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OXFORD (MOUVEMENT D v). LE TRACT 90


Oriel ; les étudiants sont prévenus que leur attachement à la cause tractarienne peut compromettre leur avenir : on leur impose, contrairement aux statuts, la soutenance de thèses qu’ils ne peuvent défendre sans renier leurs convictions. Cf. Church, op. cit., p. 320324.

Ces vexations ne sont rien à côté de la mesure que l’université va prendre contre Pusey. Pusey avait déjà été accusé de romanisme, en 1841, alors qu’il était allé en Irlande étudier la vie monastique, qu’il désirait rétablir dans l'Église anglicane ; il avait cherché, en 1842, à couvrir les ardents du parti, en exposant à l’archevêque de Cantorbéry que les grands responsables de leur attitude étaient les anglicans qui les repoussaient et les jetaient dans les bras de l'Église romaine. II était suspect. On saisit la première occasion de le frapper. Le 14 mai 1843, pour compléter son ouvrage sur le baptême, il donne, dans l'église de Christ Church, un sermon sur l’eucharistie. Il veut rendre plus fréquente l’administration de ce sacrement qui n’est autorisée qu’une fois par mois à Christ Church ; il ne cache pas sa foi en une présence réelle objective. Or, quelques jours après, le D r Faussett, professeur de théologie à Margaret, dénonçait le sermon au vice-chancelier comme contenant une doctrine hérétique et le vice-chancelier commençait aussitôt la procédure. Pusey envoie le texte de son sermon et demande à être entendu. Pas plus qu’on ne l’avait fait pour Newman, à propos du Tract 90, on ne fit droit à sa requête. Sans avoir été entendu, sans qu’on lui eût fait connaître de façon précise l’accusation, ni d’oi’i elle venait, sans qu’il eût pu savoir quels étaient les passages incriminés, ni en quoi ils étaient opposés aux Articles, Pusey était condamné le 27 mai, pour avoir enseigné une doctrine contraire à celle de l'Église d’Angleterre et, le 2 juin, par l’autorité du vice-chancelier, il était suspendu de la prédication dans l’université, pendant deux ans. Une requête, signée d’hommes appartenant à tous les partis, fut présentée au vice-chancelier, pour connaître les fondements de la sentence : elle fut refusée. De Londres, une protestation arriva contre ce déni de justice, signée entre autres par Gladstone et Coleridge. Le vice-chancelier se fâcha : il réprimanda hommes d'État et laïques, non seulement parce qu’ils prétendaient intervenir dans ses propres fonctions, mais parce qu’ils se rendaient coupables du plus grand crime, du crime académique, du crime de troubler la paix de l’université. Cf. Church, op. cit., p. 327-335.

La réprobation du Tract 90 ne vint pas seulement de l’université. Ce qui affecta le plus Newman, ce fut l’intervention de l'évêque d’Oxford, intervention qui devait mettre fin à la publication des Tracts. Tout en condamnant l'écrit, l'évêque youlait ménager l’auteur. Il demanda conseil à l’archevêque de Cantorbéry, qui recommanda de mettre fin à une controverse dangereuse. Des négociations s’engagèrent alors, par l’entremise de Pusey, entre l'évêque d’Oxford et Newman. L'évêque aurait voulu le désaveu du Tract par son auteur et sa suppression. Newman répond que, si on lui impose un tel reniement, il résignera sa cure de Sainte-Marie. On arrive à établir un compromis : les membres du parti ne publieront plus de Tracts, mais le Tract 90 ne sera ni condamné ni supprimé. Même une nouvelle édition parut, avec des notes justificatives. Cf. Letl. and corr., t. ii, p. 337-338 ; Liddon, Life of Pusey, t. ii, p. 183 sq. Pour conclure cette affaire. Newman écrivit à son évêque une lettre où il expliquait la doctrine du Tract, sans en rien retrancher, mais en insistant sur ce qu’il disait contre Rome. L'évêque répondit en félicitant et en remerciant l’auteur. Cf. Lett. and corr., t. ii, p. 337-343. C’en était fait des Tracts. Newman se montra satisfait : il avait

évité une condamnation épiscopale ; il espérait qu’en gardant le silence, il désarmerait ses adversaires. Il se trompait.

En moins d’un a ii, 1 841-1 842, quarante-deux évêques censurent le Tract 90 : ils répudient l’interprétation donnée aux Articles, tomme entachée de romanisme. déloyale envers l’Eglise, propre à susciter le schisme ou l’apostasie. L’un d’eux le déclare 1' « œuvre de Satan ». Les deux membres les plus influents de l'épiscopat anglais, l’archevêque de Cantorbéry et l'évêque de Londres, se laissent entraîner par le mouvement de réprobation, de même que l'évêque le plus High Church Phillpotts d’Exeter. Et, ce qui fut plus pénible à Newman, l'évêque d’Oxford, au mépris des engagements pris, ajouta sa condamnation aux autres censures. La proscription du Tract ne parut pas encore suffisante : les évêques de Londres et de Winchester refusent à l’ordination des clercs suspects de newmanisme. Cf. Lett. and Corr., t. ii, p. 350-390. La réaction était complète : elle parut accentuée encore par l’affaire de l'évêque protestant de Jérusalem.

Pour préparer les voies à une reconnaissance par l'Église d’Angleterre de la nouvelle Église d'État de Prusse, le ministre Bunsen avait émis le projet de faire nommer un évêque protestant à Jérusalem, alternativement par la Prusse et par l’Angleterre : sacré par les évêques anglais, il aurait juridiction sur les protestants anglais et allemands de Palestine. L’archevêque de Cantorbéry et l'évêque de Londres acceptèrent, et le bill fut voté en 1841 : c'était, contrairement au but poursuivi par les tractariens, rattacher plus étroitement l’anglicanisme au protestantisme, faire à l’hérésie une concession qui. écrivait Newman à son évêque, « privait son Église du droit d'être considérée comme une branche de l'Église universelle. » 4 hureau-Dangin, op. cit., t. i, p. 224.

4° Conséquences de la candamnation du Tract 90. 1. Sur le chef du mouvement : retraite de Newman à Litllemore. — La condamnation duTract 90 avait montré que l'Église d’Angleterre était incapable de supporter les doctrines catholiques des tractariens. Ces derniers commençaient à être rejetés par leur Église : iraient-ils à Rome, plutôt que de retomber dans le protestantisme ? Wiseman, qui venait, en 1840, d'être nommé coadjutcur de Mgr Walsh, vicaire apostolique du centre, avait, depuis les débuts du mouvement, les regards fixés sur lui, espérant, malgré la défiance des catholiques anglais, qu’une ample moisson s’offrirait bientôt à l'Église romaine. Cf. J. Guibert, op. cit., p. 173-201. Newman voit le danger. Il veut l'écarter, en affirmant de nouveau les titres de l’anglicanisme. Il se dit que, si la situation de son Église est anormale, elle n’est pas illégitime. Cf. Lett. and corr.. t. ii, p. 346-349 ; que, parmi les adhérents du parti, un seul jusqu’ici lui a échappé, Sibthorpe, jellow de Magdalen, converti en 1841. Dans une série de quatre sermons, décembre 1841, il démontre la légitimité de l’anglicanisme, à l’aide d’une théorie nouvelle, celle de Samarie. Séparée de Juda, Samarie demeurait le peuple élu ; Dieu continuait à lui envoyer ses prophètes ; les Samaritains n'étaient pas tenus d’aller à Jérusalem. L'Église d’Angleterre est séparée de Rome : mais, mieux que Samarie, elle a gardé les signes de l’alliance, les sacrements ; la vie divine se manifeste en elle par des grâces extraordinaires : on n’est donc pas obligé de la quitter pour Rome ; on doit lui garder foi et confiance.

On sent que, par cette comparaison, il veut, non seulement arrêter les autres sur le chemin de Rome, mais se convaincre lui-même. Déjà, en 1839, le doute avait pris possession de lui. Ses études sur les monophysites, qui l’avaient amené à reconnaître que la situation de ces derniers vis-à-vis de Rome était iden-