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PALAMAS. L’ESSENCE DIVINE ET SES OPERATIONS


les sources de la foi, Écriture et Tradition. C’est ce que déclare ouvertement l’auteur du t6p.oç âyiop£t, T ! x6ç, Philothée Kokkinos, au début du document : la rêvé ation palamite est assimilée à la révélation évangélique. Ce que les mystères rêvé es dans l'Évangile, et en particulier le dogme de la Trinité, ont été par rapport à la loi mosaïque, les arcanes de l’hésychasme, dévoilés par ceux qui les ont expérimentés, le sont par rapport à la loi évangélique. Sous la loi mosaïque, les prophètes seuls eurent connaissance des mystères révélés par le Verbe fait chair. Sous la loi évangélique, les secrets de la vie future sont manifestés à ceux qui, ayant renoncé pleinement au monde, s’adonnent à la vie contemplative, à I'ïjctuxî », « qui par une exacte vigilance et une prière sincère, s'élevant au-dessus d’eux-mêmes, passent en Dieu, et par l’union mystique et ineffable qu’ils contractent avec lui, sont initiés aux choses qui surpassent tout entendement : xal Stà -KÇtOrsoyrriç, àxpiëoùç xal ^posEu^ç ElXixpivoùç ûrrèp éauToùç yEvôfXEvoi xal yEyovÔTEÇ èv ©ew, 81à rîjç Trpàç aùxôv jjiuaTixîjç i’j7rsp voùv évwctecùç, Ta ÛTrèp voûv è[i.o7)0r]aav. » P. G., t. cl, col. 1228C. Au témoignage d’Acindyne, "ExŒctiç ènl-coy-oç, tcov toù LTaXapiôc Trovr.poTaTcov alpÉCTEwv, dans le cod. Monacensis 223, fol. 23v°, Palamas avouait enseigner une théologie nouvelle inconnue des anciens Pères : « Ce sont, disait-il, des mystères demeurés cachés jusqu'à ce jour et qui se trouvent indiqués seulement en énigme dans la sainte Écriture, tout comme ce qui regardait le Christ avant son incarnation, (xuar/)pta yàp eTvat tocutoc [léxpi toù TrapévToç àroxpoça, èv [xôvoiç alviyji.aat. xsl[i.£va roxpà Tfl Osîa rpa<pîj, toomp xal xà Trspl « utou tou XptaToû Tcplv aapxcoGîivai aÙTÔv. » D’après le même Acindyne, au métropolite de Ténédos, qui leur disait qu’il fallait se contenter du symbole de la foi, les palamites répondirent, — c'était en 1344 — : « Le symbole suffit aux porchers mais non à des hommes spirituels : àxoûaaç Trap’aÙTtov /oipoêoaxoïç TaÙTrjv àpxetv tïjv tocttiv, où 7rvsu(JiaTixotç àvSpâai, . "Acindyne, Aoyoç TCpôç tov ji.axapi.wTaTOv ntxiç>i&pyj)v xûp 'Iwâvv^v xal t/)v icepl aÙTÔv aiivoSov, cod. cit., fol. 55.

De même, à la première session du concile de 1351, la théologie nouvelle fut présentée comme un développement légitime de la définition du VIe concile, yJtiç oùSè 7vpoa07)X7) àv xaXoîro Sixaîwç, wç àvâriTuÇiç oùaa tyjç olxou[j.£vixî)ç eKTYjç ctuv680u. P. G., t. cli, col. 722 B. Et au concile de 1368, le tome de ce même concile de 1351 fut acclamé comme la colonne de l’orthodoxie, la règle infaillible des dogmes de la foi, le développement et le commentaire des saints Evangiles et du symbole divin, xal tûv kpâiv £Ùayy£Xîcov xal tou Œtou auji.66Xou àvdcTTTu^iv xal èÇYjyrçaiv. P. G., ibid., col. 714 C ; cf. col. 702 D.

Un peu plus tard, Marc d'Éphèse, dans ses KsçâXaia auXXoyi.CTTt.xa Ttspl oùarlaç xal èvspyEÎat ;, déclarait qu’il ne fallait pas s'étonner de ne pas rencontrer chez les anciens la distinction claire et nette entre l’essence de Dieu et son opération. Si, de nos jours, disait-il, après la confirmation solennelle de la vérité et la reconnaissance universelle de la monarchie divine, les partisans de la science profane ont créé à l'Église tant d’embarras à ce sujet et l’ont accusée de polythéisme, que n’auraient pas fait autrefois ceux qui s’enorgueillissaient de r eur vaine sagesse et ne cherchaient qu’une occasion de prendre en défaut nos docteurs ? C’est pourquoi les théologiens ont insisté davantage sur la simplicité de Dieu que sur la distinction qui se trouve en lui. A ceux qui avaient peine à admettre la distinction des hypostases, il ne fajlait pas imposer la distinction des opérations. C’est avec une sage discrétion que les dogmes divins ont été éclaircis suivant les temps, la divine sagesse utilisant

pour cela les folles attaques de l’hérésie : xal yàp oùS' Ç)v eoXoyov toïç [a^ttu xaOapôiç -rrçv tùv ûttocttocctewv TzaçcuBs^rxiiévoiç ërt, xal ttjv twv èvepyetcôv èTuepopTÎÇs'.v SiâxptCTtv. » W. Gass, Die Mysiik des Nicolaus Cabasilas, 2e appendice, Greifswald, 1849, ne donne pas ce passage, que nous tirons du Canon Oxoniensis 49.

Il faut reconnaître que l’audace de Palamas n'était pas petite d’oser présenter d’emblée une pareille quantité d’innovations dans une Église où le conservatisme doctrinal et l’attachement aux antiques formules étaient poussés à l’extrême. Aussi verronsnous cette théologie soulever une longue tempête et n’arriver à s’imposer comme doctrine officie le que par l’appui de la force brutale. Tout ce que Palamas pouvait recueillir dans la tradition antérieure comme fondement lointain et équivoque de son système, c'était : 1° Le langage anthropomorphique habituellement reçu sur Dieu et ses perfections, langage nécessairement impropre et faux, si on le prend à la lettre, et que le philosophe et le théologien corrigent dans leur esprit par des sous-entendus sauvegardant la transcendance absolue de l'être divin ; 2° des expressions également anthropomorpbiques, entremêlées de métaphores, de synecdoques et d’autres figures habituelles aux orateurs et aux poètes, sur la lumière du Thabor ; 3° la doctrine de certains Pères grecs, spécialement des adversaires d’Eunomius et d’Aétius, sur l’incompréhensibilité de Dieu ; 4° le langage figuré des mystiques byzantins sur la vision de la lumière divine et la divinisation de l’homme par la grâce.

Ces éléments équivoques, le théologien hésychaste et ses disciples les ont, en effet, utif ses. Tout d’abord, il est visible que Palamas se fait de Dieu une conception anthropomorphique. Il le conçoit sur le modèle de l'âme humaine avec ses diverses facultés et tnergies. Il admet en lui ce que nos théologiens appellent la composition métaphysique réunissant une substance et des accidents émanant physiquement de cette substance et subsistant en elle, quoique lui étant inséparablement unis et ne pouvant subsister hors d’elle. La transcendance de l'être divin lui échappe. Il croit que Dieu est une essence à la manière des créatures, alors qu’il est au-dessus de toute essence. Du même coup il détruit l’absolue simplicité de l'être divin, et admet en lui une foule de distinctions réel es mineures. Sans doute, nous l’avons entendu plus haut nous dire que les opérations, les attributs émanant de l’essence divine, ces 6e6tt]T£ç ûcpEipvévai dont il parle si souvent, n'étaient pas de vrais accidents ; mais ce ! a vient de ce qu’il se fait de l’accident une conception particulière. Il concède, du reste, que ce sont des quasi-accidents et cela sullit pour nous révéler ! a grosse erreur philosophique de son système. Cette erreur originelle perce à chaque page de ses écrits et spécialement par les comparaisons auxquelles il a recours pour nous manifester sa pensée. C’est, par exemp’e, celle du soleil et de ses rayons, que tous les palamites affectionnent, et celle de l’esprit humain avec ses mu’tipes pensées ou facultés, qui revient si souvent. De même, nous dit Palamas, que l'âme humaine ne perd pas sa simplicité par le fait qu’il y a en elle multiplicité de pensées ou de puissances ; de même la simplicité divine n’est pas détruite par la multiplicité des opérations et perfections émanant de son essence et réellement distinctes de celle-ci et entre elles. Un être n’est dit composé, ctÛvŒtoç, que lorsqu’il est formé de choses existant ou pouvant exister séparément dans la réalité, c’est-à-dire, pour parler le langage de nos théologiens, dans le cas d’une distinction réelle majeure. Deux choses font que Dieu reste simple malgré la multiplicité de ses opérations réellement distinctes : c’est que ces opérations sont inséparables de son essence, et