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    1. OXFORD (MOUVEMENT D)##


OXFORD (MOUVEMENT D). LE DENOI I-, MENT

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Cette attitude n’était pas sans inquiéter les chefs du mouvement. Dans un article du British critic, avril 1839, sur l’état des partis religieux, Newman avait déjà constaté les exagérations de certains de ses disciples, « gens trop jeunes pour être sages, trop généreux pour être prudents, trop chaleureux pour être modérés ». Il ne voit pas là un réel danger. On commence à constater des appréhensions chez lui, à ce sujet, à partir de la fin de 1839, des craintes de voir cet état d’esprit aboutir à des conversions individuelles. L’alarme est plus grande, quand on prend connaissance de la lettre publiée dans l’Univers de Paris, le 13 avril 1841, donnée comme provenant d’un jeune oxfordman, mais que l’on sait écrite par Ward en collaboration avec Dalgairns. Dans ce manifeste, ceuxci notent les perspectives d’union des deux Églises, leur brûlant désir de se réunir aux catholiques, leur sincère amour du Siège apostolique, centre de la chrétienté. Ils invitent les catholiques à ne pas espérer de conversions individuelles, mais à se réformer eux-mêmes pour faciliter la réunion et terminent en demandant des prières à cette intention. Pusey réclame des explications à Ward : celui-ci répond par une nouvelle affirmation de son amour pour Rome, par son désir de s’unir à elle, désir entravé seulement par sa confiance en Newman, qui est d’ailleurs d’accord avec lui. Cf. W. Ward, op. cit., c. vin. Interrogé par Pusey, Newman, qui goûte peu la logique outrancière de Ward, mais qui admire sa nature généreuse et qui sent qu’il est dans la vérité, est embarrassé pour avouer à Pusey la conformité de leurs sentiments, bien qu’il ne soit pas disposé à le suivre. Inquiets, des tractariens se séparent de Newman : c’est le cas de son vicaire, Is. Williams, qui quitte Oxford, de son confident le plus intime et le plus aimé, Rogers, qui se retire à Londres et lui écrit, le 3 avril 1843, une lettre pleine de sentiments profonds et délicats, mais marquant la rupture de leurs relations. Cf. Letters of lord Blackford (Rogers), p. 110111 ; Thureau-Dangin, op. cit., t. i, p. 262-263.

VI. Le dénouement.

L’attitude hostile des évêques et de l’université, la position singulièrement avancée des ardents parmi les tractariens, vont disloquer définitivement le parti : beaucoup, continuant leur évolution, iront à l’Église romaine, à la suite de Newman ; les autres, à la suite de Pusey, resteront fidèles à l’anglicanisme et poursuivront l’œuvre du début. Trois faits vont précipiter ce dénouement : l’accueil fait à la publication des Vies des saints anglais, la condamnation de l’Idéal d’une Église chrétienne de Ward, l’étude de Newman sur le Développement de ta doctrine chrétienne.

Les vies des saints de l’Église d’Angleterre.

En

1843, Newman avait pris la direction d’une grande collection, consacrée à la vie des saints anglais. En

1844, Dalgairns faisait paraître celle de saint Etienne Harding. On l’accuse d’exalter l’Église romaine. Gladstone, Pusey et d’autres se font l’écho de ces plaintes. Ils demandent que l’on commence par des vies moins romaines. « Il n’y en a pas », répond Newman, et il renonce à diriger la collection : les vies paraîtront désormais sous la responsabilité personnelle de leurs auteurs. C’était une nouvelle expérience, qui permettait de conclure que « l’Église anglicane ne pouvait pas porter la vie de ses saints ». Memoirs of J.-R. Hope-Scott, t. ii, p. 24 sq.

2° L’idéal d’une Église chrétienne de W.-G. Ward. — Les tendances romaines fortement accentuées de Ward jetaient l’émoi parmi les modérés du parti. Palmer, fin 1843, publie dans le British critic, un article où il oppose l’enseignement des derniers écrivains de la Revue à celui des premiers Tracts [or the tirnes et où il dénonce la tendance romanisante de Ward et de ses amis. Ne pouvant répondre dans la Revue, qui avait

cessé de paraître, Ward publie un gros volume, en juin 1844, intitulé : Idéal of Christian Church considrred in comparison ivith existing practice : il voulait exposer ce qu’il croyait être sa position et la justifier aux yeux des lecteurs justes et intelligents.

Après avoir établi ce qu’il concevait être l’idéal d’une Église chrétienne, il affirme que l’Église romaine seule le réalise et il démontre en détail que l’Église anglicane, en dépit de ses affirmations, ne satisfait pas pleinement aux conditions requises. La solution proposée est claire : l’Église d’Angleterre doit se réformer en prenant Rome pour modèle. On pourra procéder graduellement, mais on doit reconnaître son autorité divine et se repentir de s’être séparé d’elle.

Quant à sa position personnelle, elle est en conformité avec les vues précédentes : il accepte et enseigne toute la doctrine romaine. « Nous trouvons, dit-il… tout le cycle de la doctrine romaine graduellement accepté par nombre, d’ecclésiastiques anglais… Trois années ont passé depuis que j’ai dit ouvertement qu’en souscrivant aux Articles je ne renonçais pas à la doctrine romaine ; maintenant je garde mon poste de fellow, sous la mouvance de cette signature, et je n’ai reçu de censure ecclésiastique sous aucune forme. The idéal, p. 565-567.

La censure ne devait pas tarder. Dès la rentrée de l’université, on s’occupe du livre : il fut facile d’en extraire plusieurs propositions alarmantes. En décembre 1844, les « chefs de maisons » annoncent leur intention de sou mettre à la « Convocation » les trois nie sures suivantes : censure du livre ; dégradation de l’auteur ; addition aux statuts d’un article imposant à ceux qui devaient souscrire les 39 Articles l’obliga tion de déclarer qu’ils les entendaient au sens où ils furent publiés et où ils furent imposés par l’université, avec peine d’exclusion contre quiconque refuserai ! cette déclaration. De ces trois mesures, la première seule paraissait raisonnable ; la seconde était « mesquine et injuste », Church, op. cit., p. 377 ; la troisième était surtout inopportune, comme imposant un nouveau test : elle atteindrait non seulement les tractariens, mais aussi tous ceux qui revendiquaient une plus grande liberté d’interprétation. Elle fut retirée par le vice-chancelier, craignant que le rejet de cette mesure n’entraînât l’insuccès de la condamnation de Ward. On lui substitua une proposition de censure formelle des principes du Tract 90, que les chefs de maisons acceptèrent le 4 février ; de la sorte, le maître serait atteint en même temps que le disciple. La « Convocation » se réunit le 13 février 1845. Ward se défendit avec vigueur et habileté. Les deux premières mesures, la censure et la dégradation, furent votées. Quand on en arriva à la condamnation du Tract 90, le senior proctor, Guillemard, prononça la formule : Nobis procuratoribus non placel. Newman était sauvé de la flét Fissure publique de malhonnêteté, car tel était bien le sens que l’on voulait donner à la censure. Cf. Fr. Rogers, Short appeal to members of Convocation on the proposed censure on n° 90, dans Church, op. cit., p. 383384. Oakley, attaché à la chapelle d’Old Margarel Street, à Londres, voulut suivre son ami Ward dans sa disgrâce : il écrivit au vice-chancelier qu’il partageait les opinions de celui qui venait d’être condamné, à son évêque « qu’ilcroyait à toute la doctrine romaine, bien qu’il ne revendiquât pas le droit de l’enseigner Thureau-Dangin, op. cit., t. i, p. 305. Déféré à la Cour des arches, il fut frappé de suspense perpétuelle.

.3° Essai sur le développement de la doctrine chrétienne.

— Pendant qu’on essayait de l’atteindre à la « Convocation » du 13 février 1845, Newman demeurait calme à Littlemore : une condamnation ne lui aurait pas déplu Il y aurait vii, écrit-il à Pusey, la circonstance extérieure qu’il attendait et qui l’aurait aidé à prendre