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PARISOT


bre 1737 (sur visdelou, voir t. ix, col. 1724-1725). Encouragé par cette approbation, le P. Norbert entendit élargir ses attaques contre la Compagnie de Jésus : l’on sut bientôt qu’il préparait la rédaction de volumineux mémoires où il était à penser que les jésuites ne joueraient pas le beau rôle. Ceux-ci firent intervenir la cour de France et le cardinal de Tencin, pour empêcher la publication. Voir sur cette négociation les documents inédits, fournis par P. -A. Kirsch, Zur Geschichte der Zensurierung des P. Norbert, dans Theologische Quartalschrift, t. lxxxvi, 1904, p. 364-378 ; ces documents confirment, dans l’ensemble, ce que le P. Norbert écrira plus tard dans ses Lettres apologétiques. Ne pouvant se faire imprimer à Rome, le P. Norbert se transporte à Lucques, où les deux volumes de Mémoires paraissent, en français et en italien, avec toutes les approbations nécessaires des autorités locales, fin juillet 1744. Le capucin en fit immédiatement nommage à Benoît XIV, qui se défendit ultérieurement d’avoir reçu le livre en mains propres. Kirsch, loc. cit., p. 366, n. 3. Sur des plaintes très vives qui furent bien vite déposées, le pape, particulièrement irrité de ce que le P. Norbert avait fait figurer en tête de cette deuxième série de mémoires la lettre pontificale relative à la première série, déclara qu’il laisserait l’affaire suivre son cours devant le Saint-Office auquel l’ouvrage avait été dénoncé. La S. Congrégation rendit son jugement le 1 er avril 1745. Texte dans Analecta Juris pontificii, t. i, Rome, 1855, col. 1257-1260. Le livre était condamné soit en français, soit en italien. Les considérants longuement motivés insistaient particulièrement sur le fait que la publication était contraire aux règles antérieurement promulguées et relatives aux livres traitant des missions ; ils ajoutaient que « l’on ne pouvait pas permettre sans offense des bons et sans scandale des âmes que le livre jouît de la lumière publique ». Mais, toujours préoccupé de la répercussion possible de cette condamnation dans l’affaire des rites, que Benoît XIV venait de régler par la bulle Omnium sollicitudinum du 12 septembre 1744, le décret du Saint-Otfice ajoutait : « N. S. P. le pape interdit à toute personne d’inférer en aucune manière et de soutenir que la condamnation du P. Norbert renverse ou diminue en la moindre partie la constitution susdite, dont il requiert et prescrit la pleine observance de la part de tout le monde. »

A partir de ce moment, la vie du P. Norbert devient une longue série d’aventures dont le détail n’intéresse plus guère la théologie. Ses ennemis (et il en eut un peu dans tous les camps) aimeraient à le faire passer pour un apostat, ayant quitté son ordre sans permission régulière de ses supérieurs, ayant donné à diverses reprises, soit en Hollande, soit en Angleterre, soit en Allemagne, des gages aux calvinistes, aux jansénistes d’Utrecht, aux anglicans, aux luthériens, ayant vécu par ailleurs d’expédients plus ou moins avouables. Dans les volumineux mémoires et les apologies qu’il a multipliées, le P. Norbert publie de nombreuses pièces attestant que sa situation, pour extraordinaire qu’elle pût paraître, n’a jamais cessé d’être régulière. Seule une vérification systématique de toutes ces pièces permettrait des conclusions fermes. Toujours est-il que, le 24 avril 1759, le pape Clément XIII lui accordait un bref de sécularisation ; constatant que « le frère Norbert de Lorraine avait été contraint par de violentes persécutions de fuir jusqu’à présent d’un pays dans un autre, molesté et continuellement poursuivi pour des motifs dont le pape était parfaitement instruit », il l’autorisait à demeurer hors de son ordre et le mettait sous la juridiction de l’évêque de Toul. Texte de ce bref dans les Mémoires, édit. de 1766, t. iii, p. 134. Les capucins paraissent avoir conservé de bons rapports avec lui. L’abbé Parisot, qui d’ailleurs por tera plus volontiers désormais le nom de Platel, après avoir essayé de s’établir en Lorraine, puis à Paris, ne tarda pas à partir pour le Portugal où il secondera de tout son pouvoir la politique de Pombal, qui, après avoir fait expulser les jésuites (1759), s’attachait à les déshonorer. La lettre de l’abbé Platel sur l’exécution du jésuite Malagrida, 22 septembre 1761, jette un jour étrange sur la mentalité de son auteur, et c’est une mauvaise action. Platel ne tardera pas à quitter Lisbonne, en 1763 ; il dut séjourner quelque temps à Paris, où depuis 1764 les jésuites ne lui inspiraient plus de crainte. Il finit par rentrer en Lorraine, se retira aux environs de Commercv ; il mourut le 7 juillet 1769.

La volumineuse production littéraire de l’abbé Parisot est presque entièrement dirigée contre les jésuites, à l’exception de deux ouvrages d’inspiration plus sereine : Diurnat ù l’usage des marins, Marseille, 1742, rédigé lors de son voyage de retour en Europe, et La foi des catholiques, où on voit que les accusations portées contre eux ne proviennent que du peu de connaissance qu’on a du fonds de leurs principes et de l’esprit de leurs pratiques, Lisbonne, 1761, rédigé lors d’un assez long séjour à Wolfenbuttel, en 1759, et qui peut passer pour une apologie du catholicisme en face du protestantisme. Voir Mémoires, éd. de 1766, t. iii, p. 129 sq. En dehors de cela, tout le reste est ou défense personnelle ou diatribe contre les jésuites tournant à la manie. Voici les principales de ces productions : 1. Mémoires contenant différentes relations au sujet des disputes entre les missionnaires, 2 vol., Lucques (en réalité Avignon), 1742. — 2. Oraison funèbre de M. de Visdelou, évêque de Claudiopolis, Cadix (en réalité Avignon), 1742, insérée aussi dans les Mémoires, édit. de 1766, t. ii, 2e partie, p. 107-173. — 3. Mémoires historiques sur les missions des Indes orientales, 2 in-4°, Lucques, 1744, condamnés par le décret du 1 er avril 1745. Ces Mémoires ont été successivement augmentés. D’après un avis qui se lit en tête de la 3e édition, il y aurait eu une 2e édition à Paris, qui suivit de près la première. Une 3e édition en 2 in-4° porte l’indication Besançon, 1747, et le titre suivant : Mémoires historiques présentés au souverain pontife Benoît XIV sur les missions des Pères jésuites aux Indes orientales, où l’on voit leur constante opiniâtreté ù défendre et à pratiquer les rits idolâtres et superstitieux du Malabar, condamnés et anathématisés par plusieurs papes, et les continuelles persécutions qu’ils ont faites aux fidèles ministres de l’Évangile et du Siège apostolique. Cette édition est complétée par un t. ni. paru à Londres, 1751, sous ce titre : Mémoires historiques, apologétiques, etc., présentés en 11 ôl au souverain pontife Benoît XIV… avec un détail de la conduite des Pères jésuites à l’égard de Benoît XIV et de l’auteur de cet ouvrage. Cette édition fut mise à l’index par un nouveau décret du Saint-Office, en date du 24 novembre 1751. Anal. Juris pontifie, t. v, col. 1261. Enfin, sous le nom de l’abbé C.-P. Platel, parut à Lisbonne, en 7 in-4°, une édition nouvelle sous le titre : Mémoires historiques sur les affaires des jésuites avec le Saint-Siège, où l’on verra que le roi de Portugal, en proscrivant de toutes les terres de sa domination ces religieux révoltés, et le roi de France voulant qu’à l’avenir leur société n’ait plus lieu dans ses États, n’ont fait qu’exécuter le projet déjà formé par plusieurs grands papes de la supprimer dans toute l’Église. Chose curieuse à signaler, cette édition porte en tête l’approbation de l’inquisition portugaise ; les rapports des docteurs discutent gravement les raisons qu’avait données en 1745 et en 1751 l’inquisition romaine pour condamner le livre et démontrent que ces raisons n’ont point de valeur en Portugal. Signe des temps ! Les 4 premiers volumes de cette édition reproduisent sensiblement les 3 de la troisième édition, outre au t. iii, les pièces relatives