apologie, mais cette condamnation ne fut publiée que le 19 octobre et avec cette adjonction : « Cette censure ne signifie pas une approbation des Provinciales. Le 27 novembre, censure de l’Apologie par les vicaires généraux de Paris. Le 21 août 1659, un décret du Saint-Office, signé d’Alexandre VII, la condamne à son tour. Le général des jésuites n’avait pas attendu ce moment pour interdire à ses Pères de défendre le livre incriminé. Cf. Septième écrit des curés de Paris ou journal de ce qui s’est passé tant à Paris que dans les provinces sur le sujet de la morale et de l’Apologie…, 1659. Voir les extraits du 7e Factum. n. cxxi, Appendice aux écrits contre l’Apologie des casuistes, t. viii, p. 85-112 ; et l’art. Laxisme, col. 13-34.

6° Les Provinciales condamnées, 1657-1660. —.Jans le même moment les Provinciales elles aussi étaient condamnées.

Le 9 févrie- 1657, le parlement d’Aix condamnait « à être brûlé s » dix-sept Lettres, « imprimées sans nom d’auteur, i i d’imprimeur, remplies de calomnies, faussetés, suppo itions et diffamations contre la faculté de la Sorbonne, es dominicains et jésuites pour les jeter dans le mépris ». Ce sont les 16 premières Provinciales et une Lettic au P. Annal sur son écrit qui a pour titre : La bonne foi des jansénistes, du P. Fronteau, génovéfain. Cet arrêt fut connu à Paris en mars. N. ci, t. vi, p. 375-378.

Le 6 septembre, l’Index condamnait les 18 Provinciales " en langue française », la Lettre d’un avocat et les ouvrages d’Arnauld depuis la Lettre à une personne de condition, — la dernière était : Écrit sur la faillibililé des papes et des conciles louchant les faits non révélés, août, Œuvres, t. x, p. 705-718, — et défendait d’ajouter foi à la brochure Avis des consulteurs. N. cvii, t. vii, p. 231. Ce décret ne fut connu à Paris qu’en décembre.

Pourquoi les Provinciales furent-elles condamnées ? Arnauld, Difficultés proposées à M. Steyært, 1691, difꝟ. 94, 3e ex.. Œuvres, t. ix, p. 286, juge que ce fut parce qu’elles parurent sans nom d’auteur, sans approbation, ni indication d’aucune sorte, écrites en langue vulgaire et par là diminuant pour tous un ordre religieux. Mais les Écrits des curés rééditant en langue vulgaire les Provinciales ne furent pas mis à l’index. Ne serait-ce pas d’abord en raison du fond dogmatique des Provinciales ? Il est vrai que la traduction latine de Wendrock n'était pas atteinte.

Enfin, en septembre 1659, au passage du roi à Bordeaux, le parlement de cette ville, sollicité de condamner Wendrock qui avait du succès, demanda l’avis de la faculté de théologie qui déclara le livre exempt d’hérésie, 6 juin 1600. Le parlement se récusa donc, mais une commission de quatre évêques et de neuf théologiens désignés par le roi ayant jugé au contraire le livre, les notes et les disquisiiions qui l’accompagnaient infectés de l’hérésie janséniste, le 23 septembre, le conseil du roi condamna le livre à être brûlé. N. clx, t. x : introd., p. 15-18 ; texte, p. 19-21 ; appendice, p. 22-25.

Questions posées par les Provinciales.

1. Pascal

peut-il en être dit l’auteur ? — « Étant seul contre un si grand corps », disait Pascal aux jésuites, 12e Provinciale, t. v, p. 362 ; le P. Annat s'était moqué de cette plainte : autour du Secrétaire du Port-Royal, il voyait quarante solitaires au travail ; cf. t. vii, p. 7. Étant donnés la quantité des matériaux mis en œuvre, les problèmes soulevés, les nuances théologiques à préciser, la rapidité avec laquelle se succédèrent les Provinciales, de toute nécessité, quelle qu’ait été la puissance d’assimilation de Pascal, il eut des collaborateurs. « Pascal n’est guère, dit J. Laporte, La doctrine de la grâce chez Arnauld, avertissement, p.xii,

comme les jésuites ne se sont pas privés de le lui dire, qu’un secrétaire génial à la vérité : pour chaque lettre, l’idée directrice, le plan, les arguments, les citations et souvent les traits même ou les métaphores lui sont fournis par le cénacle dont il défend la cause, que tout le monde, en dépit de ses précautions, devine derrière lui, et qui, précisément en raison de cela, n’aurait garde de laisser passer dans des écrits si universellement répandus la plus petite phrase de nature à déformer et, par suite, à compromettre la vérité. » Ses principaux collaborateurs et guides furent Nicole et Arnauld, dont la Théologie morale des jésuites, extraite fidèlement de leurs œuvres, 1643, 2e édit., 1644. Œuvres, t. xxix, p. 74-172, lui fournit, en citations et en références, la plus grande partie de la matière des Provinciales. « Pascal n’eut à ajouter que des passages de casuistes édités après 1644, Diana, Caramuel, Lessius, que ses amis dépouillèrent et Escobar qu’il lut lui-même deux fois. » Lanson, Grande encyclopédie, art. Pascal ; cf. pour le détail, Michaut, Les époques de la pensée de Pascal, 2e édit., in-8°, Paris, 1902, p. 128, n. 1, et Brunschvicg, Introduction à chaque Provinciale : les Sources.

Pascal peut cependant être dit l’auteur des Provinciales, car, si les matières lui sont fournies, s’il est guidé, soutenu, contrôlé, il a mis en tout sa marque personnelle. « De quatre, réflexions éparses, dit G. Lanson, il a fait une cinquième lettre et d’une ligne et tienne, il a tiré trois pages foudroyantes de la dixième. «  lbid.

2. Pascal a-t-il usé de la restriction mentale ? — Il a dit : « Je ne suis pas de Port-Royal », 16e Provinciale, p. 258-259, 17e, p. 342. « Si toutes les Provinciales, dit Sainte-Beuve, étaient vraies comme cette assertion, il ne faudrait pas s'étonner que de Maistre ait mis à côté du Menteur de Corneille ce qu’il appelle les Menteuses de Pascal. Et Brunetière, Provinciales, Lettres i, iv, xiii et extraits, in-16, Paris, 11e édit., 1918. p. xiv : « Quand c’est Voltaire qui retourne ainsi leurs propres armes contre ses adversaires, on peut, si l’on veut, n’y voir qu’une feinte habile ; mais jamais je ne m’habituerai à pallier d’une semblable façon l'équivoque où Pascal a eu le tort de se jouer. » Semblable ment Havet, Les Provinciales, 2 in-8°, Paris, 1887, p. 212 : « Si Pascal n’est pas à la lettre et absolument de Port-Royal, il l’est par bien des points ; il l’est surtout par le cœur. S’abaisser à une telle équivoque doit affaiblir la force de son réquisitoire contre les restrictions mentales. »

Diverses explications ont été tentées dont aucune n’est satisfaisante : — Pascal se sentait tellement différent de Port-Royalqu’il pouvait dire en toute sincérité n’en être pas. Ainsi : Stapfer, Une contribution à l’histoire religieuse de Port-Royal, dans Revue des Deux Mondes, 15 novembre 1908, p. 321 ; Jovy, loc. cit., p. 7 et 8. M. Blondel, Le jansénisme et l’anlijansénisme de Pascal, dans Revue de métaphysique et de morale, 1923, p. 144, dira encore : « Est-ce chez lui sentiment profond d'être autre que ses amis ? » Mais cette explication se heurte à ce fait que Pascal voulait être de Port-Royal et, qu’en fait, dans les Provinciales, il n'était guère que le secrétaire de Port-Royal.

C’est l'énoncé littéral d’un simple fait, disent quelques-uns, et non subterfuge. Ainsi A. Gazier, Histoire générale du mouvement janséniste, t. i, p. 74, fait sienne l’explication de Besoigne, Histoire de PortRoyal, t. iv, p. 158 : » On était de Port-Royal sans en être ; on en était étant d’ailleurs. Ce n'était qu’une confraternité de personnes dispersées, lesquelles ne se connaissaient même pas. » M. Brunschvicg, Œuvres, t. iv, p. xxxiii, n. 4, donne cette traduction qu’approuve J. Laporte : « Je ne suis pas de ceux auxquels on pense, amis ou ennemis, lorsque l’on parle de Port-