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ORDRE. LA THEOLOGIE ORIENTALE


treinte et même totalement supprimée par le souverain pontife. Or, dit avec raison Bellarmin, « il serait tout à fait étrange que la Providence qui dispose toutes choses avec suavité, n’eût pas voulu que la juridiction fût accordée aux évêques par le même moyen qui, une fois cette juridiction accordée, peut l’augmenter, la restreindre, et même la supprimer totalement. » De romano pontifice, t. IV, c. xxix.

Ajoutons que la thèse médiatiste reçoit un singulier appoint d’autorité du fait de la déclaration de Pie VI : hominem esse (romanum pontificem)…, a quo ipsi episcopi auctoritatem suam recipiant, quern admodum ipse a Deo supremam suam potestatem accepit… Bref Super soliditate, 29 nov. 1786, Denz.-Bannw., n. 1500.

Le principal argument des immédiatistes est que les apôtres, dont les évêques sont les successeurs, ont reçu directement de Jésus-Christ leur juridiction. Mais cet argument a plus d’apparence que de solidité. En effet, la juridiction ordinaire que les apôtres possédaient sur les Églises fondées et administrées par eux (en quoi ils étaient à la lettre les prédécesseurs des évêques) ne doit pas être conçue indépendante de la juridiction de Pierre. Elle n'était en eux qu’une dérivation de l’autorité souveraine du chef de l'Église. Sans doute, le Christ avait donné aux apôtres cette juridiction ordinaire, mais il la leur avait donnée dépendante et dérivée de l’autorité de Pierre, tout comme si le pape nommait directement un curé dans un diocèse, la juridiction de ce curé serait néanmoins dérivée et dépendante de l’autorité de son évêque propre, lequel tient lui-même son pouvoir du pape ; cf. Billot, De Ecclesia, thèse xxvi ; et J. Bouché, art. Apostolat, dans le Dictionnaire de Droit canonique, t. i, col. 691. Cette explication semble bien, d’ailleurs, remonter à saint Thomas, In IV am Sent, dist. XXIV, q. iii, a. 2, sol. 3.

Pratiquement, la divergence des thèses immédiatiste et médiatiste est de peu d’importance : « On a beaucoup discuté, au concile de Trente, sur la question de savoir si la juridiction des évêques vient immédiatement de Dieu ou du souverain pontife. Rien n’a été défini. Au concile du Vatican, la question ne fut même pas proposée, principalement parce qu’en pratique, il est a peu près indifférent d’admettre l’une ou l’autre opinion. Car les théologiens qui enseignent que la juridiction épiscopale dérive immédiatement de Dieu admettent aussi sans contestation que cette juridiction est conférée avec une vraie et pleine dépendance du souverain pontife. » Billot, De Ecclesia, q. xv, De episcopis, § 1. cf. Colleclio Lacensis, t. vit, p. 472.0nvoit donc avec quelle réserveilfaut accueillir les réflexions tendancieuses de Schwane, Hist. des dogmes, tr. fr., t. v, p. 371-375, qui conclut assez légèrement que le concile du Vatican s’est prononcé contre la thèse médiatiste.


VIII. La théologie orientale moderne du sacrement de l’ordre. —

Nous avons suivi jusqu’ici le développement de la théologie latine du sacrement de l’ordre ; il est nécessaire d’exposer, tout au moins en raccourci, la théologie orientale. Notre tâche est singulièrement facilitée par la récente publication du tome ni de la Theologia dogmalica christianorum orientalium du R. P. Jugie, Paris, 1929. Nous en résumerons ici les conclusions, quant au sacrement de l’ordre.

Et tout d’abord, de l’exposé de la théologie des orientaux « orthodoxes », il faut éliminer les critiques adressées par les meilleurs écrivains à l'Église romaine, coupable d’avoir surajouté un ordre, la papauté, d’avoir sousajouté les ordres mineurs à la hiérarchie instituée par Jésus-Christ. Nous devons également passer sous silence les controverses relatives au

célibat. Voir sur ce point Célibat ecclésiastique, t. ii, col. 2068 sq.

On peut, avec notre auteur, diviser l’exposé en cinq paragraphes : 1° noms, définition, institution du sacrement de l’ordre ; 2° nombre et distinction des ordres ; 3° matière et forme de chaque ordre ; 4° effets du sacrement de l’ordre et principalement le caractère ; 5° ministre du sacrement de l’ordre, ministre orthodoxe, schismatique, hérétique ou déposé.

1° Noms, définition et institution du sacrement de l’ordre. — 1. Noms. — Sur la synonymie et la différence des expressions y st P°(3saîa et /ei, poT&vta employées pour désigner le rite de l’ordination, voir plus haut. Il faut observer que ^sipo-rovia signifiant l’imposition des mains en général, ne prend la signification d’ordination que selon les exigences du contexte. En tant qu’ordre sacré, déjà possédé, l’ordre reçoit différents noms dont voici les plus usités : [spwaùvï], sacerdotium ; to [xuaTYjpiov tt)* ; Eepoiaûv/jç ou tô tt)ç tepcooûvY]< ; à^ôwfxa ; — y) toc^'.ç, ordo, ou r ; lepà tocÇiç (synode de Chypre, sous Germain Pessimandre, en 1260, et Jean Beccos, Confessio fldei, dans Monumenta spectantia ad unionem Ecclesiarum græcse et latinæ de A. Theiner et F. Miklosich, Vienne, 1872, p. 28) ; r) xâZ, iç, tyjç EepowivYjç (Gabriel Sévéros, dans son SovT<XY[xâTt.ov 7uepl xoiv àywov y.o.1 îepwv xv>aT7)pîcov, Venise, 1691, p. 90) ; — to (j.ua-rrjpiov tcôv îspa-uxâSv TîXeicbaswv (Joasaph d'Éphèse, vers le xive siècle, dans Responsa canonica, resp. xlvii, édit. A. J. Almazov, Odessa, 1903, p. 38) ; — -6 y.uaTY)piov tyjç Upomxrjç /eipo-rovlaç (Confessio de Michel Paléologue, dans Monumenta… de A. Theiner et F. Miklosich, p. 18). Les ordres se nomment tocÇsiç ou TdrffxaTa ou, plus souvent encore, ol (3a6[j.ol (degrés) irfi UpoaûvY)ç rj -rîjç ^s'.poTovtaç. Les clercs revêtus des différents ordres constituent la hiérarchie sacrée, tîjv IspaTixrjv Eepap^toev ; cf. Jugie, op. cit., p. 394-397. L’expression Eepoaûvv) se lit dans la Confession de Moghila, part. I, q. xci ; dans les Actes du synode de Jassi de Métrophane Critopoulos, c. xi, les différents ordres étant appelés ici TàÇeiç, etc. Voir Kimmel, Monumenta fidei Ecclesia ? orientalis, t. i, Iéna, 1850, p. 188, 414, 456 ; t. ii, p. 138, 141, 221.

2. Définition.

Les définitions proposées par les auteurs sont assez variables. Voir différents spécimens dans Jugie, p. 397-398, Les unes englobent le rite et les effets du sacrement ; d’autres font une allusion plus particulière au caractère. Certains auteurs, comme Androutsos, restreignent expressément leur définition aux seuls ordres supérieurs. Dogmatique, p. 389. D’autres restreignent davantage encore et ne formulent qu’une définition convenant à l'épiscopat. Le P. Jugie rapporte une excellente définition, celle du catéchisme de Philarète : « Le sacerdoce est un sacrement dans lequel l’Esprit-Saint, par l’imposition de la main de l'évêque, rend le sujet légitimement élu, apte à conférer les sacrements et à paître le troupeau du Christ. »

3. Institution de ce sacrement par le Christ.

Il semble bien que les auteurs orthodoxes acceptent l’institution du sacrement de l’ordre par Jésus-Christ lui-même. Mais certaines théories paraissent difficilement conciliables avec ce principe. Aucune difficulté chez ceux qui enseignent que le sacerdoce a été institué à la Cène par les paroles : « Faites ceci en mémoire de moi ; » auxquelles ils ajoutent les paroles prononcées après la résurrection : « Recevez le Saint-Esprit, » etc. (N. Bulgaris, xviie siècle, né en 1634, 'lepà xarrjyyja'.ç 'q-coi IÇtjy 7) ^ t% Ôstaç xal Eepàç Xeiro’jpyîaç, c. i, édit. d’Hermopolis, 1884, p. 6), ou bien simplement la promesse générale du pouvoir de lier et de délier, Matth., xviii, 18 (Confession de Dosithée, xv ; Kimmel, t, i, p. 449), ou bien encore