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PALAMAS L’ESSENCE DIVINE ET SES OPÉRATIONS


1. Idée centrale du système palamite.

Nous venons de voir que, pour repousser l’accusation de dithéisme lancée contre lui par Barlaam, Paiamas a eu recours à la comparaison du soleil et de ses rayons. Pour lui, en effet, comme pour ses disciples authentiques, Dieu est semblable à un astre spirituel incréé et éternel, dans lequel il y a trois choses réellement distinctes et différentes, quoique inséparablement unies et réellement indivises, à savoir : a) un noyau central absolument invisible, inaccessible, imparticipable et indivisible, qui est l’essence divine considérée en ellemême ; b) dans ce noyau central, trois points réellement distincts entre eux et du centre même, qui sont les trois hypostascs ou personnes divines ; c) une multitude de rayons réellement distincts entre eux, partant ab lelerno du centre et des trois points comme de leur source et de leur principe commun, pour atteindre chacun à sa manière et suivant sa nature propre, sans subir aucun changement, les créatures apparues dans le temps. Ces rayons constituent l’opération, svspysia, ou plutôt les opérations, svspysiai, et les divers attributs de Dieu, au moins les attributs communément appelés opéralifs et relatifs ; cf. Paiamas, KsoâXata tpuaixà xai ôsoXoytxà, 91, 92, P. G., t. cl, col. 1185-1188. Un de ces rayons est la lumière divine ou grâce déifiante, qui apparut aux apôtres sur le Thabor, et dont la contemplation fait le bonheur des anges et des élus dans le ciel. Ibid., 93, col. 1188 B.

Telle est l’idée fondamentale du système ; tel est le Dieu de Paiamas. Pour qui a présente à l’esprit cette conception, la lecture des écrits palamites n’offre plus d’obscurité. D’après cette théologie, Dieu n’est pas l'être infiniment simple, l’Acte pur en qui tout s’identifie réellement et qui condense éminemment en son unité les multiples perfections et points de vue que l’esprit créé est obligé de distinguer en lui pour en avoir quelque connaissance. C’est un esprit aux multiples puissances, perfections, opérations, qualités, qui, sans doute, ne sont jamais en puissance et brillent toujours comme les rayons d’un soleil éternel, mais qui sont réellement distinctes entre elles et de l’esprit d’où elles émanent. C’est un fourmillement de perfections autour d’un centre inaccessible.

2. Les formules palamites.

Les formules employées par Paiamas répondent bien à ce concept.

En Dieu, il y a l’essence et ce qui est autour de l’essence ; la nature et ce qui provient, émane de la nature. Jl y a l'élément supérieur et l'élément inférieur et subordonné ; la 0s6tt)ç Ù7tspxsi[jisv7), qui est l’oùaîa, et la Osôtyjç ucpst.ji.evv], qui est l'èvspysia, ou plutôt les Osôtyjtsç ûcpsi ;, isvai, car les opérations de Dieu, ses attributs sont multiples et variés, et rien n’empêche d’employer le pluriel. Dans sa seconde lettre à Ac.indyne, Paiamas dit, par exemple, que « le don déifiant de l’Esprit est une divinité inférieure, don de la divinité supérieure : y) Osottoiôç oVopsà toù

rlvéuiXOtTÔÇ SOT !. Qs6t/)C, U98l.tjt.evY), SûjpOV OÙaa TÎJÇ ÙTTSp xsi[xsvt)c ; ». Ces multiples divinités ne font pourtant qu’un seul Dieu, parce qu’elles ne subsistent pas par elles-mêmes ; elles ne sont ni des essences ni des hypostases ; mais elles subsistent, elles sont enracinées dans l’unique essence ou divinité supérieure possédée par les trois personnes. Elles sont àvoûaiot, àvo7roaTaTOi ; ou mieux êvoûaiot, IvuTiôaTaTOt.

On ne peut pas dire, cependant, que ces GeÔT/jTsç soient des accidents, au sens propre du mot, bien que quelques-uns leur donne ce nom. Ce sont des quasiaccidents, ctu[x6so7)x6ç raûç. Voici un passage caractéristique : « Dieu a quelque chose qui n’est pas substance, zyzi xai ô [i./] ecmv oùaîa. Mais, de ce que cela n’est pas substance, il ne s’ensuit pas que ce soit un accident ; car ce qui non seulement est stable mais encore exempt d’augmentation et de diminution ne

saurait être catalogué parmi les accidents. Mais, du fait que ce n’est ni un accident ni une substance, cela ne veut point dire que ce soit un pur néant : c’est véritablement quelque chose d’existant. Ce n’est pas un accident, puisque c’est quelque chose d’absolu ment immuable. Ce n’est pas non plus une substance. puisque cela ne subsiste pas en soi. C’est, disent certains théologiens, quelque chose comme un accident, voulant seulement indiquer par là que ce n’est pas une substance : 81ô xai au[j.os6 - /)xcç <ro')ç sera roxp' mv 6soX6ytov toûto XÉysTai, toûto Ssixvûvtov ixôvov. oti oùx semv ouata ». Capila phijsica, theologica… 135, P. G., t. cl, col. 1210. Notre théologien ajoute : « Si Dieu agit par sa volonté, et non pas simplement patson être, autre chose donc est son vouloir et autre chose son être. Si donc la volonté divine est, en Dieu, autre chose que la nature, sans cependant être une substance, s’ensuit-il qu’elle n’existe pas ? En aucune manière ; mais elle existe en Dieu, qui n’a pas seulement une essence, mais aussi une volonté, par laquelle il agit. Cette volonté, on peut l’appeler un quasiaccident parce que ce n’est pas une substance ; et on peut lui refuser le nom d’accident, parce qu’elle n’introduit aucune composition, aucun changement. Dieu donc possède quelque chose qui est substance, et quelque chose qui n’est pas substance sans cependant mériter le nom d’accident, à savoir la volonté et l’opération : iysi <xpa ô ©sôç xai ô oùaîa, xai ô (xï) ouata. xàv si [J.7] aup.6s6r)xàç xaXoÏTO, ttjv 6sîav Sr]ko16n pouX/ ; V xai êvépysiav. » Ibid., col. 1216 D.

Paiamas repousse l’adage de la théodicée orthodoxe : Dieu est ce qu’il a. Pour lui, autre chose est le possesseur, autre chose ce qui est possédé ; autre chose est l’essence, autre chose l’opération ; autre chose l’intelligence, autre chose la volonté ; autre chose la bonté, autre chose la justice, et ainsi de tous les attributs, qui se distinguent réellement en Dieu, et de l’essence et entre eux, bien qu’ils soient toujours nécessairement unis à l’essence et dans l’essence, et qu’ils ne soient séparables que par une opération de notre esprit, xax'ÈTTtvotav. Il ne faut pas, en effet, confondre distinction et séparation, Stacpopà xai Siatpsaiç. Il y a, en Dieu, des distinctions réelles, indépendantes de l’opération de notre esprit ; il n’y a en lui aucune séparation réelle, mais tout ce qu’il est et tout ce qu’il a reste inséparablement et éternellement uni.

3. Multiples différences entre l’essence divine et ses opérations ou attributs. — Pour montrer que autre chose est l’essence divine, autre chose ses opérations et attributs, Paiamas s’est plu à donner de longues énumérations des propriétés de l’une et des autres.

a) L’opuscule Adversus Palamam publié par Arcudius sous le nom de Démétrius Cydonès, P. G.. t. c.liv, col. 835-864 (il n’est pas de cet auteur, mais vraisemblablement du moine Niphon), relate jusqu'à vingt-quatre différences ou modes de distinction. TpÔTOi SiaxptasMÇ, établis par Grégoire Paiamas et ses disciples entre l’essence divine et son opération. Manuel Calccas, De essentiel et operatione, P. G.. t. clii, col. 316-317. donne une liste de différences encore plus riche. Contentons-nous de signaler les principales :

1° La divinité supérieure est essence et hypostase : la divinité inférieure n’est ni essence, ni hypostase. 2° L’essence de Dieu est le possesseur, tô sxov ; l’opération, la chose possédée, tô s}(6[i.£vov. 3° L’essence, se dit seulement au singulier ; l’opération supporte et le singulier et le pluriel. 4° L’essence est la cause, le principe, atxta ; les opérations sont les effets, ôttotsXsaiJtara, effets provenant de Dieu, non par voie de création, mais par voie de production, de procession physique. 5° L’essence est invisible et incompréhensible ; l’svspysia est visible même par l'œil corpore'