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PARENTS. DEVOIRS GENERAUX


8 déc. 1864, Denzinger-Bannwart, n. 1694), soit par les entreprises toujours plus audacieuses de la société civile. En défendant les droits de la famille, les papes ont du même coup rappelé ses devoirs. « Les fds sont quelque chose du père, comme une extension de la personne paternelle…, dit Léon XIII, Rerum novarum, 15 mai 1891, donc le pouvoir du père est de telle nature qu’il ne peut être ni supprimé, ni absorbé par l’État, parce qu’il a avec la vie elle-même un privilège commun. » Pie XI, dans l’encyclique Rappresentanti in terra, 31 déc. 1929, parle de « la famille instituée immédiatement par Dieu pour sa fin propre, qui est la procréation et l’éducation des enfants », et, après avoir reproduit le texte de saint Thomas sur le père, principe de l’éducation comme de la génération, il ajoute : « La famille reçoit donc immédiatement du Créateur la mission et conséquemment le droit de donner l’éducation à l’enfant… » Le droit est donc fondé sur le devoir ; et c’est pour cela qu’il est inaliénable. Cf. Léon XIII, encyclique Officio sanctissirno, 22 déc. 1887.

2. Sa gravité.

Faut-il, après cela, souligner la gravité de l’obligation qu’ont les parents d’éduquer leurs enfants ? Issue du droit naturel, elle est grave ex génère suo. S. Alphonse, Theol. mor., t. III, n. 336 ; Noldin, n. 293. Le Codex juris canonicz l’impose même comme très grave : Parentes gravissima obligatione tenentur prolis educationem… pro viribus curandi, can. 1113. C’est aussi l’expression qu’emploie Pie XI quand, dans l’encyclique Rappresentanti in terra, après avoir déploré la décadence lamentable de l’éducation familiale à notre époque, il conjure les pasteurs des âmes de tout mettre en œuvre pour rappeler aux parents leurs « très graves obligations ».

En raison de la gravité de ce devoir, « il ne serait pas permis, écrit saint Thomas, à quelqu’un qui aurait des enfants, d’entrer en religion, sans se soucier aucunement de la charge qui lui incombe, c’est-à-dire sans avoir pourvu, d’une façon ou d’une autre, à leur éducation ». Sum. theol., IIa-IIæ, q. clxxxix, a. 6.

Le Codex juris canonici, can. 542, § 2, déclare de même illicite l’admission, dans un ordre religieux, des parents dont les soins sont encore nécessaires à leurs enfants pour les élever ou les éduquer : parentes quorum opéra sil ad liberos alendos vel educandos necessaria ; il prévoit même des peines contre les supérieurs qui admettraient ces parents au noviciat : Superiores religiosi qui candidàlum non idoneum contra præscriptuni can. ô42… ad nouiliatum receperint… pro gravilaie culpæ puniantur, non exclusa officii privatione. Can. 2411.

Les raisons qui fondent le devoir d’entretenir et d’éduquer les enfants sont assez générales pour entraîner une obligation, même dans le cas de naissance illégitime.

Au cas où les parents feraient défaut, l’obligation incomberait, de par le droit naturel, aux ascendants, c’est-à-dire aux grands-parents ; et, dans l’état actuel de nos mœurs, d’abord du côté paternel, puis du côté maternel.

3. Étendue de l’obligation.

Le devoir d’éduquer les enfants n’est pleinement réalisé qu’en assurant leur développement harmonieux dans tous les domaines : physique, intellectuel, moral et religieux. Les éducateurs ne doivent donc pas avoir en vue principalement leur intérêt personnel, encore qu’ils soient les premiers à profiter de la bonne éducation qu’ils donnent ; ils doivent, au contraire, se mettre au service des enfants et viser à faire d’eux des hommes et des chrétiens.

Ils formeront des hommes, s’ils préparent les enfants, qui normalement sont appelés à leur survivre, à mener sans eux leur vie terrestre, en se rapprochant autant que possible de l’idéal humain qui est inscrit dans leur nature. Mais, puisque cette vie, nécessaire ment transitoire, n’est elle-même qu’un moyen, ils doivent enseigner à l’enfant « ce qu’il doit être pour atteindre la fin sublime en vue de laquelle il a été créé » ; et l’on peut dire, avec Pie XI, encyclique Rappresentanti in terra, qu’ « il ne peut y avoir de véritable éducation qui ne soit tout entière dirigée vers cette fin dernière ». Léon XIII affirmait de même, encyclique Sapienlise christianse, 10 janv. 1890 : « De par la nature, les parents ont le droit de former leurs enfants, mais ils ont de plus le devoir de mettre leur instruction et leur éducation en parfait accord avec la fin pour laquelle ils les ont reçus par un bienfait de Dieu. » Les parents doivent donc, pour remplir parfaitement tout leur devoir, donner à leurs enfants une éducation chrétienne.

L’étendue de leur obligation est clairement signifiée par le canon 1113 du Codex juris canonici : Parentes gravissima obligatione tenentur prolis educationem lum religiosam et moralem, lum physicam et civilem pro viribus curandi, et eliam lemporali eorum bono providendi.

3° Les parents doivent se préparer à l’accomplissement de ces devoirs. — L’existence d’un devoir, surtout d’un devoir d’état, entraîne une obligation subsidiaire, qui est de se préparer à le bien remplir. Pour aimer et éduquer leurs enfants comme il faut, les parents doivent :

1. Bien comprendre ce qu’est l’enfant, soit en lui-même, soit par rapport à eux. En lui-même, l’enfant n’est pas seulement « quelque chose d’eux », leur chair et leur sang ; il est une créature que Dieu aime et estime : il est en outre, après son baptême, doué d’une vie surnaturelle qui doit le conduire au ciel. Pour ces deux raisons, il faut l’estimer, l’aimer, le respecter et le mettre à même de prendre son essor. Par rapport à ses parents, il n’est pas seulement une source possible de joies et d’honneur, mais un dépôt dont ils auront à rendre compte à Dieu, un champ de travail et une source de mérites. Le père et la mère, auxiliaires de Dieu dans l’œuvre de la génération, sont destinés par lui à être la providence terrestre de leurs enfants ; c’est en s’acquittant de leur mieux de cette mission qu’ils se sanctifieront et feront leur salut.

2. S’armer de toutes les ressources humaines susceptibles de leur faciliter la tâche. La puériculture, la psychologie de l’enfant et de l’adolescent, la science de l’éducation peuvent leur être d’un grand secours. Que les parents cherchent dans ces diverses disciplines des lumières, des règles de conduite, des conseils : qu’ils utilisent pour cela la conversation et la lecture, sans négliger d’enrichir leurs connaissances par l’observation et l’expérience personnelles. D’excellents livres sont faits spécialement pour eux, qu’ils se procurent l’un ou l’autre ; des sociétés ont été créées pour les aider, qu’ils n’hésitent pas à recourir à leurs services, et s’inscrivent par exemple à l’Association du mariage chrétien.

3. S’appuyer sur la grâce. L’œuvre que les parents ont à accomplir est en quelque sorte divine ; ce n’est pas trop, pour s’en bien acquitter, de toutes les ressources de la vie spirituelle. La prière leur donnera l’intelligence surnaturelle des besoins les plus profonds de leurs enfants et des moyens de les satisfaire ; elle créera en eux l’inébranlable confiance qui assure la continuité des efforts et la joie au travail ; elle leur obtiendra le secours et la bénédiction du Tout-Puissant, gage assuré du succès.

4° Les parents doivent traiter leurs enfants à la fois avec autorité et affection. — 1. Avec autorité. — Le mot auctoritas vient de auctor. Au sens plein du mot, l’autorité appartient à Dieu, auteur de toutes choses. Icibas, toute autorité vient de lui et l’homme n’y a droit que s’il l’a reçue de lui. Or, en faisant participer les