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OSÉE. LE PROPHÈTE


D’autre part, la constante désignation du royaume d’Israël sous le nom d'Éphraïm ou de Samarie laisserait supposer que l’ancien royaume d’Israël est désormais réduit à un petit état vassal, tel qu’il fut en fait sous le règne de Phacée, l’avant-dernier roi de Samarie ; de plus, l’instabilité de la situation qui se trahit dans l’incertitude au sujet du secours assyrien ou égyptien se trouve correspondre assez bien au règne d’Osée qui, après avoir été soumis à l’Assyrie, commençait à mettre sonespoir dans le secours del'Égypte. Cf. IV Reg., xvii, 4.

Cette incertitude au sujet de la durée de l’activité d’Osée s’avère dans la variété d’opinions qu’elle a suscitées ; tandis que la plupart des modernes la restreignent aux quinze ou vingt années qui suivirent ses débuts vers 750, d’autres, surtout chez les anciens commentateurs, la prolongent bien au-delà de ces limites.

Quoi qu’il en soit, cette dernière période de l’histoire d’Israël, qui vit l’intervention d’Osée, est marquée par les étapes d’une déchéance qui fatalement ne pouvait aboutir qu'à la ruine. Certes, la prospérité et la puissance que le pays devait à la dynastie de Jéhu s'étaient encore accrues sous le règne de son dernier représentant et la situation demeura brillante jusqu'à la mort de Jéroboam II. Mais, sitôt après, cette situation va se trouver brusquement et complètement renversée : l’anarchie, favorisée par de continuels changements de rois, six en moins d’un quart de siècle, va croissante ; l’ingérence assyrienne, trop souvent provoquée par les rois d’Israël eux-mêmes, se fait toujours plus lourdement sentir ; Zacharie et Sallum, les successeurs de Jéroboam II, sont mis à mort, le premier après six mois, le second après un mois seulement de règne ; Manahem, qui vient après eux, ne parvient à se maintenir plusieurs années sur le trône que grâce à l’appui de son puissant voisin de l’est, qui le compte parmi ses vassaux ; ce roi d’Israël n’avait-il pas, en effet, payé à Phul, le nom biblique de Téglat-phalasar III, un tribut de 1 000 talents d’argent. IV Reg., xv, 18-20. D’une telle attitude, Osée prévoyait bien les funestes effets : « Israël est dévoré, maintenant il est devenu comme une chose vile. Car ils sont montés vers Assur ; onagre indompté, Éphraïm s’est acheté des amants. En vain font-ils des présents aux nations, je les rassemblerai contre eux et bientôt ils trembleront. » vm, 8-10. C’est qu’il savait qu’une alliance politique n’allait pas sans une alliance religieuse et surtout qu’une vassalité politique entraînait une vassalité religieuse, xii, 2.

Ces funestes effets, qui dans l’ordre politique aboutiront à la chute de Samarie, ne sont pas moindres, en effet, dans l’ordre moral et religieux. Malgré des dehors brillants, même dans la célébration du culte, désordres et dépravations de toutes sortes avaient libre cours en Israël. Déjà de Jéroboam, fils de Joas, l’auteur du livre des Rois, disait qu’il « .fit ce qui est mal aux yeux de Jahvé, et ne se détourna d’aucun des péchés de Jéroboam, fils de Nabat, qui avait fait pécher Israël ». IV Reg., xiv, 24. Les anathèmes d’Amos contre Israël, premières menaces de la.catastrophe de 722, laissent entrevoir la profondeur et l'étendue du mal que l’anarchie, consécutive à la mort de Jéroboam, ne fait qu’aggraver. La formule, en effet, ne varie guère dans le jugement porté sur les derniers rois d’Israël : « Il fit ce qui est mal aux yeux de Jahvé. » IV Reg., xv, 18, 24 ; pour Osée cependant, le dernier de ces rois, elle est complétée par ces mots : « non pas toutefois comme les rois qui avaient été avant lui. » IV Reg., xvii, 2 ; peut-être faut-il voir dans cette restriction une allusion à quelque heureux changement dû à la prédication du prophète Osée qui juge ainsi la situation : « Jahvé a un procès avec les habitants du pays parce

qu’il n’y a dans le pays ni vérité, ni charité, ni connaissance de Dieu ; on se parjure, on ment, on tue, on vole, on commet l’adultère ; ils font violence et le sang versé touche le sang versé. » iv, 1-2.

La notion de la religion elle-même et de son culte n’est pas sans se ressentir de tous ces désordres ; prêtres et prophètes en sont les premiers responsables, eux qui « se réjouissent des péchés de mon peuple et ne désirent que ses iniquités ». iv, 8. Non seulement les dieux étrangers trouvent des fidèles parmi les enfants d’Israël pour offrir des « sacrifices aux Baals et de l’encens aux idoles », xi, 2, mais le culte rendu à Jahvé lui-même lui est plutôt un outrage qu’un hommage par les conditions dans lesquelles il est célébré, v, 6 ; viii, 11 ; xii, 12 : ignorance, superstitions, pratiques idolâtriques sont tour à tour stigmatisées par le prophète qui entrevoit l’issue fatale d’une telle décadence morale et religieuse et essaie, mais en vain, de la prévenir, ni, 1 ; iv, 12 ; vii, 14 ; viii, 6 ; x, 1.

Sa vie.

Sur la vie d’Osée nous n’avons d’autres

données que celles de son livre : informations directes et surtout simples allusions dont la difficulté d’interprétation a suscité de multiples hypothèses.

A quel milieu appartenait le prophète ? A en juger par ce qu’il connaît de la vie des grands et des rois, vu, 3, mais plus encore par sa science approfondie de l’histoire de son peuple, par la forme et le contenu de ses oracles, il semble bien qu’il appartenait aux meilleures classes de la société. Aux misères sociales, d’ailleurs, qui pèsent surtout sur le petit peuple, il ne fait que de rares allusions, plus préoccupé qu’il est des misères politiques et religieuses. Pour lui, les ennemis les plus redoutables ne sont pas comme pour Amos les riches et les juges, mais les rois, les officiers, les prêtres.

Malgré quelques expressions où l’on a cru discerner des préoccupations sacerdotales, v, 3 ; vi, 10 ; iii, 4 ; ix, 3, il ne paraît pas qu’Osée ait été prêtre (Duhm, Stade, Cornill…). Plus vraisemblable est l’opinion qui en fait un affilié de ces groupements prophétiques qui, depuis les jours de Samuel et d’Elisée, essayaient de sauvegarder en Israël la pureté de la religion de Jahvé ; ne considère-t-il pas les prophètes comme les messagers ordinaires de la parole divine, xii, 11, 14, contre lesquels le peuple dans son iniquité s’insurge et qu’il va jusqu'à incriminer de folie, ix, 7 ?

Si l’on note enfin que la plupart des images, dont ses discours abondent, sont empruntées à la vie des champs, on pourra admettre que c’est dans ce milieu de la campagne que grandit et vécut le prophète ; ce qu’il dit de la vie nomade du désert qui lui apparaît comme un idéal auquel Jahvé ramènera son peuple pour lui parler au cœur, ii, 14 ; xii, 10, n’y contredit pas ; car, s’il maudit Canaan, ce n’est pas à cause de ses champs cultivés, mais parce que c’est le séjour des Baals, tandis que le désert est la demeure de Jahvé, où jadis, dans les années qui suivirent la sortie d’Egypte, Israël goûtait la paix et le bonheur au service de son Dieu, v, 15t ; xi, 1 ; xiii, 15.

Comment est née la vocation prophétique d’Osée ? Lui fut-elle donnée directement et immédiatement par Jahvé, le préparant à sa mission par l'épreuve du mariage qu’il lui impose, ou bien n’est-elle que le fruit de son expérience et de ses propres malheurs ? Sa souffrance lui a-t-elle été une révélation qui lui aura permis de mesurer, par son expérience de l’ingratitude humaine, la douleur et la miséricorde de Dieu ? Cf. Gautier, Introduction à l’Ancien Testament, 2e édit., p. 465. Ainsi se pose, en même temps que la question de la vocation du prophète, celle de son mariage, objet de multiples hypothèses. C’est à l’exégèse des chapitres i et m de répondre, le chapitre ii, de l’avis de tous les critiques, parlant directement d’Israël et non plus de