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    1. ORIGÈNE##


ORIGÈNE. LA PHILOSOPHIE

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on n’en finirait pas, si l’on voulait citer tous les passages où il attaque Valentin, Basilides et Marcion, car ce sont ces trois hommes surtout et leurs doctrines néfastes qu’il s’attache à réfuter. Il les connaît bien pour avoir lu leurs œuvres ; il les connaît mieux encore pour avoir constaté les ravages qu’ils font dans les âmes, et il ne trouve pas de termes trop sévères pour les condamner : Hæretici œdificanl lupanar in omni via, ul puta magister de officina Valeniini, magister de cœlu Basilidis, magister de tabernaculo Marcionis. In Ezech., hom. viii, 2, P. G., t. xiii, col. 730 ; cf. De princ, II, ix, 6 ; x, 2, P. G., t. xi, col. 230, 234.

Sans doute, ou voudrait plus de précision dans l’ecclésiologie d’Origène. Trop habituellement, le grand docteur se contente de faire appel à la tradition, à la prédication ecclésiastique, sans préciser assez nettement quels en sont d’après lui les dépositaires. Il parle des évêques, des prêtres, des diacres : c’est plus souvent pour critiquer leurs mœurs, ou pour les inviter à la sainteté que pour indiquer leur rôle d’enseignement. Il insiste par contre sur les didascales qui paraissent, à ses yeux, avoir reçu grâce et mission pour prêcher la vérité et pour dénoncer l’hérésie : il témoigne à ce sujet d’une admirable candeur, car si les hérétiques aussi bien que les orthodoxes, se réclament de la tradition apostolique, des enseignements des prophètes et du Seigneur, qui montrera où est la vérité? Le maître fait ici appel au jugement de Dieu : Orale pro nobis ul sermones nostri non sinl falsi. Licel quidam homines ignoratione judieii eos asscrant falsos, Dominus non dicat, et recte nobiscum agetur. Si vero milia hominum eos dixerint veros, judieio porro Dci fuerinl falsi, quid milii proderit ? Dicunt et Marcionilse magistri sui veros esse sermones ; dicunt et Valentini robustissimam sectam, qui fabularum ejus commenta suscipiunl. Quie utilitas quia plurimx Ecclesise hxrelica pravilate deceptæ in eorum conspiravere sententiam ? Hoc est, quod quæritur, ut Dominus sermonum meorum lestis adsislal, ut ipse comprobet quæ dicantur sanctarum leslimonio scriplurarum. In Ezech., hom. ii, 5, P. G., t. xiii, col. 680. Des passages comme celui-là respirent un optimisme robuste. On n’est malheureusement pas assuré que l’expérience donne toujours raison aux principes posés par Origène, et l’on préférerait que le maître alexandrin donnât une assise plus stable à la foi des croyants.

Il reste que si, en fait, Origène ne définit pas assez clairement le magistère ecclésiastique, sa vie entière apparaît comme un témoignage de sa fidélité à l'Église. Cela est bien quelque chose. Un homme qui n’a pas cessé de combattre les hérétiques, qui a dépensé le meilleur de ses forces à prêcher et à expliquer l'Écriture sainte, qui, finalement, a souffert de la persécution, peut employer des formules incomplètes et insuffisantes, il n’en est pas pour cela hérétique. « Ce qui fait l’hérétique, c’est l’obstination et l’orgueil. Il est impossible de parcourir les ouvrages d’Origène sans être frappé de sa modestie, de sa réserve et de sa candeur. Personne n’a fait plus d’usage que lui des particules conditionnelles et des formules dubitatives… Il est et veut être jusqu’au bout enfant de l'Église, car c’est le signe du vrai chrétien… » F. Prat, Origène, p. xxxviii.

La philosophie.


Si attaché qu’il soit à la tradition ecclésiastique, Origène ne se contente pas de répéter ses enseignements. Il cherche à les approfondir et à les expliquer, et il utilise pour cela toutes les ressources que la philosophie hellénique met à sa disposition. Dès sa jeunesse, il a étudié les doctrines philosophiques, plus tard il a suivi les leçons d’Ammonius Saccas, et l’on retrouve sans peine dans ses ouvrages la trace des influences qu’il a subies de la sorte.

Ces influences sont en partie littéraires : nous sommes assurés, par exemple, qu’Origène avait lu l’Iliade et l’Odyssée, qu’il connaissait les poèmes d’Hésiode, les tragédies de Sophocle et d’Euripide, sans doute aussi quelques comédies d’Aristophane et de Ménandre. Lorsqu’on lit le Contra Celsum, on ne peut guère s’empêcher d’admirer la multitude des citations d'écrivains profanes qui y figurent. Un bon nombre de ces citations proviennent sans doute des florilèges, qui, au nie siècle et depuis longtemps déjà, fournissaient aux érudits les renseignements les plus variés sur les diverses questions d’histoire, de géographie, , de morale, de sciences naturelles, etc. Mais il en est d’autres que le maître lui-même a extraites de ses propres lectures et lorsqu’il signale parmi les auteurs qu’il a étudiés le IIspl ID-àxtovoç d’Aristandros, les IIspî 'IouSaîcov d’Hécatée et d’Hérennius Philon, les Xpovixâ de Phlégon, on peut mesurer par là l'étendue de son information. Il est juste d’ajouter au reste que la plupart des citations ou des allusions empruntées aux poètes ou aux historiens figurent dans le Contra Celsum : par sa destination, ce livre exigeait qu’une place importante fût faite aux maîtres de la littérature hellénique et que l’auteur se montrât capable de rivaliser par sa science avec son adversaire païen.

Dans ses autres ouvrages, l'érudition d’Origène est plus discrète ; on sent qu’il n’a pas de temps à perdre avec les poètes ou les rhéteurs. Par contre, les philosophes le retiennent et l’enchantent. Comme de juste, ses préférences le portent vers Platon. Il serait long d'énumérer ici toutes les citations qu’il fait des dialogues platoniciens et plus long encore de marquer tout ce qu’il doit à la doctrine de Platon : on a remarqué depuis longtemps, non sans exagération parfois, que son enseignement sur Dieu et sur le monde était pour l’essentiel emprunté à Platon. En fait, nous le verrons, cet enseignement est surtout chrétien, mais les termes dans lesquels il s’exprime sont, en bien des cas, ceux qu’avaient déjà employés les Dialogues.

Moins facilement discernable est l’influence d’Aristote. On ne saurait pourtant nier qu’elle soit réelle, et c’est un des mérites de M. de Faye de l’avoir mise en relief. Il arrive très souvent que, dans la position des grands problèmes de l’anthropologie et de la morale, Origène, même sans faire expressément appel à l’autorité d’Aristote, s’inspire du Stagirite et qu’il adopte les solutions déjà indiquées dans le De anima ou dans la Morale à Nicomaque.

Les stoïciens tiennent une grande place dans l'élaboration et l’exposé de la doctrine origéniste. Le maître alexandrin a sûrement lu et étudié les œuvres de Chrysippe et de Zenon ; il doit avoir eu également entre les mains des écrits plus récents où il trouvait marquées les transformations apportées aux théories primitives. Et surtout il a vécu dans un milieu tout pénétré d’influences stoïciennes : le vocabulaire philosophique du nie siècle est rempli d’expressions qui ont leur origine dans l’enseignement du Portique, et qui, même après avoir passé dans l’usage courant, gardent quelque chose de leur premier emploi. Ainsi, lorsque Origène confesse ses opinions sur l’origine et le renouvellement de choses, souvent aussi lorsqu’il traite des parties de l'âme et de la vie morale, on entend en lui l'écho du stoïcisme.

Les autres écoles ont moins fortement agi sur son esprit. On a cru retrouver ici ou là, dans ses œuvres, des citations plus ou moins expresses d'Épicure, de Sextus Empiricus, des allusions aux thèses de Carnéade et de Clitomaque, et rien de tout cela n’est