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PALAMAS. DOCTRINE, ORIGINES


retraite quelconque située dans les environs du monastère. Ils restaient ainsi isolés, s’adonnant à la vie contemplative les cinq premiers jours de la semaine. Le samedi, ils rentraient au monastère pour reprendre contact avec la communauté et célébrer avec elle l’office dominical. L’hésychaste est donc un cénobite qui a senti l’appel à la vie mystique et, du consentement de son supérieur ou higoumène, a renoncé à la vie commune pour mener une vie toute d’union à Dieu et de contemplation. Les hésychastes ne manquèrent jamais autour des monastères orientaux ; mais ils furent plus ou moins nombreux suivant les époques et les endroits. C’est ainsi qu’au début du xive siècle, lorsque Grégoire, dit le Sinaïte, se rendit au mont Athos, il y trouva très peu d’hésychastes, si, du moins, il faut en croire son disciple et biographe, Calliste Xanthopoulos. Cf. J. Pomialooskii, Vie de saint Grégoire le Sinaïte, Saint-Pétersbourg, 1894 ; J. Bois, Grégoire le Sinaïte et l’Iiésychasme à V Athos, au XIVe siècle, dans les Échos d’Orient, t. v, 1902, p. 65-73. C’est lui qui y remit en honneur la vie contemplative. Palamas, nous l’avons vii, mena cette vie presque tout le temps qu’il passa à la Sainte Montagne et aux environs de Bérée, avant de se lancer dans la controverse avec Barlaam.

La vie hésycliaste ne se conçoit guère et paraît difficilement supportable sans le don de contemplation et les grâces mystiques qui l’accompagnent. Il y a eu de vrais et grands mystiques parmi les hésychastes orientaux, et plusieurs ont écrit sur la vie contemplative des ouvrages remarquables, encore inconnus ou mal étudiés. Ces écrits ont fait la nourriture spirituelle des moines contemplatifs. Mais, comme ils sont pleins de métaphores pour décrire les phénomènes mystiques, leur lecture n’est pas sans danger pour des esprits ignorants ou mal équilibrés. Aussi voyons-nous de bonne heure apparaître, parmi les moines byzantins, une fausse mystique, à côté de la vraie. Dès le XIe siècle. un peu avant Michel Cérulaire, Syméon, dit le Nouveau Théologien, enseigne que le pouvoir d’absoudre les péchés est un charisme réservé aux parfaits gratifiés du don des miracles, et que le surnaturel en nous est nécessairement objet de conscience. D’après lui, n’est pas justifié, ne possède pas le Saint-Esprit et la grâce sanctifiante, quiconque n’expérimente pas en luimême leur présence : rien de plus absurde, dit-il, que de se croire revêtu du Christ et de n’en rien sentir. Il ajoute que les cœurs purs voient Dieu dès ici-bas, quoique d’une manière moins parfaite que dans l’autre vie. Ils le voient spirituellement sous forme de lumière, « car Dieu est lumière, et pareille à une lumière est sa contemplation, tpwç ô ©eôç, xal cjç çwç y) Gsa aÙTOÛ ». Cf. J. Hausherr, La méthode d’oraison hesijchaste, dans les Orienlalia christiana, t. ix, 1927, p. 101 sq., spécialement le discours de Syméon, p. 173, 209. Cette méthode de la lumière revient constamment sous la plume du Nouveau Théologien. Dans son traité des amours divins, il compare Dieu à un soleil lumineux et chaud qui descend dans les âmes purifiées pour les remplir de sa présence et de ses ineffables consolations. C’est cette lumière même qui est apparue à Etienne le premier martyr et à Saiil persécuteur. Cf. P. G., t. cxx, col. 507 sq.

Le but auquel doit tendre l’hésychaste est évidemment d’arriver à la jouissance de cette lumière. Syméon exige pour cela une rude ascèse et la mortification de toutes les passions. Mais bientôt d’autres auteurs se montrèrent moins difficiles. On chercha une méthode physique et facile de se procurer la vision de la lumière divine, ou tout au moins de la faciliter. On prit à la lettre et l’on matérialisa grossièrement certaines expressions des mystiques anciens. Saint Jean Climaque, par exemple, avait recommandé

le souvenir habituel du Sauveur et avait dit : « Que le nom de Jésus soit collé à ta respiration. » D’autres avaient insisté sur le recueillement intérieur, la nécessité pour l’esprit de fuir les causes de distraction et de rentrer en soi-même. "Vers le xii-xiir siècle, un moine athonite du nom de Nicéphore, que Palamas catalogue déjà parmi les saints anciens, Le hesijchastis. P. G., t. ci., col. 1116 C D, mit en vogue une méthode physique et scientifique de la garde du cœur, dont nous avons déjà parlé plus haut et qu’il faut décrire maintenant un peu plus au long : « Tu sais. dit-il, que ce que nous respirons, c’est l’air. L’organe par lequel nous l’expirons n’est autre que le cœur, cause de vie et de chaleur pour le corps. Le cœur attire le souffle ( : rv£Û[j.a), afin de tempérer sa chaleur par la respiration et de se procurer ainsi la température convenable. L’agent de cette manœuvre, c’est le poumon, que le créateur a composé de tissus ténus, et qui, pareil à un infatigable soufflet, fait entrer et sortir l’air ambiant… Toi donc, assieds-toi. et recueillant ton esprit, fais-le passer par le a nal du nez, qui véhicule l’air dans le cœur. Pousse-le et force-le à entrer dans le cœur avec l’air aspiré. Une fois qu’il aura pénétré là, tout ne sera plus que joie et allégresse. Comme un homme, de retour dans sa maison après un voyage, ne se tient plus de joie en revoyant sa femme et ses enfants, ainsi l’esprit, après s'être uni à l'âme, est rempli d’un plaisir et d’une joie ineffables. Aussi, frère, enseigne à ton esprit à ne pas sortir de là aussitôt. Car, dans les débuts, cette réclusion, ce resserrement à l’intérieur, lui est insupportable. Mais une fois habitué, il ne trouve plus de plaisir aux divagations extérieures. Car le royaume des cieux est au dedans de nous, et notre esprit le contemplant là et le recherchant par une prière pure, estime tout le dehors digne d’aversion et de haine… Mais une fois entré là, l’esprit ne doit pas rester silencieux : son occupation, sa méditation ininterrompue doit être ce cri : « Seigneur JésusChrist, ayez pitié de moi. Car cette invocation, préservant l’esprit des distractions, enlève à l’ennemi toute prise sur lui et le fait monter de jour en jour vers l’amour et le désir de Dieu. nui si, malgré tes efforts, mon frère, tu ne peux pas entrer dans la région du cœur, comme je te l’ai recommandé, fais ce que je te dis, et Dieu aidant, tu trouveras ce que tu cherches. Tu sais que la raison de tout homme (tô Xoy.aTi.x6v) est dans sa poitrine ; car. même lorsque nos lèvres se taisent, au-dedans de notre poitrine nous parlons, nous délibérons et nous formons des prières et des psaumes et d’autres choses. A cette raison donc enlève toute pensée (tu le peux, si tu le veux), et donne-lui le « Seigneur Jésus-Christ, ayez pitié de moi ». Efforce-toi de remplacer par ce cri intérieur toute autre pensée, et, à la longue, cela t’ouvrira sûrement l’entrée du cœur, comme l’expérience nous l’a appris à nous-mêmes. » De cordis cuslodia. P. G., t. cxlvii, col. 963-966. Cf. J. Hausherr. op. et loc. cit., p. 102-104.

Un autre écrit, mis sous le nom de Syméon le Nouveau Théologien, qui existait déjà au débul du xiie siècle, intitulé : MéGoSoç tyjç îepSç npoovr/rfi xal 7rpoao7-/jç, Méthode de la sainte oraison et attention, ou encore : Ilepl tcov xptâv rpcKaiv ttjç 71poæv/riç, était bien connu à l’Athos, au début du xive siècle. Le passage caractéristique est le suivant : « Assis dans une cellule tranquille, à l'écart, dans un coin, fais ce que je te dis : Ferme la porte et élève ton esprit au-dessus de tout objet vain et temporel : ensuite, appuyant ton menton sur la poitrine et tournant l'œil corporel avec, tout l’esprit sur le milieu du ventre, autrement dit le nombril, comprime l’aspiration d’air qui passe par le nez, de façon à ne pas respirer à l’aise, et explore mentalement le dedans des