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    1. ORIGÈNE##


ORIGÈNE. LA TRADITION

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dans l’idéal : on reconnaît ici la célèbre doctrine de Platon, plus ou moins remaniée. Il s’ensuit que toutes choses, et l'Écriture comme le reste, ont deux aspects : l’un corporel, sensible, accessible à la masse des simples ; l’autre spirituel, mystique, que seuls connaissent les initiés et les parfaits. Le sens corporel n’est pas faux, mais il est incomplet ; le sens spirituel révèle la pleine vérité à ceux qui sont capables de l’atteindre. Qu’il s’agisse de récits, de prescriptions, de noms, de chiffres, que sais-je encore, il n’est rien qui ne soit exprimé par figure le privilège des maîtres est d’interpréter correctement ces images et ces symboles. Nous reviendrons plus loin sur cette division de l’humanité en deux groupes, les simples et les parfaits ; il est dès maintenant assuré qu’elle s’impose à Origène dès lors qu’il a posé les principes de son exégèse.

3' La tradition. —

Origène est essentiellement un bibliste qui a consacré toute sa vie à l’interprétation des Livres saints. Il n’est pas moins essentiellement un homme d'Église, attaché par les liens les plus étroits à la doctrine traditionnelle. Lorsqu’on le regarde du dehors, une telle assertion peut sembler quelque peu surprenante ; elle s’impose à qui prend la peine d'étudier ses œuvres et son activité. Tout différent de lui avait été son maître Clément : ce dernier n’avait jamais été que professeur et écrivain. Il avait montré sans doute la sincérité de son attachement à la grande Église, mais c'était en toute liberté qu’il en avait commenté les enseignements, et jamais il ne s'était attaché à dresser le catalogue de ses doctrines. Origène, au contraire, possède une âme d’apôtre : tel nous le voyons aux jours de sa jeunesse lorsqu’il exhorte son père au martyre et qu’il refuse de prier avec l’hérétique Paul d’Antioche, tel il est encore à la fin de sa vie quand il écrit l’Exhortation au martyre et qu’il adresse ses homélies au peuple de Gésarée.

Sa première règle de conduite et de pensée, c’est de ne rien recevoir, de ne rien enseigner qui soit en dehors du « kérygme » ecclésiastique. Le début du De principiis est des plus clairs : « Puisque l’enseignement ecclésiastique transmis par les apôtres selon l’ordre de la succession légitime se conserve jusqu'à ce jour dans les Églises, on ne doit recevoir comme article de foi que ce qui ne s'éloigne en rien de la tradition ecclésiastique et apostolique. » De princ, I, proœm., 2, P. G., t. xi, col. 115.

Cette déclaration n’est pas isolée. On en trouve l'équivalent dans des œuvres qui appartiennent à toutes les périodes de la vie d’Origène et peu d’hommes ont été plus attachés que lui à la devise : sentire cum Ecclesia : « L'Église est en possession de la foi droite. Les hérétiques portent le non ; de chrétiens, ils se vantent de donner un enseignement qu’ignorent ceux qui sont d'Église, quæ lalere ab ecclesiasticis dicunt ; ils sont en réalité des voleurs et des adultères, des voleurs qui dérobent les vases du temple, des adultères qui souillent de leurs erreurs les chastes dogmes de l'Église, justa et honesta Ecclesiæ dogmata. In Rem. comment., ii, 11, P. G., t. xiv, col. 898. Nous nous appliquons à entendre l'Écriture, non pas comme Basilides, que nous abandonnons à son impiété, mais secundum pietatem ecclesiastici dogmatis. In Rom. comment., v, 1, P. G., t. xiv, col. 1015. Nous pratiquons la liturgie du baptême secundum typum Ecclesiis traditum, id., v, 8, P. G., t. xiv, col. 1038 ; cf. In Joan., xiii, 16, P. G., t. xiv, col. 421. Nous pensons secundum doctrinum ecclesiasticam. In Matth. comment, ser., 137, P. G., t. xiii, col. 1787. Les vrais prophètes du Christ sont les docteurs qui ecclesiastice docent verbum. Id., 47, col. 1669. Origène parle ailleurs du x^puy^a sxxXTjciacmxov. De princ, III, i, 1, P. G., t. xi, col. 249. Il dit au sujet d’articles de foi : Est et illud definitum in ecclesiaslica prædicatione. Id. I, i, 5, col. 118. Cette prædicatio, ce XTfjpuy[i.a, est l’enseignement qui, par la succession des évêques, qui le maintiennent, remonte aux apôtres. » P. Batiffol, L'Église naissante, p. 371-372.

La foi de l'Église est renfermée en abrégé dans le symbole baptismal. Origène ne nous a laissé nulle part le texte du symbole qu’il recevait et que recevait de son temps l'Église d’Alexandrie ; mais on ne saurait douter qu’il s’appuie souvent sur un texte fixé. Citons seulement ce passage du commentaire sur saint Jean : « Crois avant tout qu’il n’y a qu’un seul Dieu, qui a tout créé et affermi, qui a tout appelé du néant à l’existence. Il faut croire aussi que Jésus-Christ est Seigneur, et à toute la vérité relative à sa divinité et à son humanité. Il faut croire encore au Saint-Esprit, et que, étant libres, nous sommes châtiés parce que nous avons péché, nous sommes récompensés pour ce que nous avons fait de bien. Si quelqu’un semble croire en Jésus et ne croit pas qu’il n’y a qu’un seul Dieu de la Loi et de l'Évangile, dont les cieux, comme créés par Lui, racontent la gloire et dont le firmament annonce l'œuvre de ses mains, tomme étant son ouvrage, celui-là laisse de côté un très important chapitre de la foi. De même, si quelqu’un croit que celui qui a été crucifié sous Ponce-Pilate est un être saint et Sauveur, mais qu’il n’a pas pris naissance de la vierge Marie et du Saint-Esprit, mais de Joseph et de Marie, à celui-là aussi manquent des choses très nécessaires pour avoir la foi. » In Joan., xxxii, 9, édit. Preuschen, p. 451.

De même dans les Ccmmentariorum séries sur saint Matthieu : « Certains ne manifestent aucun dissentiment sur les points publics et clairs : à savoir le Dieu unique qui a donné la Loi et l'Évangile ; Jésus-Christ premier-né de toute créature, qui, à la fin des temps, selon les prédications des prophètes, est venu drns le monde et a pris la véritable nature de la chair humaine, étant né de la Vierge, qui a supporté la mort de la croix, est ressuscité des morts et a déifié la nature humaine qu’il avait prise ; et aussi le Saint-Esprit, le même qui a été dans les patriarches et les prophètes et qui a été ensuite donné aux apôtres, la résurrection des morts : ils croient tout cela comme l'Évangile l’enseigne avec certitude, et tout ce qui est transmis dans les Églises. » In Matth. cemment. ser., 33, P. G., t. xiii, col. 1643-1644. De tels passages, et sans peine on pourrait en citer beaucoup d’autres du même genre dtns l'œuvre d’Origène, ne sauraient remplacer un texte fixé du symbole. Ils témoignent du moins que leur auteur est profondément atteché à la règle ecclésiastique.

Avec la même ardeur, Origène condamne les hérétiques, ou, comme il aime à dire, les hétérodoxes. « Sous couleur de science, les hétérodoxes s’insurgent contre la sainte Église de Dieu, ils multiplient les livres où ils promettent d’expliquer les préceptes évangéliques et apostoliques : si nous gardons le silence, si nous ne leur opposons pas les dogmes salutaires et vrais, ils s’empareront des âmes qui ont faim de la nourriture qui sauve, et qui se jettent sur les viandes défendues, souillées vraiment et abominables. Voilà pourquoi il me paraît nécessaire que celui qui peut prendre la défense de l’enseignement ecclésiastique sans en rien altérer et qui peut réfuter celui qui se réclame de la fausse science, résiste en face aux hérétiques et à leurs mensonges, leur oppose la sublimité de l’enseignement évangélique et la plénitude harmonieuse des dogmes communs à l’Ancien et au Nouveau Testament. » In Joan.. ii, P. G., t. xiv, col. 196. Ceux qu’il combat avec le plus d’acharnement, sont ceux qui sont particulièrement dangereux pour la foi des simples dans le monde où il vit ;