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L965 PAQUES. LES CONTROVERSES DANS LES ILES BRITANNIQUES 1966

2. Lettre de saint Colomban au pape saint Grégoire.

— Dans cotte lettre, Colomban reproche au canon de ictorius de célébrer parfois Pâques avant l’équinoxe, c’est-à-dire avant le 25 mars ; il blâme aussi la célébration de la fête pascale les 21e et 22e jour de la lune, parce qu’à ces quantièmes la lune se lève seulement après minuit et qu’ainsi les ténèbres dominent la lumière : or, célébrée à ces échéances, Pâques ne peut être que ténébreuse et ne saurait représenter le triomphe de Jésus sur la mort. Colomban s’étonne que le pape célèbre lui-même des « Pâques ténébreuses », et qu’il n’ait point corrigé cette erreur des Gaulois, blâmée par le savant Anatole.

Après avoir rappelé que les savants computistes d’Irlande n’ont jamais pris au sérieux le canon pascal de Victorius, Colomban demande au pape de vouloir bien lui enseigner la vérité sur la question pascale, car la décision des évoques, se contentant de déclarer qui n ne doit pas célébrer Pâques avec les Juifs, ne saurait lui suffire. D’ailleurs, on ne peut excuser Victorius sans blâmer saint Jérôme, qui a approuvé le cycle d’Anatole : or, quiconque blâme saint Jérôme est considéré comme un hérétique par l’Église d’Occident (d’Irlande). Enfin, revenant sur sa conversation avec Candidus, Colomban déclare que, si l’erreur du comput pascal en usage en Gaule est ancienne, la vérité de l’observance pascale celtique l’est encore davantage. Voir cette lettre de saint Colomban dans P. L., t. lxxx, col. 259 sq. Sur la date de cette lettre, que nous estimons avoir été écrite en 600, à l’occasion du synode des évêques « burgondes », voir Schmid, Die Oslerfeslberechnung in der abendldndlischen Kirche, p. 71 sq.

Il ressort de cette lettre que Colomban croyait que le comput pascal, par lui suivi, était celui d’Anatole de Laodicée ; il ignorait que le De ratione pascali attribué à ce dernier était un faux ; il ignorait aussi que les Celtes étaient alors les seuls à fixer l’équinoxe au 25 mars.

Nous ne savons quelle réponse Grégoire le Grand fit à la lettre de Colomban. Il se pourrait même, en raison de l’invasion lombarde, qu’il ne l’eût jamais reçue.

3. Nouveau conflit de saint Colomban et des évêques.

— La date de Pâques en 603, fit renaître le conflit entre Colomban et les évêques. Le comput irlandais fixait Pâques de cette année au 31 mars, 18e jour de la lune, tandis que le canon de Victorius lui assignait le 7 avril, 21e jour de la lune. Persuadés que Colomban était un quartodéciman obstiné, les évêques se réunirent en synode, probablement à Chalon-sur-Saône, pour délibérer de nouveau sur la question pascale. Colomban n’assista pas à ce synode, pour ne pas envenimer la discussion, mais il envoya une lettre, à laquelle il joignit une note justificative, composée trois ans plus tôt, donc à l’occasion du conflit de l’an 600.

Dans sa lettre, Colomban dit aux évêques que la question est de savoir quelle tradition pascale est préférable, celle des Gaules ou celle des Églises d’Occident (d’Irlande). Il rappelle avoir expliqué, dans son mémoire justificatif, que les Églises d’Occident ne célébraient pas Pâques avant l’équinoxe, ni après le 20e jour de la lune, et, dans trois lettres adressées au pape, avoir exposé la doctrine des Pères d’ « Occident », touchant la question pascale. Il proteste n’être pas la cause des divergences concernant la date pascale ; mais il avoue préférer le cycle pascal d’Anatole à celui de Victorius, ce dernier ne donnant pas de solution quand ce serait nécessaire (allusion aux doubles dates pascales). Après avoir demandé à Dieu que la présente controverse ne fasse pas la joie des juifs et des païens, Colomban termine en suppliant les évêques de ne pas le traiter en étranger : tous les chrétiens, qu’ils soient Gaulois, Bretons, Irlandais ou de quelque autre nation que ce soit, sont tous membres d’un même corps. Voir

cette lettre dans P. L., t. lxxx, col. 261 sq. ; Schmid, op. cit., p. 74 sq.

Il est probable que la décision du concile ne fut pas favorable à Colomban, car il en appela de nouveau au pape. Dans sa lettre à un successeur de saint Grégoire, Colomban expose de nouveau le conflit qui s’est élevé entre les évêques et lui par rapport à la date de Pâques et il demande au pape de trancher le conflit, en vertu de son autorité apostolique. A cette lettre, Colomban joignit celles qu’il avait déjà écrites à saint Grégoire le Grand, ainsi que celles qu’il avaient envoyées aux évêques des Gaules. P. L., t. lxxx, col. 268 sq.

Nous ne connaissons pas la réponse du pape, mais Colomban, fort de la protection du roi Thierry, continua à suivre son comput pascal dans son monastère de Luxeuil. Toutefois, quand le roi Thierry, à l’instigation de Brunchaut, eut enlevé Colomban de Luxeuil, l’observance pascale celtique n’y demeura pas longtemps en usage. En effet, l’usage pascal celtique ne figure pas parmi les griefs que le moine apostat Agrestius formula contre le monastère de Luxeuil au concile de Mâcon en 627. Voir Schmid, op. cit., p. 80.

Après le départ de Colomban, le cycle de Victorius ne rencontra plus d’opposition en Gaule jusqu’à ce que, dans le courant du viiie siècle, il fut remplacé par le canon pascal de Denys le Petit, sans que l’histoire ait eu à enregistrer de controverses à ce sujet. Cf. Schmid, op. cit., p. 83 sq. ; Krusch, dans Neues Archiv, t. ix, p. 137 sq.

II. DANS LES ILES BRITANNIQUES.

1° Pays de Galles. — Nous avons déjà fait remarquer que, depuis le concile d’Arles, les Églises celtiques se servaient de la suppulalio romana velus, pour la fixation de la fête de Pâques.

En 602 ou 603, Augustin, qui avait reçu du pape saint Grégoire le Grand la mission d’évangéliser les Angles et les Saxons encore païens, voulut s’assurer la collaboration des évêques qui, dans le pays de Galles actuel, dirigeaient des chrétientés celtiques florissantes. Il les invita à une conférence en un lieu qui, plus tard, reçut le nom de « Chêne d’Augustin ».

Malgré les supplications et les objurgations d’Augustin, les évêques bretons refusèrent de collaborer à l’évangélisation des Saxons et de renoncer à leurs anciens usages, en particulier à leur comput pascal, avant d’en avoir référé à leurs collègues. Tout ce qu’Augustin put obtenir, c’est qu’une deuxième réunion aurait lieu plus tard.

A en croire Bède, un saint solitaire, que sept évêques bretons et un grand nombre de doctes personnages du monastère de Bangor étaient allés consulter, leur avait conseillé de se conformer aux désirs d’Augustin si ce dernier faisait preuve d’humilité. Quand les évêques bretons arrivèrent pour conférer une seconde fois avec Augustin, celui-ci ne se leva pas de son siège pour les recevoir. Les Bretons en conclurent qu’Augustin, faisant preuve d’orgueil, ne répondait pas à l’oracle de l’anachorète, et ils refusèrent leur collaboration et l’abandon de leurs anciens usages.

Une tentative de Laurent, successeur d’Augustin sur le siège de Cantorbéry, fut tout aussi infructueuse. C’est ainsi qu’au temps où Bède écrivait, en 731, les Bretons de l’actuel pays de Galles étaient encore fidèles à leurs anciens usages, y compris leur ancien comput pascal. Bède, H. E., II, ir, P. L., t. xcv, col. 81 sq.

Irlande méridionale.

Laurent de Cantorbéry

avait aussi tenté d’amener les Églises de l’Irlande méridionale à l’abandon de l’ancien comput celtique. Vers 615, il leur avait écrit en ce sens, sans succès. Mais, quand le pape Honorius, en 628, eut exhorté ces Églises à se rallier au comput pascal en usage dans le inonde entier et à ne pas se croire plus sages que les