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PALLADIUS


iadius que comme d’un tiers, dont les faits et gestes sont rapportés avec beaucoup de détachement. D’ailleurs l’évêque du Dialogue est un vieux prélat, qui vient à Rome pour la première fois. Or, en 408, Palladius n’avait guère que quarante-cinq ans ; s’il avait été à Rome à ce moment (ce qui d’ailleurs est impossible) c’eût été sa seconde visite (il y était déjà venu en 405). Et puis en 408, Palladius était exilé au fond de la Haute-Egypte. Il est donc clair que l’évêque du Dialogue n’est pas Palladius.

Cela ne veut pas dire que Palladius n’en soit pas l’auteur. Il est trop clair, quoi qu’en dise Tillemont, que, dans son exil de Syène, l’évêque d’Hélénopolis pouvait fort bien composer un dialogue fictif dont il mettait la scène à Rome et dont il prenait pour personnages un diacre et un évêque anonymes. Dans ce contexte rien ne l’empêchait d’insérer les faits et gestes dont il avait été l’acteur et le témoin.

Or, cette attribution du Dialogue à Palladius est déjà faite au viie siècle par Timothée, évêque de Trimithonte qui compose, vers 680, une vie de Jean Chrysostome. Il écrit : AiaXéyeTat Tispl’Icoàvvou [iz-cà. 0so(Swpou Stax.ôvou -rîjç u.£yi>.7)ç’Piojrrçç àvrjp xtç t^ioç IlaXXâSooç Totfvofia. Et Timothée de compléter son signalement en disant : « Celui-ci, après avoir d’abord habité le désert pendant un certain temps, fut honoré de l’épiscopat en Bithynie. Il a composé aussi les vies (litt. les vertus) de nombreux Pères et, pour avoir communiqué avec Jean, il fut emprisonné onze mois dans un cachot obscur. » Vie, n. 2, P. G., t. xlvii, col. lv. Il s’agit évidemment ici de l’Histoire lausiaque et d’un trait qui y est rapporté. — Analysant un autre livre sur Chrysostome d’un écrivain nommé Georges, inconnu par ailleurs, Photius dit que celui-ci prétend avoir trouvé ses renseignements dans Palladius. BibL, cod. xevi, P. G., t. ciii, col. 341.

Et cette attribution est confirmée par le fait qu’il existe une étroite parenté entre le Dialogue et l’Histoire lausiaque. L’étude stylistique montre, de part et d’autre, la même phraséologie, le même vocabulaire. Plusieurs citations scripturaires, d’ailleurs différentes du texte reçu, se retrouvent des deux côtés. Les informations données sur les personnages qui figurent ici et là sont identiques. Les deux écrits connaissent Évagre le Pontique et en citent des fragments analogues. Comme l’écrit dom Butler : « La conclusion est justifiée qui fait des deux livres l’œuvre d’un seul et même auteur. » Journ. of theol. slud., t. xxii, p. 139-144. — Cette conclusion, qui est aussi celle de P. R. Coleman-Norton, permet de renforcer la vie de Palladius de tous les événements qui sont rapportés de celui-ci dans le Dialogue ; d’autre part, elle permet d’envisager le Dialogue comme une source de tout premier ordre pour

’histoire de saint Jean Chrysostome.

L’Histoire lausiaque.

Texte dans Butler, t. ii,

p. 1-109 ; reproduit avec quelques améliorations dans Lucot.Cf. P. G., t. xxxiv, col. 995-1260.— Ce titreassez singulier, IlaXXaSîou vauaiaxôv, mais qui est attesté par les meilleurs mss., doit se traduire par celui-ci, qui se rencontre également : y) repôç vauaôv îcrropîa. Le titre de Paradis qui se trouve en beaucoup de témoins est un terme générique pour désigner les œuvres relatives aux moines d’Egypte. Plusieurs de ces témoins mettent ce Paradis sous le nom d’Héraclide. Voir Butler, t. ii, p. 182-183.

C’est l’histoire des ascètes illustres racontée à Lausos, un haut fonctionnaire de la cour de Constantinople. Ami et protecteur de Palladius, ce personnage avait exprimé le désir de connaître les faits et gestes de ces moines d’Egypte, de Palestine et d’ailleurs, dont on commençait à parier beaucoup dans la capitale. C’est pour satisfaire à cette demande que Palladius rédigea, en 419-420, cette série de biographies monastiques.

DICT. DE THÉOI.. CATH.

Le livre eut, dès le début, un très vif succès et spécialement dans les milieux d’où il sortait, c’est-à-dire chez les moines eux-mêmes. Or, en même temps que lui, circulait une composition analogue, l’Historia monachorum, 7) xax’AïyuTcxov twv u.ovâxwv ta-ropla, qui, cantonnée dans la description du monachisme égyptien, traitait d’un bon nombre de personnages dont parlait aussi l’Histoire lausiaque. Une contamination des deux écrits était inévitable. Pendant qu’un certain nombre de copistes gardaient le texte pur de l’un et de l’autre, certains complétaient l’un par l’autre les deux textes. C’est sous cette dernière forme composite que l’Histoire lausiaque a été connue en grec jusqu’à nos jours. Les recherches de dom Butler d’un côté, d’E. Preuschen de l’autre, ont enfin réussi à dégager le texte primitif de chacune des deux compositions. En 1897, paraissait l’édition critique de l’Historia monachorum, donnée par le professeur allemand, en 1904, après de longs travaux d’approche, l’édition critique de l’Histoire lausiaque, publiée par le bénédictin anglais. C’est à ce dernier texte qu’il faut désormais se reporter ; celui qui est donné dans P. G., représentant une de ces contaminations dont nous avons parlé.

Si on laisse de côté un premier préambule et une lettre à Lausos, pièces dont l’authenticité n’est pas bien assurée, l’ouvrage débute par une courte préface, où l’auteur, répondant au désir de son illustre ami, annonce son intention de rassembler ce qu’il a vu ou entendu, sur « les Pères, hommes et femmes, tôv Trarépwv, àppsvwv te xoà OïjXetwv, dans le désert d’Egypte, en Libye, en Thébaïde, à Syène, au-dessous de laquelle (en descendant le fleuve) sont ceux qu’on appelle les Tabennésiotes, puis en Mésopotamie, en Palestine, en Syrie, et dans les parties de l’Occident, à Rome, en Campanie et dans les régions d’alentour ». Ces indications géographiques paraissent fournir le plan même du récit. En fait, l’auteur le suit à peu près, sauf des digressions assez fréquentes, qu’amené la similitude de certains souvenirs rapportés. Commencé par Alexandrie, le périple s’achève linalement en Galatie, après avoir touché Rome. Sur cette longue route, l’auteur a rencontré les héros de l’ascétisme chrétien, et il rappelle ici les souvenirs qui lui en sont restés. Ce qu’il rassemble dès lors, ce sont moins des biographies, au sens propre du mot, que des traits édifiants. Très rares sont les notices qui permettraient de reconstituer au complet la vie d’un de ses personnages. Mais les récits anecdotiques abondent, entrecoupés des réflexions de l’auteur et même de ses confidences sur ses états d’âme. On a pensé, non sans vraisemblance, que la notice consacrée par Palladius « au frère qui est avec lui, depuis son enfance », c. lxxi, p. 167, décrit tout simplement les propres expériences du rédacteur lui-même.

Poésie ou vérité ? C’est la question autour de laquelle on vient de batailler assez vivement. L’époque est passée, sans doute, où l’on assimilait la valeur historique de l’Histoire lausiaque et des récits parallèles à celle des « voyages de Gulliver ». Mais, tout en reconnaissant qu’il y avait dans l’œuvre de Palladius nombre de souvenirs personnels, certains critiques, entre autres V. Bousset et R. Reilzenstein, ont essayé de contester le caractère vécu de nombreuses anecdotes dont Palladius prétend avoir été le témoin. Se fondant sur une série de remarques, les unes assez fines, les autres un peu arbitraires, ces auteurs se représentent le livre comme formé de deux morceaux ; le second est l’œuvre de Palladius, tandis que le premier ne serait qu’un remaniement effectué par lui d’un recueil des tours de force (àpy)ToX6Yt.ov) des moines de Nitrie ou de Scété. De l’aveu même de ces critiques, d’ailleurs, il n’est pas aisé de découvrir le plan de clivage entre

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