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ORNEMENTS SACRÉS. ORIGINE

cédés en cela comme en beaucoup de choses) de costume distinctif pour le clergé, de costume liturgique.

Origine.

Mais cent-cinquante à deux cents ans plus tard, l’Ordo romanus I, qui est peut-être le cérémonial du pape Etienne II (752-757), décrit toutes les parties du costume liturgique, sauf l’orarium, l’étole, qui ne sera connue à Rome qu’au siècle suivant. Le pape arrive à cheval à l’église de la station, en descend pour entrer dans le secretarium où mutât vestimenta sua, il se revêt de ses ornements, comme nous dirions aujourd’hui : le costume liturgique est donc autre que les habits de ville. Il n’a pas été inventé à proprement dit par l’Église, il est plutôt un héritage du monde antique qu’elle a librement accepté : le pontife, le prêtre d’aujourd’hui porte à l’autel, à titre d’ornements, les vêtements de la bonne société de ces époques lointaines, vêtements transformés avec le temps et que portaient les Romains du ive et du ve siècle. L’église les a conservés avec leur ampleur et leur majesté, lorsque la société barbare, qui succédait à l’empire romain, les eut abandonnés. Walafrid Strabon, qui vivait à l’époque carolingienne, il est mort en 849, voit très bien comment s’est faite cette évolution : « Les vêtements sacerdotaux sont progressivement devenus ce qu’ils sont aujourd’hui, des ornements, car, dans les premiers âges, les prêtres célébraient la messe vêtus comme tout le monde. » De exord., 21, P. L., t. cxiv, col. 952 A.

Or, d’après une loi du 12 janvier 382, les sénateurs doivent porter dans la rue sur la tunica interior, une tunique plus riche ornée de clavi (bandes verticales couleur de pourpre tissées à même l’étoffe), un pardessus appelé pænula et, en assemblée sénatoriale, la toge ; la chlamyde, vêtement militaire, leur était interdite. Les esclaves portaient le byrrhus, tunique de laine plus grossière, et la cuculla, sorte de manteau à capuchon. La transformation de ces vêtements formera le costume liturgique : la chlamyde servant aux soldats, la toge réservée aux sénateurs en assemblée n’ont pas été adoptées ; la tunica interior donnera l’aube, la tunique plus ornée deviendra la dalmatique du diacre, la pœnula sera la chasuble. La cuculla, manteau à capuchon, le cingulum, cordon, vêtements des gens de basse condition, non adoptés d’abord par le clergé, sont donnés par saint Benoît à ses moines et deviennent le cordon de la messe, le capuce avec le scapulaire du religieux et la chape. En réalité, à l’autel le prêtre est habillé deux fois : sur les vêtements habituels, il en porte d’autres qui ont gardé quelque chose de la forme antique ; Amalaire, Raban Maur donnèrent à ces ornements une signification symbolique.

Ornements du prêtre.

La chasuble vient de la pœnula portée primitivement en voyage ; en 382, elle était devenue le costume de ville de la bonne société, une sorte de manteau de cérémonie. Elle était formée d’une grande pièce d’étoffe ronde, avec un trou au milieu pour passer la tête et tombait par devant jusqu’aux genoux, en descendant sur les côtés, plus bas que les mains. Comme ce manteau donnait à celui qui le portait l’aspect d’une petite maison, on l’appelait quelquefois casula, c’est le nom que lui donne saint Augustin. De civit. Dei, XXII, viii, 9. Saint Grégoire de Tours dit casubla ; à Rome, on se servait du mot planeta, du grec πλανάω, parce que, la chasuble, n’étant pas fixée, pouvait tourner autour du corps.

A cause de cette ampleur, qu’elle garda plus ou moins complète jusqu’au xvie siècle, elle suggéra l’idée de la perfection, de la charité : « Recois, dit l’évêque à l’ordinand, le vêtement sacerdotal qui représente la charité, car Dieu peut l’augmenter en toi et produire des œuvres parfaites. » Autre symbolisme : comme elle était vraiment pesante, elle faisait penser à un joug ; le prêtre qui s’en revêt doit réciter cette formule : « Seigneur qui avez dit : Mon joug est doux et mon fardeau léger, faites que je le porte de façon à obtenir votre grâce. »

La dalmatique, ornement du diacre, était primitivement un vêtement porté par les esclaves en Dalmatie, de là son nom. Elle se composait d’une tunique superposée à la tunica interior, ornée de clavi, descendant jusqu’aux genoux, munie de larges manches allant jusqu’aux poignets. Introduite à Rome à la fin du iie siècle, elle devint un costume de ville pour le matin seulement. Le pape et les diacres de Rome la portèrent au ive siècle ; comme les ministres d’Afrique, d’Espagne, de Gaule ne la mettaient pas, saint Jérôme traite les diacres romains de glorieux ; au vie siècle, elle était encore un privilège de ceux-ci, car le pape Symmaque (498-514) voulant honorer saint Césaire d’Arles permet à ses diacres de la porter ad romanae instar Eeclesiae. Le pontifical en fait « un habit de salut, un vêtement de joie et de justice. »

La tunique du sous-diacre fut toujours moins ornée, comme il convient à celui qui, à la messe, est le serviteur du diacre beaucoup plus élevé en dignité. Primitivement à Rome, les sous-diacres n’avaient que la tunique de liii, un prédécesseur de saint Grégoire leur permit un vêtement qui ressemblait à la dalmatique que Grégoire leur supprima ; au ixe siècle, le sous-diacre avait une tunique à manches étroites et serrées au poignet pour ne pas le gêner dans ses fonctions : elle a dans le pontifical à peu près le même symbolisme que la dalmatique et s’appelle « vêtement de joie ».

L’étole, orarium, accessoire du costume antique, portée d’abord surtout par les femmes, était primitivement une écharpe de lin plus large que longue, mise sur les épaules pour les garantir contre un refroidissement subit ; sous l’empire, l’orarium devint commun aux deux sexes et l’usage s’établit de l’offrir en cadeau. Comme la bordure, stola, était plus ornée que le vêtement, on se contentait quelquefois de l’offrir seule et celui qui la recevait ajoutait l’étoffe ; puis, la bordure resta seule en usage. La liturgie orientale connaissait la stola dès le ive ou le ve siècle ; Rome ne l’adopta qu’au ixe ou xe siècle et la réserva toujours comme un insigne des évêques, des prêtres, des diacres. Comme on la porte sur le cou, elle ressemble à un joug, Amalaire explique déjà ce symbolisme et dit qu’elle représente le « joug du Seigneur, doux et léger ». De ecc. off., II, 20. Le pontifical s’inspire de l’Apocalypse, vi, 11 où l’étole est la robe blanche donnée par le Seigneur : « Reçois, dit l’évêque en l’imposant au diacre, l’étole blanche, accomplis les devoirs de ton ministère, car Dieu a le pouvoir d’augmenter en toi la grâce ; » au ixe siècle, un nouveau symbolisme est suggéré par le vêtement d’immortalité que portent les bienheureux dans le ciel, Apoc., vii, 9, et le prêtre dit en la prenant : « Rendez-moi l’étole d’immortalité que j’ai perdue par le péché d’Adam. Bien que je sois indigne d’approcher de votre sacrement, faites-moi mériter la joie éternelle. »

Le manipule ressemble à une étole plus courte, portée sur le bras ; mais son origine est différente et assez compliquée. Il pouvait être à l’origine une serviette, mappa, mappula que l’on attachait au bras gauche pour s’éponger le front ; ce linge devint serviette de cérémonie pour offrir ou recevoir quelque chose ; il fait ensuite partie du costume d’apparat ; comme tel, il pouvait servir à donner un signal ou des ordres. Néron jeta un jour sa serviette dans le cirque pour faire commencer les courses ; le manipule figure à ce titre dans les diptyques consulaires. C’est sans doute par là qu’il s’est introduit dans l’Église ; quand, d’après l’Ordo romanus, I, 7, le sous-diacre régionaire sort eu