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PASCAL II. LUTTE AVEC HENRI V
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stigmatisa une nouvelle fois l’empereur et ceux qui ne tiendraient pas compte des condamnations ecclésiastiques. Le schisme (allemand) y fut déclaré une des plus graves hérésies. Chronique d’Ekkehard, ibid., col. 986.

Le pape s’ancrait d’ailleurs de plus en plus dans l’idée que l’investiture laïque, qui était au point de départ de la lutte entre l’empereur et le Saint-Siège, était la cause principale des maux dont l’Église avait souffert. La réforme grégorienne avait, on le sait, des visées beaucoup plus larges ; Pascal semble n’en avoir guère retenu que ce point. Et ce n’était pas seulement pour l’Allemagne qu’il insistait. Plusieurs lettres de cette époque se réfèrent aux difficultés anglaises, Jafîé, n. 5868, 5928, 5929 ; elles témoignent d’une pareille intransigeance.

Seule la disparition de l’empereur excommunié pourrait ramener la paix. Pascal n’hésitait donc pas à lui créer des difficultés, à lui aussi bien qu’à ses partisans. Voir la lettre du 21 janvier 1102 à Robert, comte de Flandre, le remerciant d’avoir exécuté Cambrai, et lui demandant de mener la vie dure aux gens de Liège. Jafîé, n. 5889 ; cf. l’adresse au pape de Sigebert de Gembloux à l’occasion de cette lettre, Codex Udalrici, n. 113, dans Jafîé, Biblioth. rerum germ., t. v, p. 201225. Même note sévère à l’endroit des partisans de l’empereur, dans une lettre du 2 février 1104. Jaffé, Regeskt, n. 5970. La situation d’Henri IV, d’ailleurs, devenait de plus en plus inquiétante à la fin de 1104 : son fils Henri V, qu’il avait fait couronner roi des Romains à l’Epiphanie de 1099, se révoltait ouvertement et groupait autour de lui tous les mécontents de l’Allemagne ; en même temps il se rapprochait du Saint-Siège et déclarait ouvertement qu’il ne se séparait de son père que pour terminer les affaires ecclésiastiques au mieux des intérêts de l’Église. Sur le synode tenu à Nordhausen, à la Pentecôte de 1105, voir Ekkehard, Chronicon, col. 991 sq. Les décisions prises à Nordhausen ne restèrent pas lettre morte. Dans les mois qui suivirent, les évêques impérialistes furent chassés de leurs sièges et remplacés par des évêques fidèles au pape. C’était, en Allemagne, la fin du schisme. A la fin de l’année, Henri IV abdiquait, non sans avoir essayé d’abord de mettre le pape de son côté. Codex Udalrici, n. 120, p. 230. Au printemps de 1106, à la vérité, il retirait son abdication, en appelait au pape de l’indigne conduite de son fils. Une fois de plus la guerre civile recommençait et une grande bataille allait se livrer dans la région située entre Liège, quartier général du père, et Aix-la-Chapelle où le fils rassemblait ses forces, quand Henri IV mourut après une courte maladie, le 7 août 1106, ayant reçu d’ailleurs les sacrements de l’Église. La sépulture ecclésiastique régulière lui serait d’ailleurs refusée jusqu’en 1111. C’est alors seulement que son corps reçut dans la cathédrale de Spire sa sépulture définitive.

2° Pascal II et Henri V. Premiers rapports (11061110). — Il pouvait sembler que la disparition du vieux souverain et l’avènement de son fils marqueraient la fin de la querelle du Sacerdoce et de l’Empire par un règlement de la question des investitures. Tous les gestes faits par Henri V au cours de l’année 1105 avaient été empreints de la plus grande bienveillance, disons même de la plus grande humilité, à l’endroit de l’Église et du Saint-Siège. Or, à peine le nouveau roi sera-t-il le maître incontesté, qu’il reprendra, mais avec une ténacité plus grande, la politique paternelle. D’ailleurs cette question des investitures, sur laquelle on se butait de part et d’autre, fourmillait de malentendus. Le souverain temporel voyait dans l’abandon d’une pratique plusieurs fois séculaire la renonciation à un droit essentiel de la couronne, au seul moyen par lequel se constatait de manière tangible que le pouvoir temporel des dignitaires ecclésiatiques était une délégation du sien.

Les gens d’Église, de leur côté, imbus désormais des idées grégoriennes, s’obstinaient à voir dans "l’investiture laïque » une usurpation du pouvoir ecclésiastique par le pouvoir civil. Cette idée de transmettre des « droits spirituels » par une intervention séculière, ils la dénonçaient comme hérétique, alors que le geste traditionnel pouvait recevoir une autre interprétation. Bien rares étaient ceux qui, comme Yves de Chartres, arrivaient, au milieu de ce cliquetis d’opinions, à conserver leur sang-froid et à peser avec équité les droits respectifs du Saint-Siège et des couronnes.

Pascal II, lui, se raidissait de plus en plus sur la question. On le vit bien à la première prise de contact entre lui et Henri V, à l’automne de 1106. Au concile réuni à Guastalla (entre Parme et Mantoue), le 22 septembre, des envoyés du roi étaient présents. Il s’agissait d’assurer, par des mesures opportunes, la pacification religieuse de l’Allemagne ; le pape y montra une grande condescendance, il fut entendu que les évêques consacrés durant le schisme seraient admis à continuer leurs fonctions, pourvu qu’ils n’eussent été ni intrus ( inuasores), ni simoniaques, ni criminels (criminosi), et de même les clercs de tous ordres qui se trouveraient être de bonne vie et mœurs. Mais, en même temps, le concile renouvelait la défense faite aux laïques de donner l’investiture. Mansi, Concil., t. xx, col. 1209 ; cf. Jafîé, Regesta, p. 726, après le n. 6094. Nonobstant cette interdiction, Henri V ne laissa pas de suivre les vieux errements. Voir dans Hauck, Kirchengesch. Deutschlands, t. iii, p. 892, n. 4, un certain nombre d’exemples. Et, au printemps suivant, il envoyait au pape une députation chargée de maintenir ses droits. C’est en France qu’elle rejoignit Pascal.

Depuis le début de cette année, en effet, le pape parcourait ce pays ; il y était venu, dit Suger, ut regem Francorum (Philippe I er) et filium regem designatum Ludnvicum (Louis le Gros) et Ecclesiam gallicanam consuleret super quibusdam molestiis et novis investitures ecclesiastidf querelis, quibus eum infestabat et magis injestare minabatur Henricus imperator. Vita Ludovici Grossi, c. ix, P. L., t. clxxxvi, col. 1267. C’est à Châlons-sur-Marne qu’il fut rejoint par les envoyés du roi des Romains, dont l’archevêque de Trêves était le porte-parole. Les deux thèses impériale et pontificale s’alïrontèrent ; les Allemands s’emportèrent au point de déclarer que « la réponse qu’ils attendaient, ils iraient la chercher à Rome, mais à la pointe de leurs épées ». On eut bien de la peine à les calmer. Suger, ibid., col. 1270. Quelques jours plus tard, rassemblant à Troyes un nombreux concile (universale concilium, dit Suger), le pape y prenait position, avec une netteté sans pareille, contre l’investiture laïque : Qui ab hora inveslituram episcopalem seu aliquam spirilualem dignitatem a laicali manu susceperit, si ordinalus fuerit, deponatur, simul et ordinator ejus. Il renforçait en même temps les autres articles de la réforme grégorienne. Texte dans Mansi, Concil., t. xx, col. 1217 sq. ; cf. Jafîé, Regesta, p. 730, après le n. 6136.

Ainsi, une nouvelle fois, la lutte était déclarée entre les deux pouvoirs. Les menaces de Pascal ne restaient pas vaines ; quelques-uns des hauts dignitaires ecclésiastiques allemands étaient frappés dans les mois qui suivirent. Hauck, loc. cit., p. 895. Quant au roi, on lui donnait un délai d’un an pour venir s’expliquer à Rome et ventiler la question dans un concile général. Ekkehard, Chronique, col. 1017-1018, A Bénévent, d’ailleurs, à l’automne de 1108, le pape, en un synode plus restreint, renforçait les mesures prises à Troyes : Constituit ut quicumque inveslituram Ecclesiee vel ecclesiasticam dignitatem de manu laici acceperit et dans et accipiens communione privetur. Jaffé, Regesta, p. 735, après le n. 6205. Même pénalité portée au concile du Latran, 7 mars 1110. Ibid., p. 740, après le n. 6257.