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PAPE. POUVOIRS DES NONCES


< Le nonce n’a qu’un auditeur, qui sert pour recevoir les dépositions des témoins au sujet de ceux qui sont pourvus d'évêchés, abbayes, prieurés, commendes, etc. : étant donné qu’on fait pour cela deux procès, l’un super statu Ecclerix, l’autre de vita et moribus du candidat. Ces procès achevés sont envoyés à Rome par les parties en cause, dans le but d’obtenir l’expédition des bulles. Pour le reste, comme le nonce n’a aucune juridiction en France, ainsi n’a-t-il besoin d’aucun autre auxiliaire. »

Cette situation se traduisait dans la comptabilité de la curie : le nonce de France recevait de Rome un traitement fixe beaucoup plus élevé que ses collègues des autres pays, supérieur de moitié à celui du nonce qui venait, à ce point de vue, immédiatement après lui : en 1648, par exemple, 446 écus contre 300. Cela tenait à ce que l’exercice de leur juridiction assurait aux autres nonces un casuel, dont la prévision entrait en calcul ; celui de Paris, au contraire, ne pouvait pas compter sur les incerti. H. Biaudet, op. cit., p. 78.

Mais en quoi consiste donc, sauf exception, la juridiction e. ciésiast que des représentants du pape hors de Rome ? Il convient de distinguer entre le droit antérieur à 1918 et celui que le Code a formulé.

2° Juridiction des nonces avant 1918. — Les nonces entraient dans la catégorie des « Ordinaires » ; pour caractériser leurs pouvoirs, les canonistes se plaisaient à alléguer une décrétale de 1265, on Clément IV assimilait ses légats aux proconsuls de l’ancienne Rome : ils doivent, disait-il, se comporter sur leur territoire ad instar proconsulum ceterorurnque prsesidum quibus certx sunt decretæ provinciæ moderandse. En effet, le pape les envoie ut ibidem evellant et dissipent, eedificent atque plantent, c. 2 de o/Jicio legati, t. I, tit. xv in VI u. Ils déduisaient de ce texte le principe général que les nonces jouissent, sur l’ensemble du pays où ils résident, des mêmes pouvoirs que l'évêque dans son diocèse, le métropolitain dans sa province, et le primat dans la région où s'étend son autorité : en d’autres termes, leur juridiction est la juridiction même du pape qui les envoie, restreinte à leur propre territoire, bien entendu, et sous réserve des prérogatives spécifiquement propres au pontife suprême, qui n’entrent pas dans les mandats ordinaires de légation et devraient faire l’objet, le cas échéant, d’une spéciale concession. Voir Bouix, op. cit., p. 632.

Mais à l’application de ce principe général les papes eux-mêmes et le concile de Trente apportaient des limitations positives. Par exemple, aux termes de certaines décrétales, les légats ne pouvaient transférer un évêque d’un siège à un autre, ni accepter sa démission : le concile de Trente avait interdit aux nonces et légats de recevoir à leur tribunal les procès en première instance : plusieurs décisions de la Congrégation du lOticile avaient blâmé qu’ils approuvassent les confesseurs ou administrassent les saints ordres.

En somme, la juridiction des nonces se ramenait à ceci : juger en appel, concurremment avec les métropolitains, les causes déjà tranchées par les officiantes diocésaines (le nonce de Madrid juge même les procès en troisième instance, depuis que Clément XIV, en 1771, a institué à cette nonciature un tribunal de Rote) ; assister, quand ils le veulent, aux mariages sur toute l'étendue de leur territoire ; accorder certaines dispenses ; instruire les procès canoniques des évêques ; nommer aux bénéfices vacants dont les revenus annuels n’excèdent pas une somme déterminée ; prendre des mesures disciplinaires concernant tout ou partie de leur territoire, mesures qui avaient force de loi et restaient obligatoires même après leur départ ; contrôler et redresser au besoin les agissements des évêques et archevêques, sans pouvoir toutefois porter contre eux une sentence pénale, les causes criminelles de l'épis copat étant rangées par le concile de Trente parmi les causse majores, réservées au pape personnellement.

Pour le reste, il fallait se reporter aux facultés spéciales que les brefs de nomination accordaient à chaque nonce. Aussi bien, la même précaution s’imposait, en pratique, pour les pouvoirs généraux mentionnés cidessus, car s’il est loisible au pape d'étendre, suivant les circonstances, la juridiction de ses mandataires, il peut tout aussi bien la restreindre. Barbosa, Juris ecclesiaslici universi libri très, t. I, c. v, de legatis et nuntiis apostolicæ Sedis ; Van Espen, Jus ecclesiaslicum universum, t. r a, tit. xxr, c. rr, De auctoritale et dignitate legalorum ; Ferraris, Prompta bibliotheca, au mot Legatus ; Bouix, op. cit., p. 629 et sq. ; Wemz, Jus decretalium, t. ri, 2e vol., 1915, p. 473 et sq.

3. Rôle ecclésiastique des nonces depuis 1918. — Peutêtre le Code de droit canonique n’a-t-il pas changé grand’chose aux pouvoirs effectifs de la plupart des nonces, car rien ne prouve que leurs brefs de nomination, dans les premières années du xxe siècle, leur laissaient la juridiction que l’ancien droit prévoyait ; en tout cas, il a fortement modifié cet ancien droit luimême. Tout d’abord, il ne reconnaît plus aux nonces le caractère d' « Ordinaires », et par conséquent la jouissance d’une juridiction proprement dite. Il évite, du reste, d’employer ce mot à leur propos ; il utilise l’expression de « pouvoirs ordinaires », ce qui est fort différent, et signifie simplement que les nonces ont des attributions inhérentes à leur charge, sans préjudice des privilèges qu’ils peuvent obtenir d’une délégation spéciale. Aux termes du can. 267, ces pouvoirs ordinaires sont de deux sortes ; les uns concernent le rôle diplomatique des nonces et internonces : entretenir les relations entre le Saint-Siège et les gouvernements civils auprès desquels ils sont accrédités ; les autres, communs aux agents diplomatiques et aux délégués apostoliques, représentent ce qui remplace l’ancienne juridiction ecclésiastique : In lerritorio sibi assignato advigilare debent in Ecclesiarum slatum et roman.um pontificem de eodem certiorem reddere. De ce texte, il convient de rapprocher tout de suite le § 1 er du can. 269 : aussi bien les nonces que les délégués apostoliques doivent laisser aux Ordinaires locaux le libre exercice de leur propre juridiction.

Ainsi, les nonces d’aujourd’hui n’ont plus d’autre fonction, par rapport au gouvernement ecclésiastique des territoires où ils résident, que d’observer, se rendre compte, et renseigner le pape. Sans doute ne faut-il pas enserrer cette mission dans des limites trop étroites et prétendre que les nonces ne peuvent se permettre, sur l'épiscopat, aucune action spontanée. Incontestablement, leur rôle de surveillant, chargé d’informer le pape, comporte l’autorisation de faire appeler soit les évêques, soit les catholiques influents, pour leur demander les explications qu’ils estiment nécessaires ; or, il semble que rien ne leur interdise, à cette occasion, de leur donner des conseils qu’ils savent en harmonie avec les intentions pontificales. Ce qu’ils ne sauraient plus faire, désormais, c’est imposer une ligne de conduite, donner des ordres, de leur propre initiative. La rapidité des communications entre les nonciatures et le Vatican enlève tout inconvénient à cette restriction des anciens pouvoirs. Si le nonce estime nécessaire d’intervenir d’autorité dans le gouvernement d’un prélat, il lui suffit d’avertir le Saint-Siège et celui-ci peut le charger immédiatement, s’il le juge à propos, d’agir dans tel ou tel sens : mais, dans ce cas, le nonce ne procède plus mvlu proprio, il exécute des ordres.

Le Code ajoute que les nonces, outre leurs pouvoirs ordinaires, en possèdent généralement d’autres en vertu de délégations spéciales. Can. 267, § 1, n° 3. Or, un document de la Consistoriale, qui n’a point paru aux Acta ap. Sedis, mais qui fut publié par // monitore