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PAPE. POUVOIRS DES NONCES


Argentine, au Paraguay et en Uruguay sous le nom d’internonces ; en Bolivie, au Chili, en Colombie, dans l’Equateur, à Haïti, au Pérou, à Saint-Domingue et au Venezuela sous le nom de délégués apostoliques. Enfin, un chargé d’affaires, résidant à La Haye, sert àassurer les relations à la fois avec la Hollande et avec le Luxembourg. H. Biaudet, op. cit., p. 28-29, 37-38.

Aujourd’hui, vingt ans après, nous constatons que le chiffre des ambassadeurs du Saint-Siège a doublé. En effet, le pape entretient une représentaton diplomatique auprès de trente-cinq États : des nonces apostoliques proprement dits en Allemagne, en Argentine, en Autriche, en Bavière, en Belgique, en Bolivie, au Brésil, au Chili, en Colombie, en Espagne, en France, en Hongrie, en Irlande, en Italie, en Lettonie, en Lithuanie, au Paraguay, au Pérou, en Pologne, en Portugal, en Prusse, en Roumanie, en Suisse, en Tchécoslovaquie, au Venezuela, en Yougoslavie ; un chargé d’affaires dans la république de Libéria ; des internonces en Hollande, dans le grand duché de Luxembourg, en Amérique centrale, où le même diplomate, qui réside ordinairement à San-José de Costa Rica, représente le Saint-Siège auprès des cinq petites républiques de Costa-Rica, de Honduras, de Nicaragua, de Panama et de Salvador. Annuario pontificio de 1929, p. 529 (les nonciatures d’Irlande et d’Italie, qui ne figurent pas dans l’annuaire, ont été créées après la publication de celui-ci). En fait, c’est le même nonce qui représente le pape auprès du président de la république allemande et du gouvernement de l’État prussien : de même que l’ambassadeur d’Allemagne près le Saint-Siège est à la fois ministre de Prusse ; mais, officiellement, il s’agit de postes distincts et leur titulaire présente doubles lettres de créance.

Tous ces nonces, internonces et chargés d’affaires sont des agents diplomatiques dans le plein sens du mot, accrédités auprès des pouvoirs civils respectifs. Ils dépendent de la Secrétairerie d’État et jouent un rôle politique officiel, public.

Le titre de délégué apostolique est réservé, depuis 1916, aux représentants du pape à l’étranger auxquels le caractère diplomatique n’est pas officiellement reconnu, Actaap. Sed., t. viii, p. 213. Leurs facultés sont d’ordre purement ecclésiastique : ce qui n’empêche pas ces agents d’entretenir, le plus souvent, des relations officieuses avec les gouvernements. Eux aussi, comme les nonces et les internonces, sont des archevêques titulaires. Six d’entre eux dépendent de la Consistoriale : ceux des Antilles, du Canada et Terre-Neuve, d’Esthonie, des Philippines, du Mexique, et des États-Unis ; cinq relèvent de la Congrégation pour l’Église orientale : celui de Constantinople, celui d’Egypte, chargé à la fois de l’Erythrée et de l’Abyssinie, celui de Mésopotamie, Kurdistan et Arménie, ceux de Perse et de Syrie ; enfin la Propagande en a huit sous sa juridiction : celui d’Afrique (résidence à Blœmfontein, dans la colonie anglaise d’Orange), ceux d’Australie, de Chine, du Japon, de Grèce, des Indes et de l’Indochine. Annuario pontificio de 1929, p. 533.

iv. pouvoirs r>ES nonces. — Les nonces et autres représentants diplomatiques du Saint-Siège jouent le rôle d’ambassadeurs et de ministres plénipotentiaires. Ils traitent avec les gouvernements respectifs les questions intéressant la situation de l’Église catholique dans les pays où ils se trouvent et toutes celles, de quelque nature qu’elles soient, que le pape les charge de négocier. Mais ils sont autre chose encore : ils exercent, sur le territoire à eux confié, des fonctions d’ordre ecclésiastique, et, à ce point de vue, les délégués apostoliques ne présentent avec eux aucune différence.

Opposition à la juridiction des nonces.

 Si le

rôle strictement diplomatique des nonces n’a jamais

DICT. DE THÉOL. CATH.

rencontré de sérieuse opposition, en revanche leurs prérogatives ecclésiastiques ont suscité d’ardentes controverses et se sont même heurtées, dans la pratique, à de vigoureuses résistances.

On se rappelle les noms de Marc-Antoine de Dominis, d’Edmond Richer, de Justin Fébronius, de Joseph-Valentin Eybel. M. -A. de Dominis, dans son De republica ecclesiastica, soutenait que l’Église n’avait pas une constitution monarchique, mais républicaine, que le rôle du pape n’était que celui d’un premier ministre ut que les nonces ne pouvaient prétendre, hors de Rome, à aucune juridiction : ce ne sont que des ambassadeurs, disait-il, des oralores, et non pas des surveillants, speculatores. La Sorbonne condamna ces propositions en 1618, et la Faculté de théologie de Cologne y joignit ses propres censures. C’est à peu près la même théorie que patronnait E. Richer dans son De ecclesiastica et politica potestate libellus, publié en 16Il et que condamnèrent, l’année suivante, les conciles provinciaux d’Aix et de Sens ; la Sorbonne le blâma à son tour et déposa son auteur de la charge qu’il occupait de syndic de la Faculté. Fébronius, qui attribuait l’origine de la suprématie papale à l’influence des Fausses Décrétales et invitait l’Église à restaurer la hiérarchie dans sa pureté antique. Le statu Ecclesiæ et légitima potestate romani ponti/icis liber sin gularis, 1763, refusait aux représentants du Saint-Siège, par voie de conséquence, le droit de s’immiscer dans la vie ecclésiastique des pays où ils résident. Son livre, qui provoqua en Europe une vive émotion, fut mis à l’Index par une série de quatre décrets, s’échelonnant de 1764 à 1773. L’ouvrage de J. V. Eybel, Was is der Pabst ? eut une publicité moins retentissante mais une influence locale plus profonde. L’auteur y déclarait notamment que les évêques ont exactement le même pouvoir que le pape ; cependant, comme toute république a besoin d’un président pour en maintenir l’unité, le pape a le privilège de pouvoir exhorter les évêques à bien remplir leur mission et. au besoin, de suppléer à leur négligence ; mais il ne peut intervenir dans les diocèses qu’en cas d’exceptionnelle nécessité. Ce livre fut solennellement condamné par un bref pontifical du 28 novembre 1786.

Tous ces traités révolutionnaires, plus ou moins dérivés les uns des autres, produisirent un effet pratique en 1788. Les électeurs de Trêves, de Cologne et de Mayence, ainsi que l’archevêque de Salzbourg, s’insurgèrent ouvertement contre la juridiction du nonce de Cologne, lui refusèrent obéissance, usurpèrent les pouvoirs dont il disposait, notamment le droit de dispenser des empêchements de mariage, et écrivirent à Pie Vf pour le sommer de retirer son agent et protester contre toute nonciature. L’archevêque de Cologne s’inspirait ouvertement, dans sa lettre, des idées de Eybel : Si ojficio archi-et-episcopali hue usque pro viribus a me satisfactum, nihilque inte.rmissiua fuit quod rectum Ecclesiarum mihi commissarwn regimen exposcebat, urgentes Mas causas subintrare non video quibus Sanctitati Veslræ, vi primatus a Deo instiluti, jus competit, pro conservanda religionis unitale ac puritate, exiraordinarios mittendi legalos ad Ecclesias ubi religionis nécessitas id postulaveril ; si hoc, ut confido, non existit, mullo minus me obligalum censeo ut nuntio jurisdictione et jacullatibus instructo, in gravi potestatis mese ordinariæ pnvjudicio, locum cedam, quem Christus, ut ibi vigilem, ut ibi laborem, mihi commisit (page 173 de la réponse indiquée plus bas). Dans une circulaire adressée à ses suffragants, il condamnait ouvertement le principe même des nonciatures permanentes : " C’est une maxime incontestable, disait-il, et universellement revue en fait, du droit ecclésiaslicopolitique, que le pape ne peut envoyer de légats dans les archevêchés et évêchés sinon en cas d’urgence,

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