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ORSI


il, à Orsi des textes précis de saint François de Sales. C’est pourtant à la solution d’Orsi que se ralliait le P. Daniele Concina dans la discussion d’un cas de secret sacramentel, Theologia christiana dogmaticomoralis, t. iv, Rome, 1749, p. 10 sq. Concina admet qu’Orsi a prouvé par le chapitre iv de son second ouvrage : Causa veritatis… qu’en ce cas au moins le secret peut-être gardé autrement que par une négation formelle. Quoi qu’il en soit, à cette date du milieu du xviir 3 siècle, après la condamnation antérieure du laxisme, il est remarquable de constater que les théologiens catholiques ne diffèrent entre eux que sur la possibilité d’existence de quelques cas restreints où l’on aurait le droit de mentir matériellement pour éviter de véritables péchés. Or c’est l'époque où Voltaire, dépassant de beaucoup la thèse du P. Cattaneo, ose écrire : « Le mensonge n’est un vice que quand il fait du mal ; c’est une très grande vertu quand il fait du bien. Soyez donc plus vertueux que jamais. Il faut mentir comme un diable, non pas timidement, non pas pour un temps, mais hardiment et toujours. » Traité de la métaphysique, c. ix, De la vertu et du vice.

Pendant que se poursuivait la querelle sur le mensonge, Orsi s’adonnait à d’autres travaux, d’une érudition plus sereine, mais qui ont toujours un certain caractère de polémique. Tel est le cas de sa Dissertatio apologetica pro sanctaram Perpétuée, Felicitalis et sociorum martyrum orthodoxia advcrsus Samuelem Basnagium… accedit Francisai Castillonensis Marti/rium Anlonianum.seu Beati Antonii de Ripolis 0. P., Florence, 1728, in-4o, xxxiv-189 p. et pour le supplément xii-29 p. Orsi montre dans cet ouvrage que, selon la tradition la plus ancienne, les visions et prophéties de sainte Perpétue ne sont pas entachées d’hérésie montaniste. Sur les lapsi des persécutions et les mœurs anciennes de l'Église, Orsi écrit une Dissertatio historien qua ostenditur catholicam Ecclesiam tribus prioribus sœculis, capitalium criminum reis pacem et absolutionem neutique denegasse. Et plures alise incidentes quæstiones ad eorumdem lemporum chronologiam ecclesiasticam pertinentes quibusdam digressionibus data opéra examinantur, Milan, 1790, in-4o, xiv-3Il p. Divers érudits sont attaqués dans ce livre et parmi eux Martène et Petau. Infatigable travailleur, Orsi publiait l’année d’après une Dissertatio theologica de invocatione Spirilus Sancti in liturgiis Crœcorum et Orientalium, Milan, in-4o, xii-200 p. ; il s’agissait de savoir si la consécration eucharistique s’opère par invocation du Saint-Esprit ou par prononciation des paroles de l'Évangile. Après avoir donné le sentiment des anciens Pères, tenté de tirer une doctrine des liturgies orientales, rappelé ce qui s'était dit au concile de Florence, Orsi justifie d’un point de vue spéculatif la théologie latine. Outre les Grecs schismatiques, ses adversaires sont, dans ce livre, Touttée et Richard Simon.

La renommée d’Orsi devenant universelle, en 1732, le cardinal Neri Corsini, neveu de Clément XII, l’attira à Rome où il se l’attacha d’abord à titre de théologien. Orsi vécut désormais au couvent de SainteMarie-sur-Minerve. En 1733, il publia un autre important ouvrage : De baptismo in nomine Jesu Christi et de heereticis qui baptismi formam olim adulterarunt dissertatio historica ; accedit dissertatio historico-theologica de chrismate confirmatorio, Milan, in-4o. La Dissertatio de chrismate confirmatorio qui termine ce travail a été reproduite dans le Thésaurus théologiens de Zaccaria, t. x, édit. 1762, p. 387-467. Les principaux adversaires visés dans cet écrit d'érudition polémique sont Claude Du Vair et Rasnage. Ce qu’Orsi avait dit dans la première partie de ce livre sur le « baptême au nom du Christ seulement », fut attaqué

par son confrère, R.-H. Drouin, docteur en Sorbonne, dans une dissertation De baptismo in solius Christi nomine nunquam consecrato, in-4o, Padoue, 1734. Orsi répliquait en faisant imprimer à Florence, l’année d’après, les deux cents pages in-4o de ses Vindiciee dissertationis de baptismo in nomine Jesu Christi a Sorbonici doctoris objectis.

De Rome où il professa, à partir de 1732, à la bibliothèque Casanate dans une chaire établie pour l’explication de la Sgmme de saint Thomas (Catalani, De secretario Sacrée Congregationis Indicis, p. 139), Orsi eut à s’occuper de ce qui s'écrivait sur le développement historique des doctrines thomistes dans leur liaison ou leur opposition à des doctrines plus modernes. Dès 1734, il faisait paraître en cette matière un ouvrage particulièrement important, dirigé contre le jésuite champenois Philipoteau Du Chesne. Ce personnage, qui ne devait mourir qu’en 1755, remplit des charges importantes comme celle de directeur de l'éducation des infants d’Espagne. De Baker, Bibliothèque…, t. ii, p. 119. Après avoir écrit sur la prédestination, en 1724, un volume fort désagréable aux ennemis des jésuites, il publia en 1731, en langue française : L’histoire du baïanisme ou de l’hérésie de Michel Baïus avec des notes…, in-4o de plus de 500 p. Ce livre réunissait une grosse documentation. Il constituait la première étude importante qui parut sur l’hérésie de Baïus. S’il était accepté de l’opinion publique, il risquait de faire loi pour une période fort délicate de l’histoire des doctrines. Or, c'était un ouvrage tendancieux, qui s’appliquait à faire de Baïus l’héritier spirituel du dominicain espagnol Pierre de Soto. Il insinuait même que Pierre de Soto aurait eu quelque velléité de résistance tardive aux décisions du concile de Trente : « Ce qui est certain, disait Du Chesne, c’est que Baïus goûta fort la doctrine de Pierre de Soto, se lia dans la suite avec lui et l’employa auprès du pape Pie IV… Il fit de ces opinions le fond de son système, p. 18… Il (Soto) confesse ingénument que les universités… étaient dans des sentiments opposés aux siens, p. 15… C'étaient en particulier ceux de l'école de Louvain avant que Baïus et Hessels y enseignassent ; les lettres de Tapper à Pierre Soto et celles du docteur Ravesteyn en font foi, p. 197… En convenait Pierre Soto, auteur des sentiments que Baïus avait introduits dans la faculté, p. 230… » Par un bref examen des doctrines et des faits il est aisé de prouver que de telles assertions sont monstrueuses. On s'étonne de lire, parmi des réserves, dans la nouvelle histoire du baïanisme : Baïus et le baïanisme par F.-X. Jansen, S. J., ce jugement sur l'écrit de Du Chesne : « Ouvrage de valeur, précieux par ses documents, d’un auteur qui a de la critique…, » p. xvii. Moins indulgente, l’autorité romaine condamna Du Chesne et le mit à l’Index le 17 mars 1734.

Dans le même temps, Orsi rétablissait la vérité historique par son De Pétri a Solo ejusdem ordinis et Judoci Ravesteyn de concordia gratiæ et liberi arbitra cum Ruardo Tappero epistolari disputationc. Liber apologeticus quo Soli doctrina a receniis hislorici censuris adseritur, in-4o, Rome, 1734, xxxvi-400 p. L’intérêt du livre d’Orsi est de constituer une série d'études doctrinales positives de Pierre de Soto, de Baïus, de Ruard Tapper et de Josse Ravesteyn. Les analyses faites par Orsi d’une manière objective font ressortir la différence qu’il y a entre l’hérésie de Baïus et l’orthodoxie de Soto. Le jésuite condamné en fut réduit à n'écrire plus que sur l’histoire d’Espagne. Sa condamnation était, disait-on, l’effet de l’influence d’Orsi lui-même. En tout cas, par son livre, celui-ci était entré très exactement dans les vues des congrégations romaines. Il en fut récompensé, du moins indirectement, en devenant, en 1738