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    1. ORÏGÉNISME##


ORÏGÉNISME. LE Ve CONCILE

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se la création simultanée du corps et de l'âme et non pas que celle-ci est antérieure a celui-là, comme le prétend Origène en sa folie. Pour éviter la propagation de ces mauvaises et pernicieuses doctrines, nous vous exhortons, vous qui êtes réunis, a examiner le mémoire cijoint et de frapper d’anathème toutes les propositions qu’il contient ainsi que l’impie Origène et tous ceux qui pensent ou qui penseront de même.

La juxtaposition des deux textes démontre que la lettre de Justinien aux Pères du concile ne peut se rapporter qu’aux quinze anathématismes découverts par Lambeck. Sans doute, ceux-ci frappent des doctrines que la lettre impériale ne mentionne pas, mais dans sa lettre, Justinien déclare qu’il ne veut relever que quelques-uns des enseignements origénistes (ïvoc iy. tûv JtoXXtùv ôXî-' a (AV/j(iovs’jaw[jt.Êv) et, à la (in, il renvoie les Pères au mémoire joint à sa missive, en les priant de condamner toutes les propositions qu’il contient. Nous avons donc le droit d’admettre que les Pères ont complété les données de la lettre impériale par les renseignements tirés du mémoire qui y était joint. Il est aussi digne de remarque que la lettre et les anathématismes précités visent non pas tant Origène que les moines origénistes de la Palestine. Voir le début de la lettre et la fréquente répétition de l’expression : « ils disent », pour introduire leurs erreurs. Il est évident aussi que ces quinze anathématismes ne peuvent avoir été tirés de l'édit de Justinien de l’année 543. Ils donnent une doctrine beaucoup plus complète ; iK nous font connaître une conception du monde très particulière : l’unité de tous les esprits, y compris celui du Christ, la chute de ces esprits à l’unique exception de l’esprit du Christ, l’expiation et le retour final de tous à l’unité dans l’apocatastase.

Nous sommes donc en droit d’admettre que ces anathématismes sont tirés des propositions, xetpâXmoc, dont Justinien demande la condamnation à la fin de sa lettre, adressée aux Pères du concile réunis à Constantinople en 553.

L’historien Évagre corrobore notre conclusion. Selon lui, l’empereur Justinien aurait écrit au concile pour lui communiquer un mémoire de l’abbé Conon, de la Grande-Laure, énumérant les agissements et les erreurs des origénistes. Le concile aurait ensuite répondu à l’empereur pour lui faire part de l’anathème qu’il venait de fulminer contre Origène et ses sectateurs. Le concile aurait ajouté à sa lettre des « chapitres-, xecpàXaioc, exprimant les erreurs des origénistes et démontrant en quoi ils sont d’accord et en quoi ils diffèrent. Le cinquième de ces chapitres aurait aussi rapporté des blasphèmes proférés par certains moines de la Xouvelle-Laure, entre autres un propos attribué à Théodore Askidas, lequel aurait dit : » Si maintenant les apôtres et les martyrs font des miracles et sont en si grand honneur, quelle sera leur apocatastase, s’ils n’y deviennent pas égaux au Christ ? » Enfin la lettre du concile à Justinien aurait cité bien d’autres blasphèmes de Didyme. d'Évagre (du Pont) et de Théodore. Évagre, Hist., IV, xxxviii, P. G., t. lxxxvi, col. 2776 sq.

Ouelques menues divergences de chronologie et de noms propres mises à part, ce récit d'Évagre concorde avec celui de Cyrille de Scythopolis, dont nous avons lait état plus haut. Il confirme que c’est le mémoire de l’abbé Conon qui a fourni la matière des anathématismes. Il concorde avec le récit de Cyrille de

Scythopolis sur la scission des origénistes de Palestine et les paroles qu’il prête à Théodore Askidas correspondent au treizième anathématisme et sont conformes à l’explication donnée plus haut de la doctrine isochriste. Cf. Diekamp, p. 100 sq.

Cyrille de Scythopolis et Évagre sont loin d'être les seuls à affirmer la discussion et la condamnation des erreurs origénistes au Ve concile général. Dans son Aôyoç Tïspl TpiiSoç xal TÏjç 6e(aç oîxovojjiaç toû évôç Trjç xpiàSoç 0eou Aôyou, le patriarche d’Alexandrie Euloge (580-607) écrit que cent ans après la condamnation d’Eutychès et de Dioscore, « le cinquième et saint concile fut réuni sous le règne de Jus-' tinien, contre Origène, Didyme et Évagre, les insensés, qui enseignaient la préexistence des âmes et niaient l'éternité des peines. » A. Mai, Scriptorum veteruni nova collectio, t. vii, Rome, 1835, p. 177 F. Il est à remarquer qu’Euloge n’attribue pas la condamnation des Trois-Chapitres au Ve concile, mais seulement celle d’Origènc. Parlant du Ve concile, la synodique de Sophrone de Jérusalem, écrite en 633, indique la condamnation d’Origène avant les Trois-Chapitres. Mansi, Concil., t.xii, col. 496. Le décret dogmatique du YPconcile général (680) affirme, lui aussi, la condamnation d’Origènc, de Didyme et d'Évagre au Ve concile. Mansi, ibid., col. 642. Il en est de même pour le Quini-Sexte, Mansi, ibid., col. 937. Le témoignage d’Anastase le Sinaïte est très remarquable. Il attribue au Ve concile la condamnation d’Origène et des TroisChapitres ; il signale la présentation au concile de « chapitres » tirés des écrits d’Origène, de Didyme et d'Évagre ; il remarque, comme Cyrille de Scythopolis, que le concile a condamné Origène personnellement, mais que seules certaines doctrines d'Évagre et de Didyme furent anathématisées, leur personne le fut seulement plus tard ; enfin, il dit que la question origéniste fut discutée en dehors de la présence du pape Vigile, qui donna plus tard son assentiment à la sanction portée. De hærcsibus et synodis, dans Pitra, Juris ecclesiaslici Grsecorum historia et monumenta, t. ii, Rome, 1868, p. 263 sq. La synodique de Taraise, lue au IIe concile de Nicée, signale elle aussi la condamnation d’Origène au Ve concile et passe sous silence celle des Trois-Chapitres. Mansi, t. xiii, col. 377. Il en est de même pour les autres synodiques lues à ce concile. Voir Nicée (Deuxième concile de), t. x, col. 422 sq. On trouvera d’autres témoignages encore dans Diekamp, op. cit., p. 107 sq.

Il nous reste à expliquer le fait que des pièces officielles, comme les lettres des papes Vigile, Pelage II et Grégoire le Grand, que des contemporains du Ve concile, comme le prêtre Eustratius et le chroniqueur Victor de Tununna, ne mentionnent pas la discussion de la question origéniste, quand ils parlent des travaux de cette assemblée. Diekamp présente une solution qui nous semble acceptable. Le Ve concile a été convoqué par Justinien, au mois d’août 552, uniquement pour régler l’alïaire des Trois-Chapitres. Dès la fin de l’année, les évêques arrivèrent à Constantinople, mais la tenace opposition du pape Vigile, qui ne voulait pas prendre part à une assemblée où les prélats orientaux avaient la grande majorité, empêchait l’ouverture du concile. Ce n’est que le 5 mai 553 que Justinien osa ouvrir le concile malgré l’abstention du pape. Comme le mémoire antiorigéniste de l’abbé Conon avait été transmis à Justinien dès les derniers mois de Tannée 552, on peut admettre que l’empereur qui ne considérait pas la querelle origéniste comme une affaire de grande importance, ait soumis le mémoire susdit aux évêques qui attendaient à Constantinople l’ouverture du concile. Ceux-ci, après l’avoir examiné auront fulminé les quinze anathématismes découverts par Lambeck et cités plus haut, et le pape Vigile aura