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    1. ORIGÈNE##


ORIGÈNE. L'ÉGLISE

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sans gêner la vision bienheureuse dont il illuminera ses créatures sanctifiées. »

On a souvent reproché à Origène cette théorie de l’universelle restauration ; et il faut bien reconnaître qu’elle ne s’accorde pas avec les données les plus certaines de la révélation. Il semble qu’Origène lui-même s’en soit rendu compte, et qu’il ne la présente guère que sous forme d’hypothèse, sans vouloir l’imposer à ses lecteurs. Du moins l’hypothèse lui plaît. Grâce à elle, s’achève harmonieusement un système qui développe l’histoire entière du monde. Dieu a fait des créatures bonnes et libres. Par un mauvais usage de leur liberté, les créatures, du moins un grand nombre d’entre elles, sont tombées dans le péché. Il a fallu que le Verbe de Dieu s’incarnât pour les sauver, et la rédemption, tout ensemble illumination et rachat, fait sentir dans l’univers entier ses effets bienfaisants. Longtemps, bien longtemps, se prolongeront les vicissitudes des esprits déchus, en route vers la pleine lumière. Un jour viendra pourtant où la mort sera vaincue, où Dieu sera tout en tous. Et ce sera la fin. On conçoit qu’une pareille doctrine ait eu de quoi enchanter un esprit tel que celui d’Origène. L'Église devait en condamner certains éléments, et l’on peut croire qu’Origène n’aurait pas hésité à accepter ses décisions s’il les avait connues. Pour nous la question n’est pas là. Il s’agit surtout de savoir ce qu’a enseigné le grand docteur, et nous croyons ne pas avoir trahi sa pensée dans le résumé que nous en avons fait.

IX. L'Église. Les sacrements. La vie chrétienne. —

Si l’on ne connaissait d’Origène que ses théories sur le monde et ses destinées, on croirait avoir affaire à un philosophe qui bâtit des systèmes. Mais nous savons qu’Origène est chrétien, et que sa vie entière a été un témoignage rendu à la vérité du christianisme.

1° L'Église. —

Que pense donc de l'Église à laquelle il appartient, et dont il se glorifie sans cesse d'être le membre, le grand docteur d’Alexandrie ? Nulle part, nous ne trouvons chez lui un exposé complet sur ce point ? Comme la plupart de ses contemporains ou de ses devanciers, Origène ne cherche pas à définir l'Église : il vit en elle et par elle ; et cela lui suffit.

Origène est profondément catholique. Il sait que l'Église est en possession de la foi droite. In Rom., i, 19. « Les hérétiques portent le nom de chrétiens ; ils se vantent de donner un enseignement qu’ignorent ceux qui sont d'Église ; ils sont en réalité des voleurs et des adultères, des voleurs qui dérobent les vases du temple, des^adultères qui souillent de leurs erreurs les chastes dogmes de l'Église. In Rom., ii, 11. » P. Batifîol, L'Église naissante et le catholicisme, Paris, 1909, p. 371.

La doctrine qu’il accepte pour véritable, à la défense de laquelle il consacre sa vie est celle qu’enseigne l'Église, suivant une tradition d’origine apostolique : Cum multi sint qui se pillant sentire qux Christi sunt et nonnulli eorum thversa a prioribus sentiant, servetur ecclesiastica prædicatio per successionis ordinem ab apostolis tradila et usque ad præsens in Ecclesiis permanens. Illa sola credenda est verilas quæ in nullo ab ecclesiastica et apostolica discordât traditione. De princ, I, i, 2. On a fait remarquer que cette formule rend un son irénéen, et cela est tout à fait vrai. On retrouve, sous la plume de l'évêque de Lyon, des expressions analogues, et les critiques qui, tout en accusant Irénée d’ecelésiasticisme, voudraient nous laisser croire qu’Origène est un des précurseurs du protestantisme libéral, devraient relire des passages comme celui-ci. Souvent d’ailleurs se rencontrent dans l'œuvre d’Origène des affirmations aussi caractéristiques sur l’importance de la tradition. Sans doute, le docteur alexandrin parle plus volontiers des Églises que de l'Église : il est sensible à ce fait que, de son temps, le christianisme prend la forme extérieure d’une fédération. Mais il sait que toutes les Églises dispersées dans le monde constituent un corps unique : elles sont le corps entier des synagogues de l'Église, In Matin., xiii, 24 ; il sait encore que l'Église est la maison unique hors de laquelle il ne faut jamais manger l’agneau pascal. In Gènes., nom.xii, 3 ; qu’elle est l’arche de Noé qu’il faut habiter pour être sauvé du déluge, In Gènes., hom. il, 3-6 ; l'épouse du Cantique, In Cant., hom. i, 7. Il ne dit pas expressément qu’elle est fondée sur Pierre, mais il ne dit pas davantage que les autres apôtres ont reçu les mêmes privilèges que Pierre, In Matth., s.u. 10 ; et il reconnaît à l'Église romaine une telle dignité qu’il va lui rendre visite au temps du pape Zéphyrin et que, plus tard, obligé de défendre son orthodoxie, il écrit en tout premier lieu au pape Fabien. Eusèbe, H. E., VI, viii, 4.

Les Églises sont dirigées par le clergé, qui comporte trois degrés, les diacres, les prêtres, l'évêque, De orat., 28. L'évêque est le chef de la communauté : à lui, appartient de la diriger, de la conduire, de la surveiller. Remettre et retenir les péchés, In Levit., hom. ii, 4 ; v, 4 ; xii, 6, réprimander les coupables et au besoin les chasser de l'Église, In Jesu Nave, hom. vii, 6, se faire le ministre de la charité, In Rom., ix, 31, tels sont quelques-uns des grands devoirs que remplit l'évêque dans son Église. Le peuple a le droit d'être présent à l'élection de son évêque, car il doit se convaincre ce jour-là que l’on choisit le plus docte et le plus saint, In Levit., hom. vi, 3. Entre Yordo composé de l'évêque, des prêtres et des diacres, et le peuple, composé des fidèles et des catéchumènes, Origène ne signale pas de clercs intermédiaires. In Jerem., hom. xiv, 4. Il parle de vierges et d’abstinents, In Rom., i, 2 ; il indique que les veuves et les vierges sont au service de l'Église, In Rom., viii, 10.

Il désire que les évêques soient saints, mais il sait que beaucoup ne remplissent pas, comme ils le devraient, leurs fonctions. « Origène est très dur, chaque fois qu’il est amené à se prononcer sur le clergé de son temps. Prédicateur pessimiste, il ne craint pas de dénoncer les défauts du clergé dans l’assemblée même des fidèles. Il les compare aux pharisiens qui aiment à être appelés rabbis et réclament les premiers sièges : des hommes avaricicux et hypocrites intriguent pour devenir diacres ; devenus diacres, ils se disputent les premiers sièges, ceux des prêtres ; devenus prêtres, ils calculent pour être faits évêques. Qu’ils sont loin des mœurs de l'Église primitive ! In Matth. comment, ser., 11. L’arrogance de leurs proches est intolérable, car l’orgueil est grand d’avoir pour père ou pour aïeul quelqu’un qui a été honoré dans l'Église de la préséance du trône épiscopal ou de l’honneur du presbytérat, du diaconat. In Matth., xv, 26. Dans le temple de Jérusalem, qui est aussi l'Église, on trouve toujours des vendeurs, q-ui auraient besoin que Jésus les frappe à coups de lanière et culbute leurs tables. In Joan. x, 16. Les pires vendeurs du temple sont les évêques et les prêtres qui, aux jours d'élection, donnent les Églises à ceux à qui ils ne devraient pas les donner. In Matth., xvi, 22. » P. Batifîol., op. cit., p. 366-367.

Peut-être Origène exagère-t-il un peu. En tout cas, il insiste sur les faiblesses des hommes ; mais il ne dit rien des évêques et des prêtres qui sont fidèles à leur devoir, parce qu’il s’exprime en moraliste, désireux de corriger tous les abus. Peut-être faut-il ajouter qu’il aime à mettre en relief, à côté des évêques, le rôle prépondérant des docteurs. Ceux-ci peuvent être les évêques eux-mêmes, mais ils sont aussi de simples prêtres, voire des fidèles. Leur rôle propre est d’instruire l'Église : ils doivent par conséquent démasquer les' hérétiques, combattre les erreurs, exposer aux fidèles la sublimité de l’enseignement évangélique et