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    1. ORIGÈNE##


ORIGÈNE. ESCHATOLOGIE

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En insistant sur ces derniers textes, quelques commentateurs ont cru pouvoir accuser Origène de pélagianisine. ou tout au moins de semi-pélagianisme. Ainsi ont pensé Huet et. à sa suite, Mgr Freppel. De tels griefs sont loin d'être justifiés. Les adversaires contre lesquels doit lutter le maître d’Alexandrie ne sont autres que des fatalistes stoïciens ou des dualistes gnostiques : il importe donc de mettre en relief la réalité du libre arbitre, afin de détruire les conclusions de leurs thèses. D’autre part, le problème de la grâce est loin de se poser, au début du iiie siècle, avec la précision qu’il prendra deux siècles plus tard, et nul ne sait alors parler correctement de la grâce prévenante. Comme on l’a écrit : « Si l’on écarte les textes visiblement invoqués à faux, il en reste seulement quelques-uns, où s’affirme une tendance à mettre en avant le rôle de la liberté humaine, mais sans qu’il s’en dégage une doctrine formelle à cet égard. En somme. Origène n’a pas été amené à trancher une question qui ne se posait pas encore sous sa forme précise, ce qui fait comprendre que sa position manque de netteté au regard des exigences introduites par le développement ultérieur du dogme et de la théologie. Cependant, pour autant qu’on puisse saisir la direction générale de sa pensée, il est permis de dire que logiquement ses principes auraient dû l’amener à résoudre la question de Vinilium ftdei dans le sens opposé au semi-pélagianisme. Quelques passages sur le mode d’action de la grâce admettent positivement la grâce prévenante, et beaucoup d’autres dont on lui a fait grief, — à part ceux qui découlent de sa théorie de la préexistence, — sont susceptibles d’une interprétation favorable, quand on les remet dans leur contexte et dans leur milieu. » C. Verfaillie. La doctrine de la justification dans Origène, d’après son commentaire de l'Épitre aux Romains. Strasbourg, 1920, p. 106-107.

VIII. Eschatologie. —

Le problème des fins dernières est un de ceux qui préoccupent le plus vivement la pensée toujours en éveil d’Origène. Il est aussi l’un de ceux qu’elle a le plus de peine à résoudre de manière pleinement satisfaisante.

La résurrection.


Origène croit, avec toute l'Église, que l'âme, lorsqu’elle quittera ce monde, sera rétribuée en proportion de ses mérites, qu’elle sera éternellement récompensée, si elle a fait le bien, éternellement punie, si elle a fait le mal. Il croit en outre à la résurrection des morts. Ce sont là des dogmes définis par la prédication ecclésiastique, De princ, I, proœm. 5 ; le maître alexandrin est trop fermement attaché à cette prédication pour concevoir le moindre doute suides points aussi nettement établis. Cf. De oral., 29, 13 : fiyou^ai Sq tÔv ©sôv èxàaTTjv XoyiX7)v otxovofxeïv 'V r LV «  «  « popSvTa eîç TTjv àfôiov aÛTTJe ; Çcoyjv, àel êXO’Jiav tô aÛTeÇoôaiov xai, wxpà tyjv îSîav « EtÉocv Tyroi èv toïç xpstTTOCTi xaT'È7 : avâ6affi.v ëcoç t^ç àxpotyitoç twv àyaôcov yivofXÉvïjv [r, l xaxa6aîvouaav Staçôpioç èÇ à71 : poasÇîaç èm ttjv too _ /)vSs ttjç xaxîaç xûaiv.

L’immortalité de l'âme est en quelque sorte un postulat de la doctrine philosophique d’Origène. En cette vie, nous ne possédons que des vérités imparfaites, nous n’avons qu’une ébauche de la vérité achevée. Or, il résulte de là que ceux qui ont dans cette vie une certaine esquisse de la vérité et de la science, tracée par le burin du Christ, doivent avoir, dans le sièclefutur, l’image parfaite et définitive dans toute sa beauté. De princ, II, xi, 4. Et encore, les âmes humaines qui participent en quelque mesure à la lumière intelligible, doivent être, comme elle, immortelles et incorruptibles. De princ., IV, iv, 36.

Plus difficile, sinon à admettre, du moins à expliquer, est pour Origène la doctrine traditionnelle de la résurrection. Le docteur rappelle longuement les objections qu’on peut opposer à l’interprétation littérale de ce dogme : « Quoiqu’ils aient l’air de se prononcer catégoriquement sur ce sujet, il est évident, si l’on vient à les interroger, qu’ils ne savent ce qu’ils disent et qu’ils ne peuvent garderies conséquences qui résultent de leurs paroles. Leur demandez-vous de quoi il y a résurrection : du corps, répondent-ils ; de ce corps dont nous sommes actuellement revêtus. Pressezles, en leur demandant si c’est de toute la substance du corps ou non, ils vous répondront, avant de réfléchir, que c’est de toute la substance du corps. Si, vous prêtant à leur simplicité, vous ajoutez sous forme de question : Est-ce que nous reprendrons en même temps tout le sang que nous avons perdu de temps à autre par des saignées, et de plus toute la chair qui a pu être la nôtre, tous les poils qui ont pu pousser sur notre corps, ou seulement ceux qui nous restaient au moment de notre décès ? Ils auront recours à cette défaite qu’il faut laisser faire à Dieu ce qu’il veut. » In Psalm. 1.

Origène poursuit longuement cette critique de la foi des simples, et l’on s’en étonne d’abord. Ceux qu’il raille sont en effet ses frères, et les arguments qu’il emploie sont ceux que l’on retrouve chez les écrivains païens, chez Celse, chez Porphyre, chez d’autres encore. Il est manifeste que le dogme de la résurrection a besoin d'être expliqué : « Tous ceux, ajoute Origène, qui sont conduits par le zèle de la vérité, lorsqu’ils s’appliquent à cette question difficile, doivent, d’une part, s’efforcer de conserver les traditions transmises par les anciens et, de l’autre, prendre garde de tomber dans les inepties des sens les plus vains, en avançant des choses impossibles et indignes de la majesté de Dieu. » In Psalm. I, 5.

Quelle explication proposer du mystère ? On peut faire appel à la doctrine aristotélicienne de l’identité de la forme corporelle : « Bien que la matière première de nos corps ne reste pas deux jours la même, Pierre et Paul, par exemple, n’en conservent pas moins leur identité, non seulement au regard de l'âme, dont la substance ne s'écoule point et qui ne reçoit rien du dehors, mais aussi relativement au corps, dont la forme caractéristique subsiste dans le flux perpétuel auquel la nature l’a soumis. C’est par ce type, toujours le même, que le corps de Pierre et celui de Paul manifestent leur propriété distinctive : ce qui fait que nous gardons, depuis l’enfance, certaines cicatrices ou d’autres marques particulières, comme les lentilles. Si donc, il y a une forme spécifique propre à Pierre ou à Paul, c’est cette forme spécifique qui enveloppera de nouveau l'âme à la résurrection, mais changée en mieux, et non pas absolument la matière qui en était le substratum dans sa première vie. » In Psalm. I, 5, P. G., t. xii, col. 1089.

Tout cela n’est pas encore très clair ; et Origène cherche ailleurs un complément d’information. Il croit le trouver d’abord dans l’enseignement de.„saint Paul. L’apôtre ne dit-il pas, dans la première lettre aux Corinthiens, qu’il en est de la résurrection des morts comme de la germination du grain de froment ? Origène conclut de là qu’il y a en chacun de nous un Xôyoç ozzspiiy.zixoç, , qui est un principe immortel de vie : « Nos corps tombent dans la terre comme le grain de blé ; mais, ils ont en eux la raison destinée à maintenir en un seul tout la substance corporelle (quibus insita ratio ea quæ substantiam continet corporalem) ; et quoique nous soyons morts, corrumpus et dispersés, cependant, à la parole de Dieu, cette raison, qui subsiste toujours intacte dans le corps, le redressera du sein de la terre pour le rétablir et le réparer, comme la vertu intrinsèque du grain de blé survit à sa corruption et à sa mort, pour lui refaire un corps dans la tige surmontée de l'épi. > De princ. II, x, 3. Cf. Contra Cels., V, 19 ; VIII, 32 ; VIII, 49 ; In Matth.. xvii, 2<S ; S. Jérôme, Epist., Lxxxiv.ad PammarhiumetOceanum,