Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.2.djvu/341

Cette page n’a pas encore été corrigée

1815 PALAMITE (CONTROVERSE). DESTINÉES ULTÉRIEURES 1816

d’accord, pour ce qui regarde le palamisme, avec la doctrine de ses théologiens, qui, depuis la fin du xviie siècle jusqu'à nos jours, ont régulièrement enseigné tout le contraire des thèses de Palamas. Nous avons pu consulter deux des manuels de théologie utilisés dans les séminaires russes dans la seconde moitié du xviiie siècle et au début du xixe. L’un et l’autre se taisent sur les théories de Palamas et enseignent la doctrine des théologiens catholiques sur l’essence de Dieu et ses attributs. Le premier, Théophylacte Gorskii, écrit : Sciendum est omnia atlributa Dei lam inter se quam cum essentia Dei esse re ipsa idem, ita ut unumquodque de alio, et unumquodque de essentia Dei, et vicissim essentia Dei de unoquoque eorum prædicari possit, verseque sint enuntiationes istæ : Sapientia Dei est ipse Deus ; Sapientia Dei est Dei omnipotentia, etc… Eadem Dei attributa non de essentia Dei tantum, sed et de singulis personis prædicari in recto possunt, ita ut l’erum sit dicere : Deus Pater est divina sapientia ; Deus Filius est divina sapientia, etc. Hinc consequitur personas divinas, qualenus inter se tantum, non autem ab essentia Dei dislinguuntur, non distingui etiam ab altributis divinis. Orthodoxæ orientalis Eeclesix dogmata seu doctrina christiana de credendis, éd. de Saint-Pétersbourg, 1818, p. 77. Le second, Sylvestre Lebedinskri, n’est pas moins explicite : Atlributa divina, dit-il, prout conceptibus nostris formantur, multiplicia sunt, et a se invicem diffère Atia ; sed prout sunt in Deo, ab eo non difjerunt : unica enim essentia divina omnes illas perfectiones in se complectitur, sive est quælibct earum

eminenter Nihil est in Deo quod non sit Deus. Com pendium theologiæ classieum, 2e éd., Moscou, 1805, p. 112 et 805.

Les manuels de théologie composés au xixe siècle contredisent également le palamisme. Celui d’Antoine Amphiteatrov, qui a été traduit en grec, déclare « qu’il n’y a en Dieu aucune distinction réelle des attributs ; c’est nous qui, à cause de la faiblesse de notre esprit, distinguons en lui des propriétés variées ; quant à lui, il est parfaite unité et identité, esprit très pur et absolument simple. » Théologie dogmatique de l'Église orthodoxe catholique orientale, traduction grecque de Vallianos, Athènes, p. 72. Ailleurs, le même auteur dit qu’au ciel les saints voient l’essence de Dieu : o<)ôu.eQot. -T7]v Gslocv toG XptaTOÎJ oùcrîav [ze-rà xoù ITaTpôç xai toG âyîou Tlvsùiiaroç, . Ibid., p. 418. Macaire Bulgakov, dans son cours développé, parle des deux extrêmes qu’il faut éviter dans la question de l’essence de Dieu comparée à ses attributs : d’un côté, le réalisme, posant une distinction réelle entre l’essence et les attributs et entre les attributs respectifs ; de l’autre, le nominalisme, qui ne voit que des synonymes dans les mots par lesquels notre esprit exprime les diverses perfections qu’il attribue à Dieu. « La première opinion, ajoute-t-il, dans une note, fut soutenue en Occident, au xiie siècle, par Gilbert de la Porrée, évêque de Poitiers, et, en Orient, au XIVe siècle, par quelques moines de l’Athos. » On voit avec quel dédain le célèbre théologien russe parle de Palamas, de sa doctrine et de ses disciples. D’après lui, la doctrine de l'Église orthodoxe, puisée dans la révélation divine, est que l’essence de Dieu et ses attributs, ainsi que les attributs entre eux, ne se distinguent pas dans la réalité même ; mais qu’entre ces notions il y a une distinction réelle dans notre esprit, et qu’il existe en Dieu un fondement à cette distinction. Pravoslavno-dogmalitcheskoe Bogoslovie, t. i, 4e éd., Pétrograd, 1883, p. 144-145. Pour ce qui regarde la nature de la grâce et l’objet de la béatitude, le même théologien ignore complètement l’opinion palamite et s’exprime comme un catholique. Sylvestre Malevanskii, dans l’Essai de théologie dogmatique orthodoxe, 1. 1, Kiev, 1892, p. 6sq., est d’accord avec Macaire, et déch’re, p. 55-56, que

saint Thomas d’Aquin a exposé parfaitement la vraie doctrine sur cette question. Philarèle Goumilevski :, dans Pravoslavnoe dogmatitcheskoe Bogoslovie, 3e éd., Pétrograd, t. i, 1883, p. 36-38, s’exprime d’une manière assez obscure sur l’essence de Dieu et ses attributs, et ne paraît pas bien saisir le problème. Il classe pourtant parmi les erreurs la doctrine de <.ilbert de la Porrée, voisine de celle de Palamas. Quant à Barlaam, il le considère comme un pur nominaliste.

Un point demeure obscur chez certains théologiens russes contemporains, c’est celui de l’objet de la béatitude du ciel. Impressionnés par les textes de quelques Pères anciens sur l’incompréhensibilité de Dieu, ils paraissent nier que les élus voient l’essence divine en elle-même, mais ne disent pas en quoi consiste la vision béatifique. Philarèle de Moscou, dans son Catéchisme développé, affirme, d’un côté, que l’essence de Dieu est au-dessus de la connaissance des hommes et des anges, sans distinguer entre la connaissance naturelle et la connaissance surnaturelle ; de l’autre, il déclare que la béatitude provient de la contemplation de Dieu dans la lumière et la gloire et que les corps des saints, à la résurrection, seront embellis par la lumière divine, tout comme le corps de Jésus-Christ, au jour de la transfiguration sur le Thabor. Il faut avouer que ce n’est pas très clair, et qu’on pourrait découvrir dans ces expressions des traces de palamisme. Peut-être Philarète est-il resté volontairement dans la pénombre pour ne pas heurter trop violemment l’ancien dogme palamite. Dans l’Encyclopédie théologique orthodoxe, publiée sous la direction de A. P. Lopoukhine, puis de N. Gloubokovskii, Ivan Sokolov, à l’article Varlaam, t. iii, col. 155-157, dit simplement que la doctrine de Palamas fut confirmée par l'Église, sans nous renseigner sur cette doctrine elle-même. On devine l’embarras des théologiens russes pour parler du palamisme. Ils ne peuvent pas ne pas s’apercevoir de la position fausse dans laquelle se trouve l'Église gréco-russe de nos jours par rapport à l’ancienne orthodoxie byzantine du xive siècle.

VIII. La controverse palamite et l’apologétique catholique. — C’est précisément sur cette position fausse que nous voudrions attirer l’attention du lecteur, à la fin de cet article.

Nos théologiens paraissent parfois à court d’arguments clairs et décisifs pour démontrer que l'Église dissidente d’Orient n’est pas la véritable Église. Les polémistes orientaux, dans leurs attaques contre le catholicisme, ont tellement parlé des innovations latines et tellement vanté l’immutabilité de leur Église, qu’on a presque fini par les croire sur ce dernier point. Or, il n’est pas d'Église qui ait montré plus d’incohérence dans son enseignement dogmatique que l'Église gréco-russe. L’histoire de la controverse palamite vient de nous en donner une preuve entre beaucoup d’autres. Le cas est vraiment trop peu connu, typique. Au xive siècle, on canonise la doctrine palamite. On la présente comme un développement authentique de la définition du VIe concile œcuménique. Quiconque la rejette est un hérétique, qui est poursuivi comme tel, frappé de l’anathème et privé de la sépulture ecclésiaslique. Chaque année, au premier dimanche de carême, on répète les anathématismes et les acclamations où elle se trouve solennellement exprimée. Au second dimanche de carême, on célèbre à l'égal d’un des plus grands docteurs de l'Église le père de cette doctrine, Grégoire Palamas. Dans le même temps, dans les académies ecclésiastiques et les séminaires, on réfute comme une erreur cette même théologie, et l’on enseigne les thèses qui lui sont diamétralement opposées et qu’on a condamnées en la personne de Barlaam, d’Acindyne, de Nicéphore Grégoras et de Prochore Cvdonès.