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r.VOUES. LES CONTROVERSES EN GAULE


d’ailleurs ; l’ère chrétienne dans l’histoire. Enfin, Denys est persuadé que le cycle pascal de 19 ans a été canonisé à Nicée.

La table pascale de Denys fut continuée par un abbé Félix Gillitanus, puis, plus tard, par Bède le Vénérable. Voir la table pascale de Denys et sa lettre à Pétronius dans P. L., t. lxvii, col. 483 sq.

En cette même année 525, le pape Jean I er, qui éprouvait certaines hésitations pour la fixation de la fête de Pâques de l’année 526, avait chargé le primicier Boniface et le secondicier Bonus d’étudier la question. Ceuxci eurent recours aux lumières de Denys. Ce dernier leur répondit que la date pascale de 526, qui était une année embolique, devait être fixée au 19 avril. Il leur recommandait de s’en tenir au cycle de 19 ans, approuvé au concile de Nicée et garanti par le miracle de Meltinas. Voir la lettre de Denys à Boniface et Bonus, dans P. L., t. lxvii, col. 513. Le primicier Boniface entra dans les idées de Denys et recommanda au pape de s’en tenir désormais purement et simplement au cycle alexandrin. Voir le commencement de ce rapport du primicier Boniface au pape Jean 1 er dans Neues Archiv, t. ix, p. 109. Nous ne savons quelle suite le pape donna au rapport du primicier Boniface. Ce qui est sûr, c’est que le cycle de Denys rencontra encore bien des adversaires, car Denys lui-même ou ses partisans recoururent à des faux pour en démontrer l’exactitude. En effet, c’est probablement à l’époque qui nous occupe, que remonte le faux concile des 275 évêques qui, réunis dans les thermes de Trajan, auraient approuvé le concile de Nicée et lui auraient ajouté quelques canons. Le deuxième de ces canons prescrit la célébration de la fête de Pâques du 14e au 21e jour de la lune. Cf. Mansi, Concil., t. ii, col. 1081. Cette prescription est conforme aux principes de Denys qui, dans la préface de sa table pascale, déclare que la fête de Pâques doit être célébrée du soir du 14e jour au 21e jour de la lune. Évidemment, la fête de Pâques qui commençait le soir du 14e jour de la lune était en fait célébrée le 15e jour de la lune. Par contre, cette prescription du faux concile est en opposition directe avec le cycle de Victorius et tous les anciens computs romains, qui n’admettaient pas Pâques avant le 16e jour de la lune.

C’est également à l’époque de Denys que remonte, dans la Vie du pape Victor du Liber pontificalis, l’interpolation qui attribue à ce pape la règle pascale du comput de Denys, d’après laquelle Pâques doit être célébrée du 14e au 21° jour de la lune. Cf. Duchesne, Liber pontificalis, t. i, p. 137.

Il faut croire que ces faux ne désarmèrent pas les partisans de l’ancien comput romain car, en 550, l’évêque de Capoue, Victor, écrit encore un De Pascha pour combattre le cycle de Victorius. Voir les fragments du De Pascha de Victor dans le De raiione temporis de Bède. c. ii, P. L., t. xc, col. 500 sq.

Toutefois, avant la fin du vie siècle, le cycle de Denys avait complètement évincé de Borne et d’Italie l’ancien cycle de 84 ans, ainsi que celui de Victorius.

V. Les dernières controverses pascales en Gaule et dans les Iles Britanniques. — I. EN gaule. — 1° Le cycle de Victorius dans les Gaules. — Il semble que, depuis le concile d’Arles en 314, les Églises des Gaules célébraient les fêtes de Pâques selon les indications qui leur venaient de Borne. C’est ainsi que nous avons la circulaire envoyée en 454 par le pape saint Léon aux évoques des Gaules, pour leur annoncer la date de Pâques pour l’année- 455. Voir le texte de cette lettre dans P. L., t. liv, col. 1101.

Victorius étant Aquitain, il n’est pas étonnant que son canon pascal se soit rapidement implanté en Gaule : toutefois, ce n’est qu’en 541 que le IVe concile d’Orléans prescrivit, dans son 1 er canon, que la fêle de Pâques

devait être célébrée, selon le lalerculus de Victorius (sic), et que, si des difficultés s’élevaient, les métropolitains devraient consulter le Siège apostolique. Voir le texte de ce canon dans Mon. Germ. hist., Concilia, t. i, p. 87.

Pour l’année 577, le canon pascal de Victorius donnait une double date pascale : le 18 avril, 15e jour de la lune et, avec en note « Grœci », le 25 avril, 21e jour de la lune. Le plus grand nombre des Églises des Gaules célébrèrent la fête le 18 avril, tandis que les autres la fixèrent au 21 mais, avec les Espagnols.

Grégoire de Tours était de ceux qui célébrèrent Pâques au 18 avril ; il note cependant que les fonts baptismaux miraculeux, qui se trouvent en Espagne, se remplirent durant la nuit du 20 au 21 mars de cette année. Hist. Franc, V, xvii, Mon. Germ. hist., Scriplores rerum Merovingicarum, t. i, p. 207 ; P. L., t. lxiii, col. 332.

Pour l’année 590, le canon de Victorius donnait de nouveau une double date : 26 mars, 15e jour de la lune et, avec la note « Lalini », 2 avril. Grégoire se décida pour le 2 avril, car il estimait illicite de célébrer Pâques le 15e jour de la lune « comme les Juifs ». Aussi note-t-il avec satisfaction que, cette année-là, les fonts baptismaux miraculeux d’Espagne s’emplirent la nuit du 1 er au 2 avril. Cf. Hist. Franc, X, xxiii, P. L., t. lxxi, col. 564.

Controverses avec saint Cotomban.

1. Premier

con/lit de saint Colomban avec les évêques. — C’est à cette époque qu’arriva en Gaule saint Colomban, qui devait donner un singulier renouveau d’actualité à la question pascale. Comme nous le verrons plus loin, les Églises celtiques des Iles Britanniques se servaient à cette époque de la supputatio romana velus, qu’elles avaient appris à connaître au concile d’Arles en 314 Elles en étaient donc encore à l’équinoxe fixée au 25 mars ; elles avaient comme échéances pascales extrêmes le 25 mars et le 21 avril, et elles fixaient la date de Pâques du 14e au 20e jour de la lune. Cf. Schmid, Die Osterjestberechnung au/ den britischen Insein, p. 2 sq. Colomban voulut conserver cette observance pascale quand il se fut fixé à Luxeuil. Cette prétention ne pouvait manquer de susciter les protestations de l’épiscopat des Gaules, d’autant plus que, durant les 20 ans du séjour de Colomban dans ce pays, de 590 à 610, son comput se trouva treize fois en désaccord avec le canon de Victorius, et deux fois, en 598 et 609, la différence fut de trois semaines. Ce qui choquait le plus, c’est que Colomban admettait la célébration de la fête de Pâques le 14e jour de la lune, ce qui lui valut le reproche d’être un quartodéciman attardé — bien à tort assurément — car Colomban n’admettait Pâques le 14e jour de la lune que quand ce quantième de lunaison tombait un dimanche.

L’inexactitude des cycles lunaires contribua encore à envenimer le conflit. Ainsi, en 600, le comput utilisé par Colomban donnait comme date de Pâques le 3 avril, 18e jourde la lune, tandis que le canon de Victorius fixait Pâques au 10 avril, 21e jour de la lune. Aux yeux des évêques, Colomban avait, cette année-là, célébré Pâques le 14e jour de la lune ; or, étant donné le comput dont il se servait, c’était inexact. Mais, persuadés que Colomban était quartodéciman, les évêques du royaume de Bourgogne se réunirent en synode, et décrétèrent qu’il n’était pas permis de célébrer la fête de Pâques avec les Juifs.

Colomban se plaignit de cette décision à Candidus, administrateur des domaines pontificaux en Provence. Celui-ci répondit simplement que ce qui avait subi l’épreuve du temps ne devait pas être changé. Mécontent de cette réponse, Colomban adressa au pape saint Grégoire le Grand la lettre qui nous renseigne sur le conflit.