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    1. ORIGÈNE##


ORIGÈNE. VIE

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Bérylle de Bostra, la seconde sous Philippe l’Arabe, pour assister à un synode, où furent débattus certains problèmes sur la destinée de l’âme après la mort, lui ce temps, Origène était en quelque sorte l’oracle théologique de l’Orient : Eusèbe a eu entre les mains deux lettres de lui, adressées, l’une à l’empereur Philippe, l’autre à l’impératrice Sévéra, H. E., VI, xxxvi, qui témoignent de son autorité et de son influence.

Mais il faut ajouter qu’il était aussi obligé de se défendre contre de graves accusations. Rufln a cité dans le De adulteralione un long fragment d’une lettre destinée à des amis d’Alexandrie : le maître s’y plaint des faussaires qui ont corrigé et dénaturé certains passages de ses écrits, ou qui même ont répandu dans le monde chrétien des ouvrages apocryphes contre lesquels il ne saurait témoigner assez d’indignation. Nous connaissons par saint Jérôme l’existence d’une autre lettre au pape Fabien, dans laquelle Origène accusait son ami Ambroise d’une publication prématurée et inopportune d’un de ses ouvrages, probablement le De principiis, Epist., lxxxiv, 10, P. L., t. xxii, col. 751 ; cf. Eusèbe, H. E., VI, xxxvi, 4. Les détails nous manquent sur ces faits : mais nous en savons assez pour nous rendre compte que les oppositions soulevées contre le maître n’avaient pas désarmé à la suite de son départ d’Alexandrie et que son séjour à Gésarée, s’il fut fécond, ne fut pas exempt des plus graves soucis.

Un souci d’un autre genre lui vint en 235, de la persécution de Maximin le Thrace, qui, si elle fut locale, n’en fut pas moins redoutable pour les communautés qu’elle atteignit. L’Église de Césarée de Palestine fut frappée : le prêtre Protoctète et Ambroise furent arrêtés ; Origène put craindre pendant quelque temps de partager leur sort. En attendant, il adressa à ses amis, une émouvante Exhortation au martyre, qui rejoint, à travers les années, les encouragements jadis envoyés par l’enfant à son père Léonide. Une , tradition, mal confirmée, veut qu’au cours de la persécution, le maître ait trouvé asile à Gésarée de Cappadoce chez une chrétienne du nom de Julienne : cette tradition demeure improbable.

Origène atteignit ainsi l’année 250, au cours de laquelle éclata la persécution de Dèce. Il ne s’agissait plus cette fois d’une mesure locale, mais d’une guerre d’extermination déclarée au christianisme et à ses chefs. Célèbre comme il l’était. Origène ne pouvait pas échapper aux rigueurs de l’édit ; et ses idées bien connues sur le martyre ne lui permettaient pas de chercher le salut dans la fuite. Il fut donc arrêté et, au témoignage d’Eusèbe, « il endura chaînes, tortures en son corps, tortures par le fer, tortures de l’emprisonnement au fond des cachots ; pendant plusieurs jours, il eut les pieds mis aux ceps jusqu’au troisième trou ; il fut menacé du feu ; il supporta vaillamment tout ce que nos ennemis lui infligèrent encore… car le juge faisait tous ses efforts pour ne pas le réduire à la mort. » Eusèbe, H. E., VI, xxxix.

Il survécut en effet à tous les supplices ; mais ce fut pour peu de temps. Le corps brisé, il mourut sous le principat de Gallus, à ce que rapporte Eusèbe, et à l’âge de soixante-neuf ans. Il est vraisemblable que la ville de Césarée en Palestine recueillit son dernier soupir, bien qu’une tradition, signalée par Photius, ait placé sa mort à Tyr où son tombeau fut longtemps visité.

Il est difficile de marquer exactement les traits saillants du caractère d’Origène, car on y trouve au premier abord une étroite alliance de l’hellénisme et du christianisme qui paraît rendre à peu près impossible toute tentative de simplification. Si pourtant on étudie avec soin tous ses ouvrages, et non pas seulement les plus célèbres ou les plus discutés d’entre eux, tels que le De principiis ou le Contra Celsum, en doit convenir qu’Origène est avant tout un chrétien, disons avec plus de précision, un fils de l’Église catholique. Toute son œuvre est informée par l’étude de la Bible ; toute sa pensée est nourrie de la lecture et de la méditation des Livres Saints : sans doute, il interprète les Écritures d’après la méthode allégorique, qui lui permet de retrouver à peu près tout ce qu’il veut en chacune de leurs pages ; mais, outre qu’il n’est pas l’inventeur de cette méthode, il manifeste partout le souci de rester, dans son emploi, fidèle à la tradition ecclésiastique. Son amour de la règle se manifeste d’abord par cet attachement à l’Église et à son enseignement, par cette lutte incessante contre l’hérésie qu’il ne cesse pas d’affirmer ou de mener.

On peut être d’abord frappé par certaines audaces de sa pensée ; et c’est en effet ce que l’on retient surtout de son œuvre, si l’on s’est contenté d’étudier le De principiis. Mais il ne faut pas oublier que le grand ouvrage sur les principes ne livre qu’une partie de sa pensée et qu’il doit être expliqué en fonction du prologue, où se trouvent rappelées d’une part les vérités rie foi, de l’autre les questions disputées. Sur les vérités de foi, Origène affirme d’une manière instante sa fidélité à la règle. Sur les questions disputées, il proclame sans doute l’indépendance de l’esprit : encore ne propose-t-il des solutions qu’avec réserve et en insistant sur leur caractère provisoire. Volontiers, il donne libre cours à son imagination pour décrire par exemple le sort des âmes après la mort ou la restauration de toutes choses ; il fait appel aux idées philosophiques qu’il a apprises aux écoles helléniques ou dans la lecture des ouvrages classiques ; après quoi il n’a aucune peine à se ranger parmi les enfants dociles de l’Église.

De ce caractère chrétien, mieux encore, ecclésiastique de son esprit, on se rend compte surtout si l’on étudie les homélies qu’il a prêchées, si nombreuses, pendant son séjour à Gésarée. Ici, Origène s’adresse à la masse des fidèles, aux simpliciores, à qui il veut faire connaître les trésors cachés dans l’Écriture. Il ne peut évidemment pas leur expliquer les mystères réservés aux parfaits, et nous aurons à insister sur l’importance de cette distinction des croyants en deux classes, à l’une desquelles appartient la simple foi, tandis que les autres sont appelés à s’élever jusqu’à la gnose. Encore est-il que le gnostique d’Origène n’est pas d’une nature supérieure à celle du simple et que la science ne détruit pas la foi, mais s’y superpose. Nous concevons assez mal Clément d’Alexandrie dans le rôle d’un prédicateur populaire, malgré le Quis clives saloetur ? Ce rôle au contraire convient parfaitement à Origène, prêtre dévoué avi salut des âmes, bien plus que philosophe soucieux d’édifier un système cohérent de théologie rationnelle.


II. Œuvres d’Origène.

Origène a été l’un ries plus féconds polygraphes de l’antiquité, et il a laissé après lui une œuvre immense. Saint Épiphane, Hscres., lxiv. 63, porte à six mille le nombre de ses écrits ; ce chiffre a paru exagéré dans l’antiquité à de fort bons connaisseurs, en particulier à saint Jérôme, Contra Ru fin., ii, 22, qui estime seulement au tiers, soit à deux mille le nombre exact des volumes d’Origène, et qui ailleurs, Epist., lxxxiv, 2, parle de plus de mille tractatus, prêches par Origène, auxquels naturellement il faut ajouter les commentaires et autres livres.

Eusèbe, H. E., VI, xxxii, 3, rappelle qu’il avait transcrit dans la vie du martyr Pamphile, la liste complète des ouvrages d’Origène, et il renvoie à cette liste les lecteurs soucieux de bibliographie. Nous ne