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ORDRE. INSTITUTION PAR LE CHRIST


thenticité du toûto Ttoteïts. Elle représente, en etïet, une tradition antérieure à la rédaction définitive des premiers évangiles. Voir Eucharistie, col. 1090-1094.

Par ces paroles, Jésus-Christ fait tout d’abord du sacrifice eucharistique qu’il vient d'établir, une institution permanente et obligatoire. La thèse protestante, qu’après Luther, De captivitate babylonien, édit. de Weimar, t. vi, p. 563, ont soutenue Strauss, Kaiser. Stephani, — à savoir que ces mots : /ailes eeei en mémoire de moi contenaient, non un ordre, mais une simple permission ou autorisation est incompa tible avec le sens obvie du texte. Le déterminatif quotiescumque bibetis (1 Cor., xi, 25), n’infirme pas l’impératif : fæite ; il ne pose pas une condition, réalisable ou non au gré des apôtres ; il indique seulement le moment où doit être reproduit le sacrifice du Christ. C’est quand il faudra manger le corps du Sauveur et boire son sang qu’il faudra également répéter le geste du Christ. Ainsi donc, sans donner expressément à 7ïoi£Ïv le sens précis de sacrifier, on doit retenir néanmoins que, dans l'Église fondée par Jésus, le sacrifice visible de la Cène devra être réitéré et qu’ainsi jusqu'à la fin des siècles, les fidèles pourront participer au corps donné, au sang répandu.

Corrélativement, par ces paroles, Jésus donne aux apôtres le pouvoir de réitérer ce sacrifice. Sans communication de ce pouvoir, comment les apôtres pourraient-ils offrir de nouveau l’eucharistie ? Et, puisque cette offrande de l’eucharistie doit se renouveler jusqu'à la fin du monde, il faut aussi que se perpétue jusqu'à la fin du monde le sacerdoce ordonné à ce sacrifice. Ainsi, « à l’institution d’un sacrifice visible et permanent correspondait l’institution d’un sacerdoce visible et également permanent ; et puisque Jésus allait remonter vers son Père, il établissait, pour tenir sa place sur la terre, des prêtres visibles. » 'fixeront, L’ordre et les ordinations, p. 31. Cette interprétation des paroles. Faites ceci en mémoire de moi, commune dans la tradition catholique, a été officiellement consacrée par le concile de Trente, sess. xxii, c. i et can. 2, Denz.-Bannw., n. 938, 949.

b) Ce pouvoir concerne également la sancti fication des âmes par des rites sacrés. — Pierre, tout d’abord, Matth.. xvi, 19, puis tous les apôtres collectivement, id., xviii, 18, ont entendu Jésus-Christ leur promettre le pouvoir de « lier et de délier ». Sur la signification ample de cette promesse, voir Église, t. iv, col. 2200 sq. Remarquons toutefois que ce sens général se trouve précisé sur un point particulier qui comporte l’exercice d’un pouvoir vraiment sacerdotal, la rémission des péchés au nom de Dieu. Après sa résurrection, Jésus communique en fait ce redoutable pouvoir : < Comme mon Père m’a envoyé, moi je vous envoie. Lorsqu’il eut dit ces mots, il souffla sur eux et leur dit : « Recevez le Saint-Esprit. Les « péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, « et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez. » Joa., xx. 21-23 ; cf. Luc, xxiv, 49. Les interprètes catholiques font remarquer ici, contre l’exégèse protestante, qu’il s’agit bien dans l’esprit de Jésus, de communiquer aux apôtres un véritable pouvoir de remettre, d’effacer les péchés. Les apôtres ne pardonneront pas, comme un homme pardonne à son ennemi, sans effacer la faute morale commise à son égard ; ils ne déclareront pas les péchés remis et pardonnes ; ils remettront, ils effaceront, ils pardonneront eux-mêmes ; et, ce faisant, ils sont les juges de ce qu’ils feront. S’ils jugent bon de remettre, ils remettront, &v àcpîJTc … àcpécjvrai ; mais s’ils jugent bon de retenir, ils retiendront. Il y a ici un véritable pouvoir sacerdotal, qui constitue les apôtres et leurs successeurs jusqu'à la fin du monde, les représentants

de Dieu auprès des hommes pour leur appliquer les fruits de la rédemption. Cette interprétation est, elle aussi, sanctionnée par le concile de Trente, sess. xiv, c. i, et can. 3, Denz.-Bannw., n. 894, 913 ; cf. sess. xxiii, c. i et can. t, id.. n. 957, 961.

Un mode particulier de rémission des péchés, c’est le baptême, rite sacré, confié lui aussi, au pouvoir sacerdotal des apôtres. Déjà, dans saint.Marc, le Christ leur avait dit : « Allez dans tout l’univers, et prêchez l'Évangile à toute créature. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ; celui qui ne croira pas sera condamné. > xvi, 15-16. Après la résurrection, saint Matthieu nous rapporte les termes exprès par lesquels Jésus confie cette mission et confirme ce pouvoir : « S’approchant, Jésus parla (aux Onze), disant : « Toute puissance m’a été donnée dans le « ciel et sur la terre. Allez donc, enseignez toutes les « nations, les baptisant au nom du Père et du Fils et « du Saint-Esprit, leur apprenant à garder tout ce « que je vous ai commandé. Et voici que je suis « avec vous tous les jours, jusqu'à la consommation des siècles. » Matth., xxviii, 19-20. Le mot « donc » qui suit « allez » est ici sûrement authentique ; il montre clairement (ce qui déjà résulte du contexte) que la mission des apôtres dérive de la puissance du Christ. Le pouvoir sacerdotal relatif au baptême et aux autres choses que Jésus confie à la garde de ses successeurs visibles est donc bien dérivé du pouvoir sacerdotal du Christ Lui-même.

Nous avons souligné l’allusion du Christ aux autres choses, marquant par là que la liste des rites sacrés par lesquels s’exercera le nouveau sacerdoce n’est pas close avec le baptême, l’eucharistie et la rémission des péchés.

5. La communication du pouvoir sacerdotal aux apôtres a-t-elle impliqué, de la part de Jésus-Christ, un rite sacré spécial ? — Rien, dans le texte inspiré, ne nous autorise à le penser. Les paroles par lesquelles le Sauveur donne à ses apôtres, à la dernière Cène, le pouvoir de renouveler le sacrifice eucharistique, et, après la résurrection, le pouvoir de remettre les péchés, ne constituent pas nécessairement un rite sacramentel. D’ailleurs, la question est de minime importance. Les théologiens catholiques ont toujours considéré qu’en raison de sa puissance d’excellence par rapport aux sacrements, le Christ n'était pas lié par les rites sacramentels. Il pouvait conférer les sacrements en la manière qu’il lui plaisait. Ad excellentiam potestatis Christi pertinel quod ipse potuil efjectum sacramentorum sine cvteriori sacramento con/erre, S. Thomas, Sum. theol., III a, q. lxiv, a. 3.

Le Christ pouvait donc instituer l’ordre simplement en le voulant et en exprimant sa volonté par rapport à ceux qu’il revêtait ainsi du caractère sacré. Il est donc parfaitement oiseux de supposer, comme Bellarmin le fait, De sacramento ordinis, c. n. que ïe Christ a pu ordonner ses apôtres par le rite de l’imposition des mains. Si les Écritures n’en font pas mention, écrit le grand controversiste, cependant elles ne nous affirment pas le contraire, et JésusChrist a fait beaucoup de choses qui ne sont point écrites.

Si donc nous voulons savoir ce qu'était primitivement le rite sacré par lequel fut conféré l’ordre, c’est aux apôtres et à la primitive Église qu’il le faut demander. Ce rite a certainement été employé conformément à la volonté de Jésus-Christ qui, avant de remonter au ciel, l’aura indiqué tout au moins d’une manière générale.

P. Batifîol, L'Église naissante, c. n ; Ch. Pesch, S..1., Prœlectiones dogmaticiv, 1. 1, Fribourg-en-Br., 1905, n.261318 ; I. (Jttiger, S. J., Theologia fundamentalis, Fribourgen-B., t. ii, 1901, llièses i et n ; M. d’Herbigny, S. J.,