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ORDRE. HIÉRARCHIE APOSTOLIQUE, DIACRES


rapport aux autres apôtres. Les Actes nous montrent ce pouvoir s’exerçant à Jérusalem, soit pour punir, Act., v, 1 sq., soit pour administrer, vi, 1 sq., ou encore en Samarie, viii, 20, et dans les villes de Lydda et de Joppé, ix, 31 sq. Pierre prend la parole au nom de tous, i, 15 ; ii, 14 ; iii, 12 sq., et décide souverainerrient sur les questions portées au concile de Jérusalem, xv, 7 sq. On sait d’ailleurs que la prééminence que les textes semblent parfois donner à saint Paul en ce qui concerne l’apostolat des gentils n’infirme en rien la primauté de Pierre. Bien plus, l’incident d’Antioche, où Paul « résista » à Pierre ne fait que confirmer cette primauté ; cf. Xavier Roiron, Saint Paul, témoin de la primauté de saint Pierre, dans Recherches de science religieuse, 1913, p. 514 sq.

Mais, au point de vue spécial qui nous occupe, il s’agit surtout d’affirmer sur le peuple chrétien des temps apostoliques l’autorité que possèdent les apôtres en vue de sanctifier les âmes. Or, ici, une première discrimination semble s’imposer. Il y a, dans la primitive Église, un double apostolat. Faute de distinguer l’un de l’autre, on s’engage dans bien des rJfficultés. « Il y a un apostolat ecclésiastique, celui des Douze, auquel nous ne pouvons renoncer… ; mais il y a pareillement un apostolat charismatique, dont l’existence ne semble guère contestable, et c’est précisément celui dont il est question dans les textes précités de saint Paul, I Cor., xii, 28-30 ; Eph., iv, 11-12. Apôtres, prophètes, évangélistes, docteurs, ils étaient tous institués pour le service de la parole divine, en un temps où celle-ci devait être toute-puissante ; ils constituaient des charismes supérieurs, que saint Paul recommande de désirer ardemment, I Cor., xir, 31 ; mais ces charismes eux-mêmes formaient une sorte de hiérarchie, dans laquelle l’apostolat occupait le premier rang, à cause de sa plus grande perfection… Premiers dans la hiérarchie charismatique, comme ils sont premiers dans la hiérarchie ecclésiastique, on a pu croire que les apôtres étaient les mêmes des deux côtés : en réalité, ils n’ont de commun que le nom et cette primauté ; en eux-mêmes, ils sont totalement différents. Les Douze ont été choisis et envoyés par le Christ historique, pour être en lui et par lui le fondement de l'Église ; les autres apôtres n’apparaissant qu’au sein de l'Église naissante, déjà formée dans les Douze, déjà gouvernée par eux, et avec une mission qui n’est ni du même genre ni du même ordre que la leur. » J. Bouché, art. Apostolat, dans le Dictionnaire de Droit canonique, t. i, col. 680 ; cf. L. Fonck, Quæstiones paulinæ, Rome, 1910, p. 66. Quand nous parlons ici de l’autorité des apôtres vis-à-vis de l'Église, il s’agit donc uniquement de l’autorité des Douze. Strictement, nous devons nous en tenir au pouvoir d’ordre possédé par les apôtres en vue de la sanctification des fidèles ; mais, « quoique distincts, les trois pouvoirs apostoliques quridiction, magistère, ordre) sont liés : des trois, le pouvoir de juridiction est le premier ; les deux autres sont placés sous son obédience… Le pouvoir d’ordre rentre d’une certaine manière sous le pouvoir de juridiction ; comme le propre de la juridiction est de régir impérativement tous les actes de la vie chrétienne vers la fin surnaturelle, les actes du pouvoir d’ordre ne sauraient échapper à cette loi générale. Bien que, en soi, le pouvoir d’ordre puisse être exercé sans le pouvoir de juridiction, et même, si l’on ose dire, contre lui, un tel usage n’en demeure pas moins profondément illicite et irrégulier. La juridiction est donc la première dans l’office apostolique. » J. Bouché, id., col. 684-685.

Rien d'étonnant que les Actes des apôtres et les épîtres mettent surtout en relief la juridiction apostolique sur l'Église naissante. On v retrouve l’exer cice de leur triple mission, mission d’enseignement, mission de gouvernement, mission de sanctification. Voir Apôtres, 1. 1, col. 1651-1653. Le pouvoir d’ordre préside à la mission de sanctifier les fidèles. L’administration du baptême, dont il est fait plusieurs fois mention dans les Actes, ii, 41 ; viii, 12-13, 16, 38 ; ix, 18 ; x, 48 ; xi, 16 ; xviii, 8 ; xix, 5 ; xxii, 16 ; et dans les épîtres, Rom., vi, 3 ; I Cor., i, 13-17 ; xi, 13 ; Gal., iii, 27 ; Eph., v, 25 ; Col., ii, 12 ; Tit., iii, 8 ; I Pet., iii, 21, bien qu’il n’indique pas nécessairement en celui qui en est le ministre un pouvoir d’ordre, suppose ordinairement ce pouvoir. Les apôtres ont parfois administré eux-mêmes le baptême. Le texte de I Cor., i, 14-15, nous fournit un témoignage explicite de saint Paul en ce qui le concerne ; et il est à supposer que les trois mille convertis du premier sermon de saint Pierre furent baptisés par les soins des apôtres eux-mêmes. De plus, l’imposition des mains par laquelle les simples baptisés recevaient le Saint-Esprit, c’est-à-dire, la confirmation, était un rite sacré réservé aux apôtres, Act., viii, 17-19. Et ce pouvoir est dit « un don de Dieu », id., 20 ; cf. Act., ii, 38 ; xix, 1-6 ; Heb., vi, 1-2. De plus encore, la fraction du pain (eucharistique) est célébrée par les apôtres. On en trouve un témoignage probable dans Act., xx, 7 (et selon quelques-uns, xxvii, 35) ; un témoignage certain dans I Cor., x, 16. Nous ne parlons ici que pour mémoire de l’imposition des mains par laquelle étaient constitués les chefs des nouvelles églises fondées par les apôtres. Voir plus loin, col. 1235.

Ce sont là les fonctions sacrées qui constituent le « ministère » exercé par les apôtres en vue de la sanctification des âmes, c’est-à-dire le ministère afférent au pouvoir d’ordre. Ce ministère, saint Paul le revendique hautement pour lui-même. Il se dit le dispensateur des mystères divins, I Cor., iv, 1 ; il parle aux anciens d'Éphèse du ministère qu’il a reçu du Seigneur Jésus, Act., xx, 24 ; il en parlera plus' tard aux Corinthiens, II Cor., iv, 1 ; xi, 18, et à Timothée,

I Tim., i, 12. Ce que saint Paul affirme de lui-même, il le faut également affirmer de tous les apôtres, car, bien que tenant directement son pouvoir de JésiisChrist, saint Paul déclare qu’il est l'égal des Douze dans l’apostolat ; cf. Gal., ii, 7 sq. ; I Cor., ix, 1-2 ; xv, 9-10.

Toutefois l’existence du pouvoir sacré s’affirme plus explicitement et plus conformément au développement de l'Église, dans l’institution de nouveaux ministres, destinés à aider les apôtres ou même à les remplacer dans les Églises par eux fondées.

II. LES APOTRES ONT INSTITUÉ DES MINISTRES SACRÉS DANS LES ÉGLISES PAR EUX FONDÉES. —

II ne s’agit pas d'étudier l’origine des différents ordres, tels que nous les connaissons aujourd’hui, et de discuter les différentes hypothèses mises en avant par la critique indépendante pour infirmer les solutions proposées par les théologiens catholiques. Cet aspect du problème a été exposé aux différents articles correspondant à chacun des ordres ; voir, en particulier. Diacre, Évêque, t. iv, col. 703 ; t. v, col. 1656 On veut simplement trouver ici, sous chacune des dénominations employées pour désigner les ministres sacrés de la primitive Église, l’indication d’un pouvoir sacré, s’exerçant à l’endroit du corps mystique de l'Église pour le sanctifier, ou à l’endroit du corps réel du Christ dans l’eucharistie, pour offrir à Dieu le sacrifice ; ce qui implique, en ceux qui possèdent ce pouvoir sacré, une participation réelle au sacerdoce de Jésus-Christ.

Diacres.

Une première institution a lieu presque au lendemain de la Pentecôte, l’institution des « Sept », Act., vi, 1-7. Bien qu'élus à l’occasion du