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PASCAL. LES PROVINCIALES


corps perdu dans la question du Formulaire, puis il s’en retire. Il renonce complètement aux mathématiques ; cf. Lettre à Fermât, du 10 août 1660, n. clviii, t. x, p. 4-0, où, d’Auvergne, il se refuse à la proposition de ce mathématicien de se rencontrer en faisant chacun la moitié du chemin. S’il s’occupe d’inventions pratiques, — non de la brouette, qu’il n’a pas imaginée, cf. Allix, Pascal et la brouette, dans Journal des Débats, Il janvier 1923, ou du haquet, cf. Jovy, Pascal n’a pas inventé le haquet, Paris, 1923, — mais des carrosses à cinq sols pour les transports en commun, inaugurés le Il mars 1662, c’est pour employer les bénéfices à soulager la misère du pays de Blois ; cf. Lettre de Mme Périer pour M. Arnauld de Pomponne, 21 mars 1662, n. clxxvi, t. x, p. 269-281, et l’appendice, Les inventions de Pascal et de Roannez, p. 281284. Sa foi, sa charité, cf. Jovy, La pauvresse de Pascal, in-8°, Vitry-le-François, 1908, sa piété, sa résignation, font de ses dernières années un effort « vers la sainteté > » ; Giraud, loc. cit., liv. IV. Le 4 juillet 1662, sa maladie s’aggravant, il appellera le curé de Saint-Étienne-du-Mont ; le 17 août, il entrera en agonie ; le 19, il mourra ; le 21, il sera inhumé à Saint-Étiennedu-Mont. Jacqueline était morte le 4 octobre 1661.

Il mourait d’une obstruction des entrailles « à l’humeur mélancolique », dit Guénault, son médecin. « L’estomac, le foie, l’intestin étaient gangrenés », dit Noèl Vaillant qui fit l’autopsie ; cf. docteur Just-Navarre, Les médecins de Pascal, in-8°, Lyon, 1914, et Recueil d’Utrecht, in-12, 1740. Les médecins modernes qui ont étudié la question sont loin d’être d’accord ; cf. Maire, t. v, p. 61-83.

7° Œuvres de Pascal non encore citées et de date plus incertaine. — 1. Abrégé de la vie de Jésus-Christ, n. clxxxii, t. xi, p. 1-94, d’après la Séries vitee Jesu Christi juzta ordinem lemporum, qui sert d’appendice au Tetrateuchus de Jansénius ; cf. Lhermet, loc. cit., p. 112-119, qui propose pour date de 1646 à 1649. — 2. Écrits et fragments sur la grâce, n. clxxxiii, ibid., p. 95-295, où, dit Nicole, Traité de la grâce générale, I re partie, Discours qui peut servir de préface, p. 2, « il eût voulu rendre la doctrine de la grâce efficace si plausible qu’elle soit proportionnée au goût de toutes sortes d’esprits ».

II. Les Provinciales (t. iv, v, vi, vu). — 1° Origine. 2° Publication. 3° Premières éditions et traductions ; 4° Histoire et analyse. 5° L’apologie des casuisles et les écrits des curés. 6° Les Provinciales condamnées. 7° Questions posées par les Provinciales.

Origine.

Les Provinciales se rattachent aux

luttes entre molinistes et jansénistes ; plus immédiatement aux luttes de Port-Royal autour des Cinq propositions et, dans ces luttes, aux affaires de Saint-Sulpice et de Sorbonne.

La bulle Cum occasione du 31 mai 1653, reçue par le roi le 4 juillet, par l’Assemblée du clergé le 11, par la faculté de théologie le 1 er août, a condamné les Cinq propositions. Les port-royalistes se sont réfugiés dans la distinction du droit et du fait : ils condamnent les propositions de Nicolas Cornet, mais, disent-ils, si la première est dans l’Augustinus, ce n’est pas au sens condamné et les quatre autres n’y sont pas. Vainement les évêques réunis à Paris, le 9 mars 1654, Innocent X, le 29 septembre, affirment-ils que les Cinq propositions sont bien dans Jansénius ; les port-royalistes s’obstinent.

Le 31 janvier 1655, l’abbé Picoté de Saint-Sulpice, sous l’inspiration de M. Olier, qui n’a pas publié en 1652 la condamnation par l’archevêque de Paris du jésuite Brisacier, auteur d’un pamphlet contre les religieuses de Port-Royal, refuse l’absolution au duc de Liancourt, protecteur impénitent des jansénistes. Sa petite-fille est élevée à Port-Royal ; il abrite chez lui

deux jansénistes notoires, le P. Desmares, de l’Oratoire, et l’abbé de Bourzéis qui a publié en 1652 un Saint Augustin victime de Calvin et de Molina. Protestation d’Arnauld par la Lettre d’un docteur de Sorbonne à une personne de condition sur ce qui est arrivé depuis peu dans une paroisse de Paris à un seigneur de la cour, à Paris, MDCLV, datée du 24 février : fils soumis de l’Église, condamnant avec elle les Cinq propositions, les disciples de Jansénius ne doivent pas être traités en révoltés ; cf. Œuvres complètes d’Arnauld, t. xix, p. 311-334. Huit réponses parurent, puis celleci : Réponse à quelques demandes dont l’éclaircissement est nécessaire au temps présent, par le P. François Annat, confesseur de Sa Majesté, 55 p. in-4°, datée du 26 mai 1655 : les jansénistes sont hérétiques, dit en substance le P. Annat, puisqu’ils professent sur la grâce les théories de Calvin. En juillet, Seconde lettre de M. Arnauld, à un duc et pair de France (Luynes, ami de Liancourt) pour servir de réponse à plusieurs écrits qui ont été publiés contre sa première lettre, 254 p. in-4° ; cf. loc. cit., p. 335-560. Arnauld maintient la distinction du fait et du droit, mais, répondant à cette proposition d’Annat « que la grâce intérieure, nécessaire à notre volonté afin qu’elle puisse vouloir ce que Dieu exige d’elle, ne lui manque jamais dans l’occasion où elle pèche », il oppose le fait du reniement de Pierre et il conclut que la grâce indispensable au juste pour persévérer ne lui est pas toujours accordée.

Il réédite ainsi la première des Cinq propositions. A ses adversaires, cette occasion parut excellente pour en finir avec le jansénisme, « pour s’assurer par un coup de vigueur l’appui de la faculté de théologie, tribunal permanent de la doctrine ». Sainte-Beuve, loc. cit., p. 32. « L’affaire dirigée par le P. Annat, dit un admirateur de Port-Royal, fut conduite avec une rapidité inconnue. » Gazier, loc. cit., t. i, p. 101. Le syndic, Claude Guyot, dénonce à la Sorbonne la Seconde lettre ; une commission de six docteurs, dont Nicolas Cornet, en extrait, tout comme de l’Augustinus, cinq propositions, quatre concernant le fait, la dernière, le droit. De nombreux docteurs étant partisans d’Arnauld, quarante moines mendiants, tous anti jansénistes, appelés à siéger, reçoivent chacun, malgré le règlement, protestera Arnauld, mais ce qui a des précédents, voix délibérative. Le 10 décembre la faculté aborde la question du fait. Arnauld ne se présente pas, mais il a envoyé un mémoire justificatif, cf. loc. cit., t. xix, n. vii-viii ; ses partisans le défendent avec ardeur, mais, le 14 janvier 1656, cent-trente docteurs, contre soixante-et-onze et quinze abstentions, le condamnent sur la question du fait et la condamnation est considérée comme acquise bien que, habituellement, l’unanimité morale fût cherchée. Cf. Gazier, loc. cit. ; Maynard, Les Provinciales, t. i, p. 112.

Le même jour, la Sorbonne entame la question de droit : Arnauld a-t-il réédité une erreur doctrinale condamnée, à propos du reniement de saint Pierre ? Dans un mémoire du 15 janvier, loc. cit., n. xi, p. 666667 et 668 sq., celui-ci affirme que ses termes reproduisent ceux de saint Chrysostome et de saint Augustin et que, dans sa pensée, si Pierre a été dépourvu de grâce au moment critique, ce fut, non de toute grâce actuelle, mais de la grâce qui confère le pouvoir immédiat et complet de vaincre. Malgré cela, il ne peut guère espérer. La cour veut la paix religieuse ; c’est le chancelier Séguier qui présidera les débats. Le 18, pour empêcher l’obstruction que pratiqueraient volontiers les partisans d’Arnauld, Scguier fait limiter à une demi-heure le temps où chaque docteur pourra justifier son vote. Que faire ? Il reste l’appel à l’opinion des honnêtes gens ; si on la gagne, peut-être empêchera-t-elle la condamnation ; en tous cas, elle en comprendra l’injustice. Mais de gagner les honnêtes gens, cela revient