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PAQUES. LES PREMIERS CYCLES PASCALS


décimane) selon la tradition de ceux de ma famille auxquels j’ai succédé, car sept de mes parents furent évêques ; moi, je suis le huitième. Toujours mes parents ont célébré (la fête de Pâques) le jour où le peuple faisait disparaître le levain. Maintenant j’ai vécu 65 ans dans le Seigneur ; j’ai eu des rapports avec les frères de toute la terre, et j’ai lu toute la sainte Écriture ; je ne me laisse pas intimider, car de plus grands que moi ont dit : « Il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes. » Polycrate termine en disant que les évêques qu’il a convoqués selon le désir du pape, sont venus en très grand nombre, et se sont déclarés d’accord avec lui. Voir la lettre de Polycrate au pape Victor dans Eusèbe, H. E., V, xxiv. P. G., I. xx, col. 493 sq.

Si Victor avait cru pouvoir se réclamer d’une tradition apostolique en faveur de l’observance dominicale, Polycrate lui opposait que l’usage quartodéciman remontait à l’apôtre saint Jean et que s’en écarter équivalait à se mettre en opposition avec la règle de la foi. Victor voulut répondre à ce défi par l’excommunication de toutes les Églises d’observance quartodécimanc, car leur attitude en cette occurence lui semblait entachée d’hétérodoxie, ù>ç av STepoSoÇoûaaç. Mais il se heurta à la vive opposition des Églises, qui venaient de l’assurer de leur fidélité à l’observance dominicale pour la célébration de la fête de Pâques. Voir Eusèbe, H. E., V, xxiv.

Eusèbe nous a conservé d’assez longs extraits de la lettre écrite par Irénée à Victor à cette occasion, lettre déjà citée ci-dessus en partie. Dans cette lettre, Irénée fait remarquer au pape que la controverse pascale n’accuse pas seulement une divergence quant à la fixation du jour de la fête, mais encore une différence en ce qui concerne le jeûne préparatoire à la fête, certaines Églises ne jeûnant qu’un seul jour, d’autres deux, d’autres un nombre plus considérable, en tin quelques-unes prescrivant un jeûne de quarante heures consécutives. Cette divergence quant au jeûne, poursuit l’évêque de Lyon, est très ancienne et n’a jamais troublé la paix de l’Église : loin de là, elle fait même mieux ressortir l’unité de la foi. Irénée rappelle ensuite l’altitude conciliante des anciens papes pour les tenants de l’observance quartodécimane. Voir le passage cité plus haut.

Eusèbe fait remarquer que l’évêque de Lyon a vraiment « réalisé » son nom par son intervention dans la crise quartodécimane, car il y fut vraiment irénique, pacifique et pacifiant. Nous pouvons ajouter qu’il fit preuve avant tout de bon sens, en faisant remarquer que la fixation de la date de Pâques n’est qu’une question purement pratique, tout à fait en dehors de la tradition de la vérité révélée. Malheureusement, dans la longue suite des controverses pascales, il eut peu d’imitateurs.

Eusèbe ne nous dit rien de l’issue du conflit entre Victor et Polycrate ; toutefois, il est peu vraisemblable que le pape ait réalisé sa menace d’excommunication : une pareille mesure, étendue à toutes les Églises fidèles à l’observance quartodécimane, n’aurait pas manqué de laisser quelques traces dans la tradition historique.

Cent ans plus tard, à l’époque du concile de Nicée, toutes les Églises d’Asie s’étaient ralliées à l’observance dominicale et les partisans attardés de l’ancien usage quartodéciman ne formaient plus qu’une secte obscure, qui se maintint, il est vrai, pendant plusieurs siècles.

II. La question pascale au iiie siècle. Les premiers essais de cycles pascals. — 1 ° Le problème. — II semble bien que, primitivement, tous les chrétiens aient fixé la date de la fête de Pâques selon le calendrier juif, les quartodécimans célébrant la fête le 1 4 nisan, les tenants del’observance dominicale la repor tant au dimanche suivant. On arriva bientôt à trouver humiliant de se voir obligé de recourir aux lumières du peuple déicide pour fixer la date de la grande fête chrétienne. En outre, bien que le calcul de la fête de Pâques ne fût pas sans difficulté, le besoin se taisait sentir de connaître les échéances pascales pour une série d’années à l’avance. C’est pour satisfaire ce besoin que, dans le courant du m 6 siècle, les premiers cycles pascals furent calculés et les premières tables pascales dressées.

Pour bien saisir la nature du problème qui se pose, quand il s’agit de fixer la date de Pâques, on doit se rappeler que cette fête est fixe, selon le calendrier lunaire, et qu’elle n’est mobile que selon le calendrier solaire. L’année lunaire étant plus courte que l’année solaire de Il jours et 1/4 en chilîres ronds, pour que son début et, par conséquent, le terme pascal (14 nisan ) ne se déplacent pas indéfiniment dans le calendrier solaire — comme c’est le cas pour le ramadan musulman — il faut, à certains intervalles, lui ajouter un mois ; dans ce cas, l’année est appelée embolinue.

Ces intercalations amènent des changements dans les rapports du 1 er et du 14 nisan avec le calendrier solaire. Il s’agit de trouver la période de ces changements, c’est-à-dire « un nombre d’années solaires tel, que ce nombre écoulé, les termes pascals, c’est-à-dire les 14 nisan, reviennent dans le même ordre aux mêmes jours du calendrier » (solaire). Duchesne, La question pascale au concile de Nicée, dans Revue des questions historiques, 1880, p. 17.

Une pareille période s’appelle un cycle pascal et une série d’échéances pascales, fixées d’avance, une table pascale.

Les solutions.

1. Saint Hippolyle. — Le premier

en date des cycles pascals est celui de saint Hippolyte. L’àTToSetÇ’.ç yP° VCÛV qu’il composa pour l’établir ne s’est pas conservé, mais nous avons la I onne fortune de posséder sa table pascale sur un des pans de sa statue qui fut retrouvée à Rome en 1551. Cette table, basée sur un cycle de 16 ans, donne les échéances pascales pour 112 ans à partir de l’an 222. Elle n’admet pas la célébration de la fête de Pâques avant le 16e jour de la lune : ainsi, si le 14 nisan tombe un samedi, Pâques ne devra pas être célébré le lendemain dimanche, mais seulement 8 jours plus tard. Cette dernière particularité fut longtemps en usage à Rome et donna lieu à bien des polémiques.

Hippolyte croyait donc qu’après une période de 16 ans, les 14 nisan revenaient dans le même ordre, aux mêmes jours du calendrier solaire. Un simple calcul démontre la fausseté de ce cycle : 16 années juliennes donnent 5 844 jours, tandis que 198 mois lunaires qui correspondent à 16 années juliennes donnent 5 847 jours. Au bout de 16 ans, le cycle d’Hippolyte donnait par conséquent des lunaisons en retard de trois jours ; ses 14 nisan étaient en retard de 3 jours sur la réalité. Voir l’inscription de la statue de saint Hippolyte dans le Corpus inscriptionum græcarum, t. iv, n. 8613, et dans Kraus, Real-Encyklopâdie des christlichen Altertums, t. i, p. 661 sq. Sur le cycle d’Hippolyte, voir Rûhl, Chronologie des Mittelalters und der Neuzeit, Berlin, 1897, p. 119 sq.

2. Anonyme.

Dès l’année 243, un anonyme de langue latine ayant remarqué que le cycle d’Hippolyte était en retard de trois jours, entreprit de le corriger. Pour réaliser ce dessein, il crut qu’il suffisait d’avancer de trois jours toutes les données lunaires d’Hippolyte, et il s’imaginait naïvement que la faute de son devancier provenait de ce qu’il avait calculé les mouvements de la lune en partant du premier jour de la création, au lieu de prendre comme point de départ le quatrième jour, qui est celui de la création de la lune. Cette trouvaille fit fortune ; plus tard, les computistes fixèrent la