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ORNEMENTS SACRÉS. PRESCRIPTIONS


le corps du Sauveur ayant été enseveli dans un linceul, il faut à la messe, où le sacrifice de la croix est renouvelé, envelopper les offrandes dans un linceul, sindon, dans un suaire, sudarium ; la nappe d’une seule pièce favorisait beaucoup ce symbolisme. Le pontifical, à l’ordination du sous-diacre, en ajoute un autre : « De cet autel (qui est le Christ lui-même), les linges et les corporaux sont les membres du Christ, c’est-à-dire les fidèles du Christ, dont le Seigneur est entouré, comme de vêtements précieux. » Pour quelques auteurs, les ornements de l’autel signifient les vertus de Notre-Seigneur, sa charité en particulier, ou bien encore sa beauté ; pour d’autres, des voiles doivent cacher l’autel, parce que Jésus est invisiblement présent au milieu de nous. Tout le monde s’accorde à voir dans les ornements qui entourent l’autel un hommage rendu à Celui qui s’y sacrifie.

Le même sentiment a inspiré d’en mettre au-dessus : baldaquin et ciborium, conopée du tabernacle, pavillon du ciboire, tentures. De tout temps, les peuples ont admis que le souverain devait avoir quelque chose au-dessus de la tête pour le protéger contre le soleil, contre les accidents, pour l’honorer ensuite. Le baldaquin pouvait être une étoffe portée dans les cérémonies publiques ; il était disposé d’une manière permanente au-dessus du trône du roi, de la statue d’un dieu dans la cella du temple. Dans l'église, cette draperie recouvre d’abord les reliques, puis les personnages honorables, le pape en particulier et les évêques.

Quel objet a plus le droit d'être protégé contre tout accident matériel, signalé au regard, abrité royalement que l’autel, image du Christ, siège de la divinité vraiment, réellement, substantiellement présente : le baldaquin est destiné à rendre cet honneur. Au lieu d'être en étoffe, il peut être en marbre, en métal, couvrir tout l’autel et le palier où se tiennent le prêtre et ses ministres, il s’appelle alors ciborium et fait en quelque sorte partie de l'édifice : Constantin en offrit un à la basilique du Latran ; les papes en donnèrent de très riches aux différentes églises de Rome.

Le conopée est le vêtement du tabernacle comme Vantipendium est le vêtement de l’autel ; il est le signe de la présence eucharistique. Il ne peut être plus ancieruque le tabernacle, tel que nous l’avons maintenant au milieu de l’autel, et qui ne remonte guère au delà du xiie siècle. Le pavillon du ciboire pouvait exister auparavant, car certaines colombes eucharistiques, dont l’usage, assez répandu autrefois, remonte peutêtre à une haute antiquité, étaient recouvertes d’un voile qui en faisait fonction.

Des tentures appelées courtines étaient autrefois dressées derrière l’autel, le long de la muraille et quelquefois aussi sur les côtés. Leur emploi très fréquent est constaté par l’histoire, par les anciens inventaires, par certains monuments qui existent encore, notamment à Sainte-Marie-Majeure. Dès le ive siècle, elles étaient suspendues entre les colonnes du ciborium et, pendant quinze siècles, elles ont été la parure habituelle du maître-autel, du chœur tout entier et même, mais plus rarement, de la nef. Elles constituaient un ornement de très bon goût, assez varié puisqu’il prenait les couleurs du jour, et inspirait aux fidèles le respect qui doit entourer l’autel catholique ; elles manifestaient en quelque sorte son excellence.

II. Discipline actuelle. — Les prescriptions de l'Église ont pour objet la matière, la couleur, la forme des ornements, la bénédiction qu’ils doivent recevoir, l’obligation de s’en servir.

La matière des ornements.

L’amict et l’aube,

par conséquent le surplis, doivent être de toile de lin ou de chanvre, ob reaies et myslicas significationes. Décréta authentica S. R. C, 2600, 15 mai 1819. Par tolérance, les églises pauvres peuvent continuer

de se servir des toiles de coton qu’elles ont, sans toutefois les renouveler : en 1878, la Congrégation des Rites a accordé deux ans à une église pour user ses linges de coton, n. 3455. Il est donc défendu d’en faire de nouveaux. — Le cordon doit être régulièrement aussi de lin ou de chanvre, 2067, ad 7, 22 janvier 1701, mais la soie et même la laine sont tolérées, 3118, 23 décembre 1862 ; une ceinture en soie d’une certaine largeur n’est pas permise aux simples prêtres, 4048 ad 6, 24 novembre 1899. — Les ornements sacrés proprement dits, chasuble, étole, manipule, voile du calice et bourse, dalmatique et tunique doivent être de soie. Les étoffes qui seraient tout en fil, coton ou laine sont interdites. « Il faut suivre les rubriques et l’usage de toutes les églises qui rejettent ces chasubles. » 2769, dubium v, ad 3, 23 septembre 1837 ; de même pour les chasubles de laine, 3773, ad 1, 23 juin 1892. Si la chaîne seulement est en coton, en laine ou en liii, de sorte que, le reste du tissu étant de soie véritable, « la soie seule apparaisse aux yeux des fidèles », ces ornements sont tolérés, 3543, 23 mars 1882. La S. R. C. a admis « un tissu de fils de soie et de filaments de mûrier nouvellement confectionné », 3796, 21 avril 1893 ; elle tolère aussi « selon l’usage des lieux, les ornements ex auro contexta », 3145, 26 avril 1866 ; mais elle exclut les tissus dans lesquels le cuivre ou le verre est mêlé à for et à l’argent, 2949, Il septembre 1847. Il s’agit seulement, dans ces prescriptions, de la partie principale de l’ornement, mais non de la décoration, des broderies qui peuvent être en laine, etc., ni de la doublure : toutefois, celle du voile de calice doit toujours être en soie. La chape est assimilée à un ornement.

L, 'antipendium est ordinairement de soie, de drap d’or ou d’argent, mais rien n’est prescrit sur sa matière ; il est permis de l’orner de broderies, de dessins ; toutefois, la S. R. C. a interdit les images du SacréCœur de Jésus et du Saint Cœur de Marie où il y a seulement un cœur, entouré d'épines et transpercé d’un glaive ; elle ne permet ces emblèmes que pour la dévotion privée, 3492, 5 avril 1879. — Le conopée, qui recouvre le tabernacle, peut-être de soie, de coton, de laine ou de fil, 3035 ad 10, 21 juillet 1855. Le pavillon du ciboire doit être en soie. — L’huméral, conformément à son origine, peut être en liii, il peut être en soie et devrait rester très souple pour être plus commodément utilisé.

La couleur.

Les anciens portaient surtout des

vêtements de laine ayant conservé leur couleur naturelle, blanc-jaunâtre ; quand les principales parties du costume civil formèrent le costume liturgique, une certaine uniformité devait donc régner dans celui-ci et l’opinion la plus répandue est que le blanc fut la première couleur liturgique. Au temps de saint Grégoire, il y en avait deux : le blanc d’abord, le marron pour les temps de pénitence ; au ixe siècle, d’autres couleurs furent peu à peu admises. C’est seulement à cette époque que l’on peut apercevoir quelques germes d’un futur canon des couleurs ; à la fin du xiie siècle seulement il est possible de discerner l’existence de quelques règles sur ce sujet. La fixation des couleurs semble avoir été inspirée avant tout par des préoccupations symboliques : l'époque même où cette législation s’est précisée, celle de Durand de Mende et de Berthold de Constance le fait suffisamment pressentir. Un passage d’Honorius d’Autun autorise à conclure qu’au xii c siècle sept couleurs étaient en usage dans la liturgie — les sept couleurs de la panthère — le noir, le blanc, le gris, le jaune, le vert, le bleu céleste, le rouge. Sacram., 29, P. L., t. clxxii, col. 762-763. Dans son De sacra altaris mysterio, t. I, c. lxiv, Innocent III, né en 1160, est le premier témoin d’une réglementation qui servira de base à la discipline actuelle.